Les Grandes Invasions barbares correspondent à un vaste mouvement migratoire, qui s’est étalé en Europe de la fin de l’Antiquité au début du Moyen Age. Dès le Ier siècle, les Romains subissent les premières incursions de peuples étrangers à l'Empire, qu'ils appellent des « Barbares ». Les goths franchissent le Danube en 376 et les frontières du Rhin cèdent à partir de 406, ouvrant la voie à plusieurs vagues successives d’invasions. Elles sont à l’origine de la fin de l’Empire romain et de la création des grands royaumes du Moyen ge.
Invasions barbares ou migrations ?
L'Europe a de tout temps dans l'histoire, et aussi loin que nos sources peuvent remonter, été l'objet d'invasions et de mouvements de populations, modifiant à chaque fois sa « géographie » politique, culturelle et ethnique. Durant l'époque romaine, ces mouvements sont bien entendu présents et l'Empire finit par se dresser comme un écueil infranchissable face aux différents peuples se déplaçant à travers le continent. La première rencontre violente pour les Romains avec ces migrations se fait avec les Cimbres et les Teutons ; partis peut être du Jutland et se répandant d'abord en Europe centrale, puis vers l'Ouest, parcourant la Gaule avant de se heurter aux légions à Orange, où elles sont littéralement massacrées.
Rome, en la personne de Marius parvient ensuite à les vaincre après leur séparation, à Aix puis à Verceil. Par la suite, se sont d'autres Germains qui s'opposent aux Romains de César, durant la Guerre des Gaules ; les Suèves d'Arioviste passent le Rhin à l'appel des Séquanes et ensembles battent les Eduens, alliés des Romains. César les affronte et parvient à les battre à la bataille d'Ochsenfeld.
Les mouvements en Gaule sont plus anciens encore, et les Belges qui bien que Celtes, ont de fortes similitudes avec les Germains, s'établissent sur la rive gauche du Rhin dès le IIIe siècle avant J.-C. après une véritable conquête. On fait souvent coïncider la mise en place des migrations avec la situation sous le règne de Marc Aurèle où les Quades et les Marcomans s’agitent et préfigurent la situation complexe du IIIe siècle après J.-C., qui voit une multitude de peuples en mouvement créant un climat extrêmement tendu.
Même si les barbares qui attaquent alors l’Empire ne souhaitent en aucun cas s’y installer, se contentant de piller, la recrudescence de la violence guerrière est symptomatique de collisions de plus en plus fréquentes entre peuples qui débouchent sur une accentuation nette du caractère guerrier des entités politiques germaniques en particulier. C’est ainsi que se forment les grandes ligues guerrières que l’on associe souvent rapidement avec des ethnies, comme les Francs, les Saxons…
Les Alamans sont très représentatif car l’étymologie de ce vocable désigne en effet littéralement « tous les hommes ». Les anciens peuples voisins des Romains se sont associés car la pression exercée sur eux par l’arrivée de nouvelles entités ethniques les obligent à devenir plus fort. Ces peuples sont des Germains dits orientaux, comme les Vandales, les Burgondes et bien sûr les Goths.
Ces derniers ont entamé leur migration dès le IIe siècle, se dirigent initialement vers les rives de la mer Noire, avant d’obliquer vers le Danube. Il faut bien comprendre que ces peuples ne sont guère homogènes et résultent de mélanges au grès des divers déplacements. Ces mouvements sont en effet lents, progressifs et fait de multiples étapes, durant lesquelles les populations s’agrègent volontiers aux nouveaux venus. La grande maîtrise de la cavalerie chez les Goths est ainsi un héritage des traditions steppiques, absorbée durant les étapes en Pologne actuelle et dans le Nord de la mer Noire. Les populations iranophones présentes sont en effet alors dépositaires d’une très ancienne coutumes équestres comme on le remarque nettement chez les Scythes. Les auteurs anciens, comme le très tardif (Ve siècle) Zosime emploient encore le qualificatif de Scythes pour parler des Goths.
L'armée romaine au IVe siècle
Face à la menace grandissante des incursions barbares, l'armée romaine a dû se restructurer. L'ancienne formation lourde de la légion a été réformée par l'empereur Dioclétien, ramenant ses effectifs (pour la plupart de ces unités) d'environ cinq mille hommes à près d' un millier, et leur nombre total était largement augmenté. Cela entérinait un état de fait, car pour répondre aux multiples agressions les légions avaient été morcelées en vexillations (détachements). Avec des unités tactiques plus modulables, les Romains sont plus efficaces.
