La Peste noire, appelée aussi la Grande Peste, est une épidémie qui est apparue dans la bassin méditerranéen au milieu du XIVe siècle, causant la disparition du tiers de la population européenne. Venue d'Asie, elle aurait atteint l'Europe via les routes de la soie et les navires marchands génois venus de Crimée. Transmise essentiellement par la puce du rat, cette maladie infectieuse très contagieuse entraînait la mort en quatre jours. En France, cette épidémie intervient dans le contexte dramatique du début de la guerre de Cent ans. La « Grande Peste » marque profondément la fin du Moyen Âge, et ses répercussions démographiques sont sensibles durant trois siècles en Europe.
Les précédentes épidémies de peste
L’Europe a déjà subi deux grandes vagues d’épidémies, dans l’Antiquité et pendant le haut Moyen Âge (peste d’Athènes, entre 430 et 427 av. J.-C., et peste de Constantinople, qui débute en 542 apr. J.-C.). Par la suite, l’Occident médiéval est à plusieurs reprises victime d’épidémies, notamment de lèpre, mais, par sa propagation et sa répétition, la Grande Peste constitue un phénomène d’une ampleur inconnue jusqu’alors.
À la fin du XIVe siècle, après une longue phase de croissance démographique, la population européenne entre dans une phase de stagnation. Comme lors des épidémies précédentes, la sous-alimentation, la disette et la famine fournissent un terrain favorable à la propagation de la maladie ; le surpeuplement et les conditions de vie et d’hygiène (en particulier dans les zones urbaines) ne font qu’aggraver la situation : la peste bubonique (mortelle dans 80 p. 100 des cas, transmise à l’homme par la puce du rat) et la peste pulmonaire (mortelle dans presque tous les cas, contagieuse entre humains) font d’énormes ravages.
L'arrivée de la peste noire en Europe
Partie d’Asie centrale dans les années 1330, la Grande Peste ou Peste noire se répand bientôt en Chine et en Inde, suivant les voies commerciales. Il se peut que le chef des Mongols, inventeur de la « guerre biologique », ait catapulté des cadavres de pestiférés dans Caffa, port génois de la mer Noire assiégée en 1347. Ensuite, les vaisseaux génois débarquent dans les ports de Méditerranée occidentale, en particulier à Marseille, leur cargaison et leurs malades.
À la fin de 1347, la maladie gagne Avignon, cité des Papes depuis 1309 et centre du monde chrétien. L’année suivante, la totalité du territoire français, l’Espagne, le sud de l’Angleterre, l’Italie, les Balkans puis, en 1349, le reste de l’Europe (à l’exception de la Bohême, de la Hongrie et de poches importantes en Pologne, dans le Béarn et en Flandre) sont atteints.
Les groupes de population fortement concentrés, les armées, les monastères et les villes sont particulièrement touchés, tandis que certaines cités, comme Milan et Nuremberg, sont miraculeusement épargnées. En outre, la peste éprouve très inégalement les différentes catégories de population. Le prolétariat urbain, déjà affaibli par la misère et la disette, paie un lourd tribut. L’aristocratie et la bourgeoisie, qui sont mieux alimentées et qui disposent de meilleures conditions sanitaires, sont privilégiées face à ce fléau. Elles ont, de surcroît, la possibilité de fuir devant la progression de l’épidémie. Les zones moins densément peuplées, en particulier les campagnes, sont aussi davantage épargnées.
Une pandémie foudroyante
La forme de la maladie peut être bubonique ou pulmonaire, ou, comme c’est le cas en 1348-1349, se compliquer des deux formes. Dans le cas de la peste bubonique, la contagion se produit par l'intermédiaire de la puce du rat noir, dont l'espèce a envahi l’Occident au Xe siècle. Le malade souffre de bubons à l’aisselle, à l’aine et au cou. Son corps se couvre rapidement de pustules, ses membres noircissent. Il a des convulsions, vomit du sang. Certains environ un tiers, peuvent en réchapper Mais, dans sa forme pulmonaire, le germe, transmis directement d’homme à homme par inhalation, provoque une évolution foudroyante qui conduit inexorablement à la mort par asphyxie dans les trois jours. Devant un tel fléau, les contemporains sont impuissants.
Les procédés prophylactiques sont dérisoires et la seule façon d’échapper à la maladie est de fuir la promiscuité. Seuls les riches en ont les moyens : ils s'emmurent ou se réfugient dans leurs maisons à la campagne. Il est possible aussi que la maladie frappe plus facilement les jeunes et ceux que la faim anémie. La peste opère donc une sorte de sélection sociale qu’atténue cependant sa répétition tous les dix à douze ans. Qui peut à coup sûr lui échapper? il faut attendre 1720 pour que la France connaisse la dernière épidémie de peste : le rat noir a reculé devant le rat gris, tandis qu'une immunisation progressive s’est inscrite dans le patrimoine génétique des hommes.
La peste noire, une malédiction divine ?
La population de l’époque voit dans l’épidémie une manifestation de la colère divine. En l’absence de remède médical, elle est gagnée par un regain de ferveur chrétienne. Un vaste mouvement d’expiation et de flagellants se développe dans toute l’Europe. Certaines communautés servent de boucs émissaires, comme les juifs. Accusés d’empoisonnement, ils subissent des pogroms, notamment en Espagne et en Allemagne (2 000 exécutions à Strasbourg, en février 1349).
la Grande Peste voit émerger de nombreuses manifestations de flagellants, qui appartiennent à une secte fanatique religieuse de l'Europe du XIIIe siècle. Persuadés de l'imminence du courroux divin, les flagellants font pénitence en se fustigeant collectivement en public. Face à l'ampleur du mouvement lors de la peste noire et suite aux débordements sectaires qu'il génère, le pape Clément VI déclare les flagellants hérétiques dès 1349. Au début du XVe siècle, la secte est définitivement condamnée par le concile de Constance (1414-1418).
L'Europe dévastée par la Grande peste
Près de 25 millions de personnes auraient péri de la peste, la proportion de décès atteignant près de la moitié de la population dans certains pays, comme la France. À long terme, l’épidémie a sensiblement accéléré le déclin démographique entamé au début du siècle, principalement en raison de sa récurrence (1360, 1369, 1375, etc.) et de son impact dans les catégories les plus jeunes de la population. La maladie reste endémique jusqu’au XVIIIe siècle : la dernière grande manifestation occidentale de la Peste noire date de 1720-1722 et reste connue sous le nom de « peste de Marseille ».
Du point de vue économique, la Grande Peste fait entrer l’Europe médiévale dans une période de récession, en raison de la pénurie de main-d’œuvre, de la baisse de consommation et du retour en friche de vastes espaces jusqu’alors cultivés. Ces temps troublés ont également une influence dans le domaine artistique : la peinture s’oriente vers des thèmes plus lugubres, empreints de surnaturel...
Aujourd’hui, la peste existe encore en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud et en Australie, mais se manifeste rarement en Europe. Aux États-Unis, la dernière grande épidémie date de 1919. En 1950, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé des programmes de contrôle du niveau sanitaire dans le monde entier afin d'enrayer définitivement cette maladie.
Pour aller plus loin
- La Peste noire et ses ravages: L’Europe décimée au XIVe siècle, de Jonathan Duhoux. 50minutes, 2015.
- La France au moyen âge : De l'An mil à la Peste noire, 1348 ,de Marie-Anne Polo de Beaulieu.