Henri VIII, l’héritier des Tudors
Tout comme sa fille Elisabeth, Henri VIII n’est pas le premier héritier du trône. En effet, second fils d’Henri VII, il passait après son frère Arthur, fils préféré du souverain, qui n’hésitait pas à le placer comme lointain héritier du roi légendaire du même nom. Pressé d’assurer sa succession, le roi roi Henri VII marie Arthur à la fille des Rois Catholiques, Catherine d’Aragon. Nous sommes en 1501, les deux époux n’ont pas seize ans, leur union pleine de promesses pour les deux royaumes est bien reçue en Angleterre, jusqu’à Thomas More, qui voit en Catherine « toutes les qualités qui font la beauté d’une charmante jeune fille ».
Le jeune roi n’en est pas moins légitime et populaire, au contraire d’un père reclus et devenu dévot. Henri VIII, à l’opposé, est jeune, grand et beau, quasiment vu comme un nouveau messie selon Thomas More. Est-il cependant prêt à gouverner ?
L’entourage du roi
A peine sur le trône, Henri VIII décide de faire l’inverse de son père. Il libère des prisonniers politiques, en fait arrêter d’autres, dont ceux qu’il estime corrompus, comme Edmund Dudley et Richard Empson, rapidement exécutés. Il rappelle ensuite le marquis Thomas Grey, éloigné par son père. En revanche, il conserve le chancelier William Warham (archevêque de Canterbury) et Richard Foxe. En ce début de règne, Henri VIII compte d’abord profiter plutôt que gouverner.
La rupture avec Rome
La « grande affaire » du règne d’Henri VIII est le schisme avec Rome. Mais les raisons en sont multiples et complexes, et pas uniquement dues à un caprice pour se remarier. Tout d’abord, l’entente n’est pas excellente entre le roi et Catherine d’Aragon, tout comme les relations avec le père de celle-ci, surtout entre 1511 et 1514. Henri VIII n’est pas le prince docile que les Espagnols espéraient. De plus, il reproche à la reine de ne pas lui donner de fils (un garçon est mort à quelques semaines en 1511) ; ils ont cependant une fille, Marie, née en 1516. Tout s’accélère quand le roi tombe amoureux d’Anne Boleyn…
Parallèlement, la Réforme progresse en Europe, jusqu’en Angleterre. Si Henri VIII la combat férocement, se plaçant en « défenseur de la Foi », il ne se range pas non plus derrière le pape, dont il commence à contester la suprématie, avec le soutien de Wosley.
Le tournant intervient en 1527, quand Henri VIII décide d’annuler son mariage avec Catherine d'Aragon, provoquant le scandale avec Rome et l’Espagne, désormais sous la coupe de l'empereur Charles Quint. Le roi d’Angleterre charge Wosley des négociations avec le pape Clément VII. Au droit se mêlent les intrigues politiques et les luttes de pouvoir entre Henri VIII et Charles Quint (qui a refusé d’épouser Marie Tudor). Le pape choisit ce dernier au bout de plusieurs années qui voient la disgrâce de Wosley, au profit de More et surtout Cromwell.
En 1531, l’archevêque de Cantorbéry Thomas Cranmer déclare : « Nous reconnaissons que Sa Majesté est le Protecteur particulier, le seul et suprême seigneur et, autant que la loi du Christ le permet, le Chef suprême de l'Église et du clergé d'Angleterre ». Cranmer a joué un rôle essentiel dans la séparation de l'Église d'Angleterre d'avec l'Église catholique romaine, sous le règne d'Henri VIII. Il ouvrit la voie au livre lithurgique de l'Église d'Angleterre, le Prayer Book, en révisant dans un premier temps différents bréviaires et livres lithurgiques médiévaux et contemporains.
Consommé par l’Acte de suprématie en 1534, le schisme est bien là, et le pape excommunie Henri VIII.
