La bataille de Verdun, qui a opposé les troupes allemandes aux troupes françaises, s’est déroulée entre le 21 février et le 18 décembre 1916. Elle débute par une offensive allemande qui vise à "saigner à blanc" l'armée française. La défense de cette partie du front est rapidement confiée au général Pétain, qui organise le ravitaillement du front en créant la "voie sacrée", une route élargie et entretenue pour le passage ininterrompu de deux files de camions. L'avance allemande sera bloquée par la ténacité des combattants français, au prix d'un nombre vertigineux de morts et de blessés. Finalement remportée par la France, la bataille de Verdun est l’une des plus importantes de la Première Guerre mondiale (1914-1918).
Pourquoi la bataille de Verdun ?
Depuis la bataille de la Marne, la guerre de mouvement s'est transformée en guerre de positions : les combattants s'enterrent dans des tranchées, luttent dans d'horribles conditions, repliés dans la boue au milieu des rats, entourés de cadavres qu'il n'est pas toujours possible d'évacuer, et surtout, survivent dans la peur... C'est sur le saillant de Verdun que le général Erich von Falkenhayn entend, comme il l'écrira plus tard, « saignera blanc l'armée française » par le feu de milliers de canons, c'est-à-dire l'épuiser aussi bien moralement que physiquement avant d'en venir totalement à bout. Il est soutenu dans cet objectif par le Kronprinz, fils aîné de Guillaume II, lui aussi bien décidé à anéantir l'armée française et qui qualifie Verdun de « cœur de la France » symbolique.
Les Allemands savent l'importance de ce site situé sur la Meuse, en Lorraine, dont les fortifications en font à la fois un enjeu stratégique et une question d'honneur national pour les Français. La défense de Verdun a en effet une histoire militaire très ancienne : des fortifications existaient déjà au xive siècle, avant que ne soit construite une citadelle souterraine sous Louis XIII, consolidée sous Louis XIV avec Vauban, puis encore renforcée à la fin du XIXe siècle. Par deux fois, la ville a été assiégée et prise par les Prussiens, en 1792 et en 1870.
Verdun est effectivement difficile à défendre car la Meuse coupe en deux le champ de bataille, tandis que le front présente un saillant, donc deux parties à défendre au lieu d'une seule. Les Allemands savent aussi qu'il est difficile pour les Français de venir au secours des troupes basées à Verdun, en raison de l'absence d'une ligne de chemin de fer digne de ce nom.
De plus, les forts sont dépourvus d'effectifs et d'armement en nombre suffisant, puisque Joffre est persuadé du caractère quasi-imprenable des fortifications de Verdun et n'imagine même pas une offensive à cet endroit. D'ailleurs, en août 1915, les autorités militaires ont décidé de déplacer une quarantaine de batteries lourdes et une dizaine de batteries de campagne sur d'autres secteurs jugés plus sensibles. Aussi, lorsque la bataille de Verdun éclate, les Français sont-ils particulièrement surpris, s'attendant à une bataille en Champagne.
Une offensive minutieusement préparée
Décidée dès décembre 1915, la bataille de Verdun, que le haut commandement allemand veut décisive, a été minutieusement préparée. Des tunnels en béton ont été aménagés le plus près possible des positions françaises, de profonds abris ont été creusés, pouvant accueillir 72 bataillons d'assaut, et les effectifs allemands ont été renforcés, passant à huit divisions. L'armée allemande est placée sur un front d'une douzaine de kilomètres et 221 batteries d'artillerie sont installées. Malgré le secret qui entoure ces préparatifs, les services de renseignements français sont informés d'une attaque prévue pour le 11 février. Mais les autorités militaires n'accordent que peu de crédit à cette surprenante information, même si quelques renforts sont envoyés sur place, au cas où... Pour des raisons météorologiques, l'attaque est reportée de quelques jours.
Le 21 février, à 7 heures 30, l'artillerie allemande passe à l'action. Elle détient plus de 1,2 million de canons, dont 13 redoutables Krupp de 420 mm. Les trois divisions françaises présentes sur ce front d'une quinzaine de kilomètres seulement sont assaillies par un déluge de bombes. Von Falkenhayn espère ainsi anéantir au maximum l'infanterie adverse, qui ne dispose, pour riposter, que de 65 batteries d'artillerie et de 270 canons. En fin d'après-midi, après neuf heures de bombardements, l'artillerie allemande laisse la place à l'infanterie : les fantassins allemands se lancent contre les positions françaises, et, pour la première fois, l'arme redoutable qu'est le lance-flammes est utilisée.
En quelques jours, alors que deux millions d'obus sont déversés sur les positions françaises dès les premières 48 heures, le front français est enfoncé jusqu'à une dizaine de kilomètres. Pourtant, alors que s'acharnent leurs tirs d'artillerie, les Allemands ont la surprise de voir les soldats français, même isolés et sans commandement, s'obstiner à défendre leurs positions.
