A l’origine de la Renaissance : l'héritage byzantin
Héritier de l’antique Empire romain, le monde byzantin plonge aussi ses racines dans le savoir de la Grèce classique et hellénistique, de même que dans les Saintes Ecritures chrétiennes. Jusqu’en 1453, les érudits tentent de préserver ce triple héritage. Le savoir grec, en particulier la philosophie, les sciences, la musique, la rhétorique et la logique, est conservé à travers des abrégés, des florilèges, des compilations et des corpus plus ou moins sélectifs.
Du VIIe au IXe siècle, de nombreuses collectes destinées à préserver les dernières traces du patrimoine littéraire antique sont menées dans tout l’Empire. Dès le XIe siècle, l’école byzantine est de plus en plus contrôlée par les instances cléricales, qui privilégient une formation aux charges administratives plutôt qu’un enseignement de la seule culture antique. Néanmoins, grâce au développement des institutions monastiques, les connaissances antiques se répandent dans l’ensemble de l’Empire.
La chute de Constantinople et l'exil des occidentaux
Chassés par les Turcs ottomans et musulmans de la Méditerranée orientale, les représentants du monde chrétien occidental, tant les marchands et les commerçants vénitiens ou génois que les derniers chevaliers survivants des ordres militaires issus des croisades, tels les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, voient se fermer devant eux les territoires appartenant jadis au glorieux Empire byzantin. La Grèce et les Balkans, vastes étendues victimes des assauts des troupes du sultan, tombent pour longtemps sous le contrôle des Turcs.
Non seulement l’Église orientale, d’obédience orthodoxe grecque depuis le schisme d’Orient, mais aussi l’administration byzantine, dont les structures politiques et religieuses sont de précieux soutiens à la mise en place du régime ottoman, bénéficient toutefois de la bienveillance des sultans. La route de la soie, dont l’un des débouchés demeure Constantinople-Istanbul, continue toujours d’approvisionner en vivres et en objets précieux toutes les côtes de la Méditerranée. Les tribus turques, jadis nomades, apprennent finalement, sous le règne de Mehmet II, à adopter une vie définitivement sédentaire et à administrer la grande métropole.
Le sultan Mehmet II, très cultivé, s’intéresse en personne aux écrits des auteurs anciens, tant aux manuscrits arabes et aux textes sacrés de l’islam, qu’aux compilations byzantines des œuvres des auteurs grecs et latins plus rarement préservés depuis la fin de l’Antiquité classique. Fondant notamment la première grande « université » du monde musulman, son règne et celui de ses successeurs sont propices à la dissémination de l'islam et de l’énorme héritage légué par Constantinople.
Implantés dans le quartier franc de Constantinople, les marchands et les commerçants italiens et espagnols font de la ville une cité prospère, luttant au gré des alliances avec ou contre les empereurs byzantins. Les Amalfitains, les Génois, les Florentins et les Vénitiens constituent finalement, dans la cité même, de véritables colonies. Après la chute de Constantinople, les villes italiennes accueillent leurs réfugiés qui, emportant les vestiges des collections des bibliothèques, contribuent eux aussi à la dispersion de l’héritage byzantin et à l’apparition, sur la péninsule, de la Renaissance. Grâce à l’arrivée des compilations byzantines, Végèce, Pythagore, Euclide sont de nouveau disponibles dans leurs manuscrits grecs.
La Renaissance italienne : un renouveau artistique
Dès les premières années, la Renaissance italienne se veut une nouvelle étape en rupture complète avec le passé médiéval. Ce mouvement de renouveau culturel touche non seulement les sciences, la littérature et la philosophie, mais aussi, et surtout, les arts. Ce renouveau se caractérise par des avancées significatives, servant elles-mêmes d’émulation aux techniques et aux systèmes de représentation.
Les artisans italiens réinventent les techniques de la perspective, les conventions architecturales et les règles prévalant à la réalisation des peintures. Une différence fondamentale apparaît entre l’art médiéval et les arts de la Renaissance, appelés modernes. Loin de copier des exemples et des modèles indiscutés, les artistes font au contraire œuvre de raison, s’inspirant des modèles antiques pour proposer de nouvelles techniques et de nouveaux schémas de représentation avant même la réalisation de leurs chefs-d’œuvre.
Un retour rationnel vers l’Antiquité
En effet, les découvertes archéologiques, comme les fouilles des thermes de Caracalla, inspirent les hommes de la Renaissance. L’étude des textes antiques permet aux architectes d’abandonner les formes gothiques. Ils utilisent les enseignements de Pythagore et de Vitruve pour élaborer leurs plans. Dans les arts plastiques, le nu est davantage utilisé qu’au Moyen Age et le mouvement est rendu par le déhanchement.
Prenant comme exemple les réalisations de l’Antiquité gréco-romaine, les Renaissants veulent toutefois surpasser tout ce qui est déjà édifié. La diffusion du savoir ancien est donc primordiale, mais elle est assortie de nombreux commentaires et de multiples interprétations. L’artiste de la Renaissance, s’il doit posséder d’évidentes connaissances en matière de théologie, se tourne aussi vers la géométrie, la perspective et l’histoire, tout autant que l’astronomie, l’astrologie et la poésie. En matière d’architecture, par exemple, les traductions de Vitruve, après avoir été étudiées et analysées dans les moindres détails, se répandent en Italie puis dans toute l’Europe.