Le nombre de combattants est en outre lui aussi augmenté, passant de 300 000 hommes au IIe siècle, à près de 500 000. De nouveaux corps sont aussi créés, comme les archers de cavalerie. La place des troupes légères est renforcée... Comme nous pouvons le voir, l'appareil militaire romain sort profondément changé de la crise du IIIe siècle, et les Romains ont appris de leurs déconvenues passées.
Et le résultat est à la hauteur de la tâche ; la menace est contenue avec beaucoup plus d'efficacité que le siècle précédent. Les défaites sont très rares, la seule vraiment significative étant Andrinople en 378, mais son impact est surestimé ; le problème principal est l'autorisation que l'empereur Valens donne l'ordre aux Goths de s'installer sur le territoire romain en 376 car des fonctionnaires romains tentent d'affamer les barbares plutôt que de procéder à leur assimilation comme c'était le cas jusqu'ici.
Les Goths gardent ainsi leur indépendance politique et constituent alors un État dans l'État. Victoire ou défaite en 378 ne change pas grand chose pour les Romains parce qu'un élément étranger et inassimilable désormais, est entré sur leur territoire. Les Goths sont d'ailleurs vaincus par Théodose, sans que le problème soit réglé en profondeur. Il ressurgit avec Alaric et le pillage de Rome en 410, après la mort du grand empereur. En tout cas, tant qu'elle existe (et elle ne disparaîtra qu'au cours du Ve siècle) l'armée romaine continue d'assurer la sécurité du monde romain.
La chute de l’Empire romain d’Occident
Cependant, les migrations se multiplient et, par vagues successives, les Barbares arrivent aux portes de l’Empire romain. Celui-ci, affaibli par des querelles internes, n’arrive plus à contenir ces peuples, qui deviennent conquérants.Le 31 décembre 406, 150 000 Alains, Suèves et Vandales traversent le Rhin gelé près de Mayence (dans l’Allemagne d’aujourd’hui) et envahissent la Gaule. La plupart continuent jusqu’en Espagne et même en Afrique. Pendant ce temps, les Wisigoths suivent une autre voie. Venus des Balkans, ils envahissent l’Italie et s’emparent de Rome en 410. Ils s’installent ensuite dans le sud de la Gaule, en Aquitaine. Les Angles, les Jutes et les Saxons s’emparent pour leur part de l’actuelle Grande-Bretagne.
À partir de 451, les huns d’Attila partent à la conquête de l’Empire romain d’Occident. Même s’ils sont vaincus à la bataille des champs Catalauniques par une coalition hétéroclite de Gallo-romains et de barbares commandés par le Patrice romain Aetius, ils s’adonnent au pillage de nombreuses villes du nord de la Gaule, de la vallée du Rhône et de l’Italie.
En 476, le dernier empereur romain, Romulus Augustule, est déposé par Odoacre, le roi des Hérules. L’Occident est désormais aux mains des Barbares qui forment progressivement des royaumes en Europe. De l’immense Empire romain, il ne demeure que l’Empire romain d’Orient à Constantinople (également appelé Empire byzantin).
Les francs s’installent en Gaule romaine
Au début du Ve siècle, avant même la chute de Rome, la Gaule romaine tombe sous la coupe de Barbares qui se taillent de petits royaumes. Seul le bassin autour de Paris est encore sous autorité romaine. Le nord et le nord-est sont sous la domination des Francs et des Alamans. Les Wisigoths tiennent le sud-ouest, et le sud-est est aux mains des Burgondes. Les Huns, commandés par Attila, font une brève incursion en Gaule en 451 mais, battus aux champs Catalauniques, ils se replient en Europe centrale (dans la Hongrie actuelle).
Rapidement cependant, les Francs se convertissent au catholicisme. Le premier est Clovis Ier, qui se fait baptiser vers 498. Avec le soutien des Gallo-romains chrétiens, le premier roi de la dynastie mérovingienne chasse les Wisigoths et les Burgondes, et regroupe la Gaule sous sa domination. Ainsi se crée le premier royaume franc.
Les Grandes Invasions marquent la fin de l’Empire romain en Occident. Mais bien souvent, loin de détruire l’héritage romain, les Barbares ont eu au contraire à cœur de le préserver et se sont mêlés aux populations locales. Adoptant la langue latine, ils ont transmis aux générations suivantes une partie des lois, de la culture et de l’organisation des Romains. Toutefois, les différences qui caractérisent chacun de ces peuples envahisseurs ont subsisté en partie et sont à l’origine des divers pays qui constituent l’Europe.
Bibliographie
- Attila: L'histoire des Barbares et des grandes invasions en Europe, d' Amédée Thierry. Le Mono, 2017.
- Les Invasions barbares, de Pierre Riché et Philippe Le Maître. PUF, 2003.
- Les derniers jours, la fin de l'empire romain d'Occident, de Michel de Jaeghere. Tempus, 2016.