La société scandinave (ou viking) est composée de trois classes, évoquées dans la Rìgsþula, poème eddique composé au Xe siècle : viennent d'abord les esclaves (þræll), puis les hommes libres (bóndi), enfin les rois (jarls). La famille (aett, kyn), qui inclut en plus des consanguins, les concubines, les amis proches, les frères jurés, les parents adoptifs, les pauvres en charge de la maison, est la cellule de base de la société scandinave, cellule dans laquelle chacun dépend à des niveaux divers, du chef de famille (húsbóndi) et de sa femme (húsfreyja).
Le bóndi, un homme libre
L'homme libre, le bóndi, est le pilier de la famille et de la société viking : propriétaire héréditaire des terres qu'il cultive, il a le droit de porter les armes et de siéger au þing, assemblée publique saisonnière où se prennent les décisions politiques et où se tiennent les procès. C'est un homme à tout faire, tout à la fois fermier, pêcheur, artisan-forgeron (smiðr), tisserand, juriste, éventuellement médecin, poète (scalde) et bien-sûr en tant que guerrier et marchand, il s'embarque et part en expédition (fara í víkingu). L'une de ses principales préoccupations est de gagner de l'argent, de rentrer riche et renommé d'expédition, ce qui bien entendu joue sur sa position au pays. Voilà pourquoi abandonnant son commerce et ses marchandises, il préfère souvent utiliser son épée à double tranchant pour amasser la richesse convoitée.
Le bóndi se vêt d'