La différence entre le Moyen Age et la Renaissance est ainsi l’introduction d’un plus grand esprit de méthode, qui incite progressivement à minorer l’importance des chefs-d’œuvre médiévaux. L’architecte sort de l’anonymat et bénéficie d’une promotion sociale encore jamais connue.
Florence et les mécènes
Le berceau de la Renaissance italienne est, incontestablement, la ville toscane de Florence, où la passion pour l’Antiquité jamais démentie, les intérêts politiques des dirigeants et la grande érudition des élites jouent un rôle crucial pour le processus de création artistique. Dans la cité toscane, l’influence de l’Antiquité se ressent chez de nombreux artistes. Les concours publics florentins entretiennent une certaine émulation parmi les artistes, alors que des édifices publics de grande envergure sont construits dans un climat de prospérité économique bénéfique. Des palais urbains, des villas et même des cités entières voient ainsi le jour.
Les commanditaires, pour autant que leurs finances le leur permettent, deviennent plus prudents et sollicitent les artistes les plus célèbres, ne se contentant plus des productions locales. La protection des commanditaires permet, normalement, d’assurer un climat de sécurité et une certaine opulence pour les créateurs qu’ils rétribuent largement. Les commandes privées, exécutées tant pour les édifices de culte que pour les demeures des particuliers, exercent une influence fondamentale sur l’iconographie et sur le style. Les commanditaires parviennent ainsi à se faire représenter auprès des saints.
Les contradictions de l’Église romaine
L’Église catholique, sur la base des principes établis lors du concile de Trente, s’inscrit d’abord dans un cadre de pensée largement aristotélicien, peu enclin à accepter les nouveaux concepts engendrés par l’humanisme, qui semblent souvent difficilement conciliables avec la conception médiévale de la doctrine chrétienne et les textes saints. Pourtant, au sein même de la curie, l’évolution de la pensée ne laisse pas indifférent.
Car loin de renier leurs racines chrétiennes, les humanistes demeurent attachés à la croyance divine. Mais ils recommandent simplement de rendre les préceptes saints plus accessibles, en luttant contre l’ignorance. En somme, ils s’opposent plus aux pratiques et aux conceptions des ecclésiastiques qu’à la religion elle-même. L’affaire Galilée, les retentissements et le scandale qu’elle engendre met donc en scène une Église plus divisée dans ses valeurs et ses traditions que véritablement opposée aux progrès de la science.
La plupart des commandes artistiques concernent paradoxalement l’univers ecclésiastique. Avec l’émergence d’une élite bourgeoise, se pose le problème de la transmission des richesses et des biens. En effet, l’acquisition de ceux-ci grâce au commerce ou à l’usure est mal vue par l’Eglise. Les dons publics, considérés comme des actes de dévotion, fleurissent donc, d’autant qu’ils participent au salut de l’âme. Dès lors, les chapelles privées sont décorées par les meilleurs peintres, avant même les chapelles de chœur.
L’évolution des arts et des techniques à la Renaissance
Parallèlement, la sculpture s’affirme en dehors des formes traditionnelles de représentation, privilégiant le mouvement et l’aspect monumental. La sculpture reprend sa liberté empruntée aux modèles antiques. On retrouve le statuaire de bronze, la fusion des métaux et les œuvres colossales de Verrocchio et Michel-Ange, qui animent les corps et accentuent les contrastes.
Pour l’architecture, l’influence des modèles et des techniques est tout aussi décisive. Bramante réintroduit l’utilisation des principes stylistiques des ordres dorique et ionique, puis corinthien, qui se répandent abondamment dans toutes les constructions. Les techniques de maçonnerie antique, tel l’Opus tessellatum, décorent les riches réalisations d’Alberti. Durant les pontificats de Jules II et de Léon X, le motif de l’édifice à plan central devient le modèle de référence pour les plus grands édifices religieux.
Les palais et les édifices publics se distinguent désormais par l’emploi du trompe-l’œil et des décors de colonnes et de motifs directement inspirés par l’Antiquité. Enfin les jardins, livrés à l’imagination des architectes et des paysagistes, sont conçus comme un gigantesque décor, propice à la mise en scène d’œuvres sculptées grâce à la multiplication des escaliers, des fontaines et des terrasses.
Période de bouillonnement intellectuel qui va jeter les bases de ce qui va constituer la pensée et la science moderne, la Renaissance reste avant tout une grande période artistique ; sa contribution à l’art occidental est immense.
La fin de la Renaissance
A la fin du XVIe siècle, la confiance en l’homme qui anime princes, humanistes et peintres disparaît en raison d’une profonde crise économique et, plus encore, en raison de la crise religieuse. En effet, dans le sillage de l’humanisme, le protestantisme voit le jour avec Martin Luther. Très vite, l’Église catholique combat ce courant religieux qu’elle considère comme une hérésie et dont elle accuse les humanistes d’être les propagateurs.
Les guerres de Religion et l’Inquisition succèdent alors à la tolérance et à l’ouverture d’esprit : c’est la fin de la Renaissance.
Pour aller plus loin
- La Renaissance européenne, de Peter Burke. Points Seuil, 2002.
- Les Renaissances (1453-1559), de Philippe Hamon. Folio, 2021.
- L'Europe de la Renaissance, de Alain Tallon. Que-Sais-Je, 2021.