La jeunesse tumultueuse de Mirabeau
Né dans le Gâtinais au château de Bignon, le futur comte de Mirabeau est le cinquième enfant et deuxième fils de Victor Riqueti, marquis de Mirabeau, et de Marie Geneviève de Vassan. Héritier du nom par la mort de son frère aîné, il naît avec un pied tordu et deux dents molaires. A trois ans, il est atteint d’une petite vérole confluente qui, par suite de l’application imprudente d’un collyre, laisse de profondes cicatrices sur son visage et augmente encore sa laideur naturelle. C’est un enfant turbulent, indiscipliné, mais très intelligent et doué d’une mémoire prodigieuse. Son père lui reconnaît des capacités, mais prétend qu’il a l’esprit enclin au mal. En 1767, il le fait incorporer dans l’armée, mais refuse de lui acheter une charge.
Il est ainsi reçu chez le marquis de Monnier, marié avec Marie-Thérèse Richard de Ruffey, fille d’un président à la Chambre des comptes de Bourgogne. Alors commencent les amours de Mirabeau avec celle qu'il a immortalisée sous le nom de Sophie. Mirabeau s’enfuit en Suisse, puis en Hollande avec Madame de Monnier qui a pu le rejoindre. Le répit est de courte durée. Ils sont arrêtés à Amsterdam en mai 1776. Transféré en France puis écroué au château de Vincennes en juin 1777, Mirabeau y écrit deux fameux ouvrages : Les lettres à Sophie et Les lettres de cachet.
Mirabeau sera libéré en 1780 après trois ans et demi de détention. Son épouse Emilie obtient la séparation de corps et de biens et en 1786 Mirabeau retourne à Berlin chargé d’une mission secrète.
Mirabeau, tribun de la Révolution
Dès l’annonce de la convocation des Etats Généraux, Mirabeau entame en Provence une lutte acharnée contre les privilèges de l’aristocratie et bien que noble se fait élire triomphalement élire comme représentant du Tiers pour la sénéchaussée d’Aix. Lié au duc d’Orléans, il s’impose aux Etats Généraux par son talent exceptionnel d’orateur qui fait oublier sa « laideur grandiose et fulgurante ». S’étant proclamés Assemblée nationale le 17 juin 1789, les députés du tiers état se réunissent dans la salle du Jeu de paume et jurent de doter le pays d’une constitution. Le 23 juin 1789, il aurait prononcé la fameuse formule : « nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des Baïonnettes », refusant l’ordre du roi de dissoudre la nouvelle assemblée. Il parvient ensuite à faire adopter le principe de l’inviolabilité des députés.
La duplicité et la mort de Mirabeau
Inquiété par les excès de la Révolution, Mirabeau se rapproche de la Cour et de Louis XVI. Son premier mémoire au roi, daté du 10 mai 1790, se termine par ses mots : « je promets au roi loyauté, zèle, activité énergie et un courage dont peut-être on est loin d’avoir une idée ». Désormais partisan d’une monarchie constitutionnelle, Mirabeau tente de concilier cette idée avec les principes révolutionnaires. Il défend le droit de veto absolu du roi, contre la majorité de l’Assemblée nationale constituante qui décide un veto suspensif. Mirabeau envisage d’occuper un poste de ministre chargé des relations entre l’Assemblée nationale et le roi. Mais, dès novembre 1789, l’Assemblée coupe court à ses ambitions en décrétant qu’aucun député de la Constituante ne pourra devenir ministre.
Par l’intermédiaire du comte de La Mark, Mirabeau fait passer à Louis XVI des notes sur l’organisation de la contre-révolution et s’efforce avec La Fayette, que pourtant il déteste, de faire accorder au roi le droit de guerre et de paix dans la nouvelle constitution. Ses propositions au souverain pour se maintenir sur le trône et en finir avec la Révolution ne sont toutefois jamais réellement écoutées par le roi, qui n’a pas plus confiance en lui qu’en La Fayette, le commandant de la garde Nationale. Son double jeu n’échappe pas non plus à certains révolutionnaires, qui dénoncent sa corruption.
Malgré cette situation double et quelques animosités au sein de l’hémicycle, Mirabeau retrouve sa popularité, devient membre du directoire du département de Paris et se fait élire président de la Constituante le 30 janvier 1791. Épuisé par une vie d’excès et de travail, il meurt brusquement le 2 avril 1791. Sa dépouille est déposée au Panthéon, mais en est retirée après la découverte de l’armoire de fer contenant notamment sa correspondance avec le roi. Avec lui disparaît de la scène révolutionnaire un de ses principaux acteurs et son plus puissant orateur. Après sa mort seront publiées ses Œuvres oratoires et la Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck.
Bibliographie
- Mirabeau, de Jean-Paul Destrat. Tempus, 2018.
- Les grands discours parlementaires de la Révolution : De Mirabeau à Robespierre (1789-1795), de Guy Chaussinand-Nogaret. Armand Colin, 2005.