Quel est le but de la bataille de la Somme ?
En 1915, les offensives menées par les armées alliées achoppent, selon le haut-commandement, en raison d'un manque de moyens. En lien avec un accroissement de la production de canons et d'obus, les généraux imaginaient que la victoire viendrait de lourdes préparations d'artillerie, ouvrant la voie pour la progression des troupes. C'est dans cet esprit que les alliés se réunissent les 6,7 et 8 décembre 1915 à Chantilly, au Grand Quartier Général français commandé par le général Joffre.
L'idée d'une offensive simultanée, sur plusieurs fronts, est partagée par les Français, les Anglais, les Italiens et les Russes : à l'est, une attaque générale de l'armée russe est prévue ; en Italie, une attaque sur l'Isonzo ; à l'ouest, Français et Britanniques lanceraient une vaste offensive sur la Somme, prévue pour la fin du printemps ou le début de l'été 1916. Au même moment, les Allemands adoptent sous l'influence de Falkenhyan la stratégie de l'usure, envisagent de « saigner à blanc » l'armée française, en menant un assaut sur un point névralgique : Verdun.
Un plan modifié par le déclenchement de la bataille de Verdun
L'opération aurait lieu entre la région d'Albert – contrôlée par les Alliés – et les environs de Péronne, contrôlés par les Allemands . Les objectifs étaient néanmoins relativement flous : selon Jean-Jacques Becker, il s'agissait autant d'user l'armée allemande que de rechercher la bataille décisive qui permettrait d'obtenir la victoire finale.
Une offensive meurtrière, pour une faible progression
Le 1er juillet 1916, après plusieurs jours d'intenses préparations d'artillerie, les armées françaises et britanniques se lancent à l'assaut des défenses allemandes. Si, dans la partie sud la VIe français connaît quelques succès, le bilan est catastrophique pour l' armée britannique : 60 000 hommes (sur 120 000 hommes engagés) ont été mis hors de combat dès le 1er juillet, dont 10 000 morts. En dépit des nombreux bombardements préliminaires, les assaillants s'étaient heurtés à des défenses en partie intactes et aux tirs des mitrailleuses allemandes.
Le 15 septembre 1916, à Flers, les Britanniques ont employés pour la première fois des chars d'assaut (Mark IV). Nombre d'entre eux ne parviennent pas à atteindre la ligne d'attaque, mais les autres réussissent des avancées spectaculaires. Néanmoins, ces chars s'avèrent encore trop lents, trop peu fiables et trop peu nombreux pour avoir un effet tactique significatif.
Comme pour les chars français ou allemands qui apparaissent quelques mois plus tard, ses nombreux défauts — notamment sa lenteur (à peine 6 km/h sur route) — lui donnent un effet plus psychologique que réel, la plupart des exemplaires engagés dans les combats étant détruits ou capturés. Il faut attendre encore plusieurs mois pour que les chars deviennent une arme réellement décisive.
Au terme de l'année 1916, l'offensive de la Somme apparaît comme un échec, les lignes ennemies n'ayant pu être enfoncées. L'Allemagne occupe toujours la partie Nord-Est de la France, le rapport de force étant toujours favorable aux puissances centrales. Pire, aucune victoire décisive ne paraissait possible d'un côté comme de l'autre.
La bataille de la Somme , un tournant ?
A plusieurs égards, la bataille de la Somme peut être vu comme un épisode charnière de la Grande Guerre. Côté allemand, Gerd Krumeich a notamment montré que si Verdun est peu présent dans les récits des soldats, la bataille de la Somme occupe une place centrale. En position défensive dans des abris souterrains, les soldats allemands identifiaient cette bataille comme un épisode de la défense de la patrie – bien qu'en territoire français – face à l'agresseur britannique.
La Somme est aussi un moment fort de la coopération franco-britannique durant la Grande Guerre. En effet, Français et Britanniques ont dû mobiliser de manière croissante des officiers de liaison afin de mieux articuler les relations entre les deux armées, les méthodes de liaison tendant lentement à se mettre en œuvre. En dépit de son échec et de son coût humain, la campagne menée dans la région de la Somme a servi à démontrer aux commandants alliés qu'une amélioration importante de la coopération et de l'entraînement est nécessaire pour espérer vaincre l'armée allemande.
En effet, malgré de terribles conditions climatiques et de graves erreurs tactiques, cette gigantesque bataille de matériel a été pour les Alliés une période d'apprentissage, notamment dans l'emploi de l'artillerie, qui a contribué à la victoire finale de 1918.
La mémoire de la bataille de la Somme
Aussi la bataille de la Somme a fait rapidement fait l'objet de commémorations. A l'initiative du gouvernement britannique, fut érigé en 1928-1932 le mémorial de Thiepval (Somme) conçu par l'architecte Edwin Lutyens. Haut de 45 mètres et prenant la forme d'un arc de triomphe, le monument comprend les noms de 73 367 soldats britanniques et sud-africains tués sur les champs de bataille de la Somme. Devenu un véritable lieu de pèlerinage pour les Britanniques – accueillant chaque année près de 160 000 visiteurs – le monument jouxte un cimetière militaire répondant aux codes britanniques : les noms sont gravés sur des stèles uniformes, quelque soit le rang ou le grade.
De plus, l'aménagement d'un itinéraire, le « circuit du souvenir » de la bataille de la Somme, permet de visualiser les stigmates de la Grande Guerre sur les paysages, et de visiter les principaux monuments érigés en mémoire de la bataille : Ulster Tower (mémorial irlandais), mémorial ANZAC (australien et néo-zélandais), qui ont accueilli récemment les commémorations de la bataille de la Somme.
Bibliographie
- La Bataille de la Somme. L'hécatombe oubliée, de Marjolaine Boutet et Philippe Nivet. Tallandier, 2016.
- La bataille de la Somme, d' Alain Denizot. Tempus, 2006