Bien que les Français déplorent la perte de 20 000 hommes et que le fort de Douaumont soit tombé le 25 février, Joffre donne l'ordre de résister coûte que coûte, affirmant avec détermination : « Ils ne passeront pas ! ». Il confie le commandement de la défense de Verdun au général Philippe Pétain, à la tête de la 2e armée et secondé par les généraux Nivelle et Mangin.
Pétain organise la défense
En place à partir du 26 février, Pétain entend colmater la brèche réalisée par l'ennemi et organise une liaison avec l'arrière : 6 000 camions prennent l'unique route menant de Bar-le-Duc à Verdun, la « voie sacrée », permettant ainsi en l'espace de 24 heures d'acheminer les renforts, le ravitaillement en vivres et en munitions. Au retour, ils rapatrient les nombreux blessés. Désormais, ce sont 90 000 nommes et 50 000 tonnes de matériel qui sont véhiculés chaque semaine. De plus, pour limiter les pertes dans chacune des divisions et permettre aux poilus de se reposer dans les environs de Bar-le-Duc, Pétain met en place une rotation des unités, ce qui amènera les deux tiers de l'armée française à participer aux combats de Verdun.
De février à avril, les effectifs des armées françaises passent de 230 000 à 584 000 hommes, tandis que l'artillerie approche les 2 000 pièces, dont le quart est constitué d'armes lourdes. Pourtant, les Allemands continuent à se montrer redoutables : le 27 février, le fort de Douaumont, dont la garde n'est assurée que par une soixantaine de soldats, est pris. Le 6 mars, les Allemands attaquent sur la rive gauche de la Meuse, prenant le bois de Cumières le 7 mars, la crête de Mort-Homme le 14 mars, et la côte 304 le 24 mai.
Au début du printemps, l'assaut allemand sur les fronts est et ouest parvient à être repoussé, de même que la brèche réalisée par l'ennemi est comblée à la fin mars. Bien que les armées du Kronprinz aient été défaites le 9 avril, les Allemands parviennent à se reprendre rapidement et le général Mangin échoue à reconquérir Douaumont du 22 au 24 mai. En dépit de l'importance des pertes subies dans « l'enfer de Verdun », la guerre d'usure continue. Le 7 juin, le fort de Vaux est pris par les Allemands, qui lancent un nouvel assaut fin juin à Thiaumont, Fleury et aux alentours de Froi-deterre.
Les terribles bombes au phosgène apparaissent pour la première fois et les Allemands parviennent à avancer de 3 kilomètres, ce qui menace les positions françaises au niveau de la rive droite de la Meuse. Mais la situation sur la Somme, plus au nord, fait basculer peu à peu le rapport de force : le 1er juillet, les forces franco-britanniques y lancent une vaste offensive qui contraint les Allemands à réduire leurs effectifs à Verdun pour tenir leurs positions dans la Somme.
La bataille de Verdun tourne à l'avantage des français
A Verdun, le Kronprinz tente un nouvel assaut sur le fort de Souville le 11 juillet, mais la riposte de l'artillerie française et les contre-attaques menées sauvent la situation in extremis. Compte tenu des difficultés rencontrées par les forces allemandes, le général von Falkenhayn est destitué de ses fonctions le 29 août 1916, qui sont confiées au maréchal Hindenburg, secondé une nouvelle fois par le général Ludendorff.
Le 24 octobre, le général Robert Nivelle, qui a succédé au général Pétain à la tête de la 2e armée (Pétain se voit confier le commandement du groupe d'armées du Centre), lance une contre-offensive sur Verdun. Cela permet de renverser définitivement la situation en regagnant le terrain sans cesse perdu depuis février : le fort de Douaumont est repris en quelques heures, puis celui de Vaux le 2 novembre, faisant enfin reculer les Allemands. Le front se stabilise le long d'une ligne Champneuville-Bezonvaux, sur la rive droite de la Meuse.
Le 18 décembre 1916, la bataille de Verdun est gagnée par les Français.
La « boucherie » de Verdun
Après dix mois de massacres et 37 millions d'obus tirés, cette victoire a un impact psychologique immense. La France garde l’avantage sur la région de Verdun malgré le lourd prix payé : près de 380 000 tués, disparus et blessés. L’Allemagne connaît une double défaite : d’une part, elle n’a pas réussi sa percée du front français et, d’autre part, ses pertes humaines (estimées à 335 000 tués, disparus et blessés) sont presque aussi importantes que celles de la France. Verdun est la plus meurtrière des batailles de la première guerre mondiale, après celle de la Somme.
Bibliographie
- La bataille de Verdun: 1916, les Poilus dans l’enfer lunaire des tranchées, de Romain Parmentier. 50Minutes, 2013.
- La bataille de Verdun: 1916-1917, de Louis Gillet. Laville, 2013.
- Verdun 1916, de Michaël Bourlet. Perrin, 2023.
Pour aller plus loin
- Le mémorial de Verdun.