La Renaissance en France est souvent réduite au règne du roi François Ier, une sorte de période faste avant l’horreur des guerres de Religion. Pourtant, il est plus juste de faire débuter cette période avec Charles VIII, premier roi de la Renaissance, et de la conclure avec Henri II. Pour des raisons politiques (la situation de la France, l’évolution de la monarchie), et dans d’autres domaines, comme celui des arts ou le rapport à l’Italie, dont la Renaissance a débuté depuis un moment déjà. On verra que les règnes de Charles VIII, Louis XII, François Ier et Henri II sont bien plus qu’une transition et une parenthèse entre la fin de la Guerre de Cent ans et le début des guerres de Religion.
Charles VIII (1483-1498), premier roi de la Renaissance
Charles VIII se tourne ensuite vers l’Italie en revendiquant le royaume de Naples, ancienne possession de la maison d’Anjou. Ce n’est en fait qu’une étape pour lancer une nouvelle croisade pour Jérusalem. Prêt à tout pour atteindre son objectif, le roi s’assure la neutralité de ses puissants voisins en leur cédant des territoires, comme le Roussillon et la Cerdagne en faveur de Ferdinand d’Aragon.
En Italie, il s’allie avec le duc de Milan Ludovic Sforza. Malgré son entrée à Rome imposée au pape Alexandre VI Borgia, puis sa prise de Naples sans difficulté en 1495, la campagne d’Italie est un échec cuisant pour Charles VIII, qui doit quitter précipitamment la péninsule après une victoire inespérée à Fornoue. Le roi a pour projet de retenter l’expérience, mais il meurt accidentellement à Amboise le 7 avril 1498.
Charles VIII gouverne avec les différentes cours mises en place par ses prédécesseurs, sans conflit majeur, même si parallèlement il étend son pouvoir de nomination des charges. Il tente également quelques réformes fiscales, sans grand succès, et encourage le commerce en rétablissant les foires de Lyon. Dans le domaine des arts, il contribue à la venue en France d’artistes et de techniciens italiens, et il protège quelqu’un comme Jean Bourdichon.
Louis XII (1498-1515), le « Père du peuple »
Outre la Bretagne, le grand objectif de Louis XII, comme son prédécesseur, est l’Italie. Il fait valoir ses droits sur le Milanais, car il est le petit-fils de Valentine Visconti, la famille de cette dernière ayant été écartée du duché par les Sforza. La conquête se fait en deux temps, en 1499 puis en 1500 : Ludovic Sforza, dit le More, est fait prisonnier (il meurt en captivité huit ans plus tard). Louis XII décide ensuite de récupérer le royaume de Naples, et pour cela il s’allie avec Ferdinand d’Aragon par le traité de Grenade en 1500. L’échec est pourtant le même que celui de Charles VIII après la brouille avec le roi d’Aragon. En 1504, le royaume de Naples est définitivement perdu.
Le roi de France n’abandonne cependant pas ses ambitions sur l’Italie, et joue de tout son poids dans la péninsule : il écrase une révolte à Gênes en 1507, puis s’allie au pape Jules II et aux autres grandes puissances (sauf l’Angleterre) au sein de la ligue de Cambrai, pour battre Venise en 1509.
A partir de ce moment, la France est dans une telle position de force en Italie que cela ne peut durer : Jules II le comprend et constitue une Sainte Ligue contre Louis XII. Toutes les possessions italiennes sont perdues une à une, et le royaume est même directement menacé quand Henri VIII prend Tournai en 1513. Louis XII doit se plier aux exigences de ses vainqueurs et mettre fin à ses ambitions en Italie. Veuf en 1514, il se remarie avec la fille d’Henri VIII, Marie Tudor. Mais elle n’a pas le temps de lui donner un héritier quand il meurt en 1515.
Peu connu aujourd’hui parmi les rois de France, Louis XII a pourtant été un roi populaire, longtemps célébré par la suite, et même montré comme un modèle durant les guerres de Religion. Il reçoit le titre de « Père du peuple » en 1506 à l’assemblée de Tours. Malgré cela, après une baisse de la taille, le roi augmente la fiscalité pour payer ses guerres en Italie. Il tient néanmoins à lutter contre les abus dans la perception des impôts, et la France connaît une certaine période de prospérité sous son règne. Avec l’aide de Georges d’Amboise, Louis XII continue de réformer les institutions par une série d’ordonnances sur la justice ou la rédaction des coutumes. Assez religieux, le roi s’oppose tout de même au pape Jules II, contre lequel il réunit un concile à Pise en 1511, sans succès.
François Ier (1515-1547), « roi chevalier et restaurateur des Lettres »
Connu pour ses grands projets architecturaux et son mécénat, François Ier a également renforcé le pouvoir royal et conduit des réformes décisives, comme l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539). Dans le contexte de la Réforme, il passe d’une relative tolérance envers les protestants à une répression féroce, dont est victime entre autres l’humaniste Etienne Dolet.
Henri II (1547-1559), le « roi gentilhomme »
Deuxième fils de François Ier, Henri II s’est opposé à son père très tôt. Ce n’est donc pas un hasard s’il rappelle à la cour les disgraciés tel Anne de Montmorency dès son accession au trône. Le nouveau roi doit d’abord régler les conflits fiscaux légués par son père, qui éclatent sous le nom de « révolte de la gabelle », avant que Montmorency ne la mate à la fin de l’année 1548.
Henri II n’a pas l’intention d’abandonner les prétentions étrangères de la France. Il avait contesté le traité d’Ardres, et entre donc à nouveau en guerre avec l’Angleterre, en soutenant les Ecossais, puis en parvenant à récupérer Boulogne. Le roi s’oppose également au grand rival de son père, Charles Quint, qui ne parvient pas à le faire plier en échouant devant Metz en 1553. Henri II en profite pour tenter de reprendre pied en Italie du Nord mais, malgré le retrait de Charles Quint, les difficultés s’accumulent : la France se retrouve avec contre elle l’Espagne de Philippe II et l’Angleterre de Marie Tudor.
Le pays est directement menacé avec le siège de Saint-Quentin (Anne de Montmorency est capturé), ce qui conduit au rappel d’Italie du duc de Guise. Celui-ci connaît des succès spectaculaires, comme la reprise de Calais en 1558, et devient très populaire. Cela ne suffit pas à compenser les nombreux problèmes internes, et Henri II doit signer le traité du Cateau-Cambrésis en avril 1559, abandonnant définitivement les ambitions françaises en Italie. Le roi meurt le 10 juillet 1559, suite à une blessure lors du tournoi de fiançailles d’une de ses filles.
La succession d’Henri II échoit à son jeune fils François II, qui ne règne qu’un peu plus d’un an. Les Guise voient leur influence s’accroître, et la France entre dans la longue et douloureuse période des guerres de Religion. La Renaissance, avec ces quatre rois majeurs, n’a donc pas été seulement pour la France le temps de l’éclat culturel et artistique, mais également celui de réformes et de bouleversements politiques, économiques et religieux décisifs pour la suite.
Bibliographie
- P. Hamon, Les Renaissances (1453-1559), Folio, 2021.
- A. Jouanna, P. Hamon, D. Biloghi, G. Le Thiec, La France de la Renaissance. Histoire et dictionnaire, Robert Laffont, 2001.
- A. Jouanna, La France au XVIe siècle (1483-1598), PUF, 2006.
- France 1500. Entre Moyen Âge et Renaissance, Catalogue de l’exposition, RMN, 2010.