Un engagement ardent et précoce, suivi d'une prodigieuse ascension
Rosenberg est connu comme l'un des idéologues principaux du régime nazi. Il compte parmi les premiers membres du parti Nazi. Son adhésion, en janvier 1919, précède même celle d'Hitler qui en rejoint les rangs quelques mois plus tard. C'est alors qu'il se rapproche considérablement d'Hitler, dont il devient l'un des premiers compagnons de route. Sa proximité avec ce dernier et son dévouement au parti lui font connaître une ascension fulgurante. Après avoir été rédacteur en chef du Vôlkischer Beobachter, journal national socialiste, il est nommé à la tête du parti par Hitler, en 1923, pour le remplacer lors de son incarcération consécutive au putsch manqué de Munich.
Une de ses fonctions principale à partir de 1940 consiste à orchestrer la confiscation des œuvres d'art détenues par les juifs. Il organise notamment la rafle des collections des Rothschild. Il participe ainsi, selon son rapport de 1943 à Hitler, à la saisie de pas moins de 20 000 œuvres d'art.
La marginalisation d'Alfred Rosenberg
Toutefois, son amitié avec Hitler s'effrite progressivement au cours des années 40. Une rivalité forte avec Himmler et d'autres cadres nazis évolue en sa défaveur, et le pacte germano-soviétique rend son anticommunisme farouche obsolète pour un temps. Sa nomination en 1941 au titre de ministre du Reich pour les territoires occupés de l'Est marque le commencement d'un lent processus de marginalisation. Il est chargé d'appliquer le Generalplan Ost, censé redessiner à grande échelle l'organisation des territoires est-européens selon des critères raciaux, et de superviser l'administration des pays conquis.
Cependant, dans les faits, ses compétences sont réduites à peau de chagrin en raison de l'empiètement de Gëring et Himmler sur ses prérogatives, deux hommes qui lui vouent une profonde antipathie. Hitler, de plus en plus distant de son ancien compagnon de route, finit par signifier son désaveu envers Rosenberg et ses vues politiques. Isolé, ce dernier démissionne en 1944. Condamné à mort lors du procès de Nuremberg, il sera excécuté par pendaison.
Un théoricien racialiste et antichrétien
Dans les années 20, Rosenberg est l'un des principaux idéologues du parti, à côté de Goebbels. Il élabore une hiérarchie des races comportant les aryens et les nordiques à son sommet et une théorie de l'Histoire, conçue comme le théâtre d'un affrontement racial au sein duquel la chute d'une civilisation s'explique par la corruption de l'identité indo-germanique par des éléments sémites. Dans l'idéologie de Rosenberg, l'antisémitisme se justifie ainsi par la double nécessité de préserver la pureté de la race allemande, garante de sa puissance, et de se défendre, dans un fantasme de guerre des races, contre les influences juives. Le christianisme est considéré par Rosenberg comme l'un des instruments de cette influence. Pervertie, cette religion aurait opprimé l'identité indo-germanique et le dogme du péché serait la cause d'un amollissement de la volonté allemande, de sa perte de confiance et de son irrésolution.
Ainsi, Rosenberg œuvre-t-il, sans grand succès, pour l'instauration d'un culte proprement allemand puisant ses références dans un paganisme ancestral. Toutefois, son rejet du christianisme n'est pas total. Il appelle en effet de ses vœux un « christianisme positif», remodelé pour satisfaire à l'idéologie nazi et à sa lecture de l'Histoire. Dans ce cadre, Jésus est présenté comme un membre de la communauté nordique opposé au judaïsme. L'approche intellectualiste de l'idéologie nationale-socialiste, propre à Rosenberg, qui suscita parfois la perplexité des membres du parti, ne fut pas étrangère à son isolement.
Le journal d'Alfred Rosenberg
Il s'agit d'un document exceptionnel. Peu de dirigeants nazis ont tenu un journal intime. C'est pourquoi celui rédigé par Alfred Rosenberg, l'idéologue en chef du national-socialisme, est particulièrement important. Il est le seul journal de ce type à ne pas avoir été publié jusque-là. Le manuscrit avait été présenté au procès de Nuremberg - où Rosenberg fut jugé et condamné à mort. Il avait depuis disparu, conservé par l'un des juges. Redécouvert l'an dernier, sa publication est nécessaire pour comprendre de l'intérieur les idées de l'inspirateur de la politique d'Hitler.
Le journal est passionnant parce qu'il permet de rentrer dans la tête de Rosenberg, de voir le développement de sa pensée, de son fanatisme. Il montre que l'auteur ajoué un rôle important dans la politique étrangère nazie, en particulier vers les Balkans et les pays nordiques. Il donne aussi des détails sur la vie quotidienne des hauts-dirigeants nazis: Rosenberg était un familier d'Hitler, il déjeunait fréquemment avec lui. Alfred Rosenberg organisa le pillage systématique des œuvres d'art et du patrimoine culturel à travers toute l'Europe occupée. Il fut particulièrement actif en France où 100 000 œuvres furent volés. Il raconte fièrement ce gigantesque vol organisé dans son journal.
Le Journal est important aussi pour comprendre la situation en France occupée: Rosenberg était obsédé par la France, l' « ennemie héréditaire» de l'Allemagne. Il exprime à cet égard quelle fut sa joie de faire un discours devant les officiers allemands postés en France réunis dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale ....
Bibliographie
- Alfred Rosenberg, Journal 1934-1944. Présenté par Jürgen Matthäus et Frank Bajohr. Flammarion, septembre 2015.
- Comprendre le nazisme, de Johann Chapoutot. Texto, 2020.