La politique extérieure d'Henri VIII
La fin du XVe siècle a vu éclater les guerres d’Italie et les ambitions de la France. Pressé d’entrer dans le jeu international, y voyant l’occasion d’acquérir du prestige, Henri VIII rejoint la Ligue que le pape Jules II a montée contre Louis XII en 1511. Il doit cependant attendre 1513 pour débarquer en France, où il prend Thérouanne. C’est l’occasion de commencer une propagande à sa gloire, présentant sa victoire comme un nouvel Azincourt. Toutefois, il doit rentrer en urgence en Angleterre sous la menace écossaise, et ne peut vraiment profiter de sa victoire de prestige. Il y gagne tout de même une grande aura dans son royaume, célébré comme un nouvel Henri V. Le roi d’Angleterre passe alors une grande partie de son règne à jouer le balancier entre les deux puissances continentales, la France et l’Empire.
L’Angleterre reste en retrait des affaires internationales durant les années 1530, puis revient dans le jeu en 1542. Jusqu'en 1546, Henri VIII est impliqué dans de nouveaux conflits militaires en France et en Écosse. Marié à une princesse française, Jacques V d’Écosse ravage en effet les frontières anglaises, ce qui incite Henri VIII à reprendre les hostilités avec l’allié de l’Écosse, François Ier.
En 1542, Henri vainc les Écossais à la bataille de Solway Moss puis prend la ville française de Boulogne deux ans plus tard. Les acquis stratégiques sont néanmoins relatifs : Boulogne est rendue deux ans après et malgré les succès anglais, l’Écosse demeure indépendante. Elle est le dernier État des îles Britanniques à échapper à la domination anglaise, alors que le pays de Galles a été rattaché à la Couronne (Acte d’union de 1536) et qu’Henri VIII a reçu le titre de roi d’Irlande (1541).
Finalement, si Henri VIII a permis à l’Angleterre de tenir face aux ambitions de ses rivaux, il n’est pas parvenu à réellement les concurrencer. Pire, ses efforts ont saigné le royaume à blanc…
« Barbe bleue » et ses épouses
Le « divorce » avec Catherine d’Aragon permet au roi d’officialiser sa liaison avec Anne Boleyn en 1533. Il espère d’elle un fils, mais elle accouche d’une fille, Elisabeth. Leur relation s’envenime vite, Anne faisant une fausse couche en 1536. De plus, la réputation de la reine est de plus en plus sulfureuse. Henri VIII en profite pour s’en débarrasser, et elle est exécutée en 1536, sous prétexte d’inceste et d’adultère.
C’est un fiasco, et la reine est exécutée en février 1542, tout comme ses amants présumés… La dernière heureuse élue, Catherine Parr, semble lui redonner un peu d’équilibre. Les deux époux se respectent, et cette fois elle lui survit, décédant un an après la mort du roi.
La déchéance d'Henri VIII
Le roi, à partir de la disgrâce de Thomas Wolsey, a des rapports de plus en plus compliqués avec ses conseillers. Ainsi, Thomas More, puis son rival Thomas Cromwell, sont exécutés en 1535 et 1540 pour des motifs parfois obscurs. Jusqu’à la fin de son règne, Henri VIII continue les purges et gouverne de plus en plus seul, alors que sa popularité est un lointain souvenir, à mesure que le royaume plie sous les taxes pour financer les guerres. Sa déchéance est également physique suite à une blessure reçue en tournoi : obèse, impuissant, il devient un cauchemar pour son entourage.
C’est donc un soulagement quand Henri VIII meurt le 28 janvier 1547. Il laisse un royaume exsangue et divisé. Lui succèdent brièvement son fils Edouard (1547-1553) et Marie Tudor, dite « Bloody Mary » pour son retour sanglant au catholicisme. Enfin, Elisabeth Ire (1558-1603), fille d’Anne Boleyn, si elle devient l’une des plus grandes reines d’Angleterre et fait de son pays une grande puissance, ne parvient pas à perpétuer la dynastie des Tudors, qui s’éteint avec elle. Entretemps, son père est entré dans la légende.
Bibliographie
- B. Cottret, Henri VIII, le pouvoir par la force, Biographie Payot, 2005.
- Henri VIII : la démesure au pouvoir, de Cédric Michon. Perrin, 2022.
- G. Hocmard, Henri VIII. Biographie Ellipses, 2018.
- L. Crété, Les Tudors, Flammarion, 2010.