Marignan dans le contexte des guerres d'Italie
Riche depuis les débuts de la Renaissance, la péninsule italique est convoitée par les puissances européennes, notamment les souverains de France. Malgré sa puissance financière et sa domination intellectuelle et artistique, la péninsule est alors fragile politiquement, morcelée en principautés rivales dont les plus importantes sont les États pontificaux, le royaume de Naples, le duché de Milan et les Républiques de Venise et de Florence. Aussi, les guerres d’Italie ont-elles été le théâtre des ambitions territoriales et l’épicentre des tensions en Europe durant la première moitié du XVIe siècle.
Mais s’il parvient à écarter rapidement Ludovic le More, il doit compter dans la péninsule sur des princes importants, tel César Borgia, mais aussi le pape et les Aragonais. Pendant quelques années, Louis XII parvient à jouer des alliances, s’appuyant sur Florence et le duché de Milan, entrant dans la lutte contre Venise. Cependant, son influence commence à gêner les princes italiens, à commencer par le pape Jules II, qui retourne les alliances contre la France.
Un compromis est trouvé en 1504 : la France abandonne Naples au roi d’Aragon, mais conserve Milan. Cette solution n’est que temporaire car le pape Jules II, qui veut assurer son autorité à toute l'Italie, monte une nouvelle « Sainte Ligue » contre la France, comprenant Venise, l’Aragon, la Suisse et l'Angleterre. Louis XII doit quitter l’Italie en 1512, et essuie un nouvel échec l’année suivante à Ravenne.
La mort du roi en 1515 rassure un peu les cours européennes, et en particulier celles d’Italie, qui voient d’un bon œil lui succéder le jeune François d’Angoulême, à peine vingt ans. Mais le nouveau roi, plus connu sous le nom de François Ier, a les mêmes ambitions italiennes que ses prédécesseurs. Il peut aussi compter sur une armée toute neuve, que Louis XII avait préparée en vue de reprendre ce qu’il estimait lui être dû.
François Ier en route pour Milan
A peine sacré, le nouveau roi décide de venger la France des récents échecs militaires et de reconquérir le Milanais. L’armée réunie par François Ier est considérable pour l’époque : on parle d’environ 10 000 cavaliers, 30 000 fantassins et 70 canons. L'expédition comprend de nombreux chevaliers, tels que Bayard, le connétable de Bourbon, le duc de Lorraine, le comte de Guise ou encore le maréchal Trivulce.
En effet, la noblesse a pour rôle de « conserver l'Etat par les armes », en échange de nombreux privilèges. La traversée des Alpes promet d’être difficile, surtout que les Suisses attendent l’armée française . Mais, première audace de François Ier, il choisit de passer par le col de Larche, bien plus escarpé que les cols de Montgenèvre ou Mont-Cenis. Déjà, on entend les comparaisons avec Hannibal…Les Alpes passées, les Français bivouaquent à Turin.
Les doutes du roi sont confirmés par les événements : dans le camp suisse, le parti de l’évêque de Sion Matthäus Schiner, très anti-Français, l’emporte. Le 13 septembre 1515, environ 20 000 Suisses quittent Milan, direction Marignan.
La bataille de Marignan
Au sein de l’armée française, l’avant-garde a été confiée au connétable de Bourbon, et comprend l’artillerie et ses soixante-douze canons. François Ier en personne commande le gros de l’armée, et son beau-frère Charles d’Alençon l’arrière-garde, composée de la cavalerie.
Face aux Français, les mercenaires suisses s’avancent en trois carrés de piquiers de 7 000 hommes chacun, et c’est vers 16 heures qu’intervient le premier contact. Le connétable de Bourbon est en difficulté, mais il est secouru par la charge du roi de France : le combat, très violent, dure jusqu’à la nuit ! C'est surtout l'artillerie française qui met l’ennemi en difficulté, et à trois reprises, les Suisses doivent lâcher prise alors qu’ils parvenaient à les atteindre. François Ier s’illustre, gardant son armure pour dormir : sa légende est en marche. Le roi de France profite de la nuit pour modifier la disposition de son armée, qu'il place en longueur, sur une ligne élargie pour augmenter la puissance de feu. Le roi est placé au centre, le duc d'Alençon sur l'aile gauche et le connétable de Bourbon sur l'aile droite.
Le lendemain, 14 septembre 1515, les Suisses ont reconstitué leurs rangs et chargent à nouveau. Ces derniers choisissent de s’en prendre au centre du dispositif français, qui est commandé par le roi, mais leurs 5 000 hommes sont alors repoussés par les piquiers et les arquebusiers français, appuyés par l'artillerie. Ne pouvant enfoncer le centre, les Suisses tentent alors de se diriger vers les ailes de position des Français et de s'infiltrer jusqu’aux canons, en vain.
En fin de matinée, les Suisses sont pris à revers par une autre armée venue soutenir François Ier et commandée par Alviano, capitaine de Venise.Tandis que les Suisses commencent à reculer, les canons français se déchaînent. Tentant de fuir, les Suisses sont rattrapés par la cavalerie, qui fait un véritable carnage. Submergés, les Suisses parviennent à battre en retraite définitivement. Les Français, épuisés par les combats, renoncent à poursuivre les vaincus. Pour le vieux maréchal Trivulce, qui a participé au cours de sa vie à 18 batailles particulièrement difficiles, ce fut « un combat de géants ».
Les conséquences de la victoire à Marignan
La route vers Milan est ouverte. Bon prince, François Ier négocie la reddition de Maximilien Sforza, et s’accorde les grâces du pape Léon X ; il entre solennellement dans Milan le 11 octobre. Un an plus tard, le roi François Ier et le pape Léon X signent le concordat de Bologne le 18 août 1516. Ce dernier réglemente les pouvoirs respectifs de chaque partie sur l'Église de France, donnant au roi de un droit de nomination sur le clergé de France et de contrôle de l'attribution des grands bénéfices ecclésiastiques.
Marignan est donc la première grande victoire du jeune roi. Elle est décisive autant pour sa réputation dans la péninsule Italienne et en Europe, que pour la situation en Italie. François Ier parvient même à faire des Suisses les « alliés perpétuels » de la France au traité de Fribourg. Ce pacte de non-agression assure à la couronne le droit de lever des troupes de mercenaires suisses tandis que ceux-ci ne peuvent désormais plus s’engager auprès d’États en guerre contre la France. Cette "paix perpétuelle" avec les cantons suisses perdurera jusquen…1792 !
Mais Marignan est avant tout une bataille : d’abord, elle est peut-être l’une des dernières à être « chevaleresque », malgré sa violence, même si ce triomphe de la chevalerie est surtout visible dans la propagande royale. Le véritable vainqueur de Marignan est en fait l’artillerie française ; celle-ci est pour la première fois décisive dans une bataille rangée, après l’avoir été pour des sièges (comme Constantinople ou Grenade). Le roi ne peut finalement pas vraiment profiter de son triomphe. Il doit rentrer en France, avec tout de même dans ses bagages un certains Léonard de Vinci.
Commence alors les années suivantes la rivalité avec Charles Quint, qui culmine avec la défaite de Pavie en 1525, dix ans après Marignan. Fait prisonnier, le roi de France renonce à l’Italie. Les guerres d’Italie s'achèvent définitivement en 1559 par l’abandon de toute prétention française sur l’Italie, sous le règne d'Henri II, qui signe avec Charles Quint la paix de Cateau-Cambrésis.
Bibliographie
- 1515 Marignan, d'Amable sablon du Corail. De Noyelle, 2015.
- La bataille de Marignan: La conquête du Duché de Milan par François Ier, de Emilie Toussaint. 50Minutes, 2013.
- François Ier: Un roi entre deux mondes, de Cédric Michon. Belin, 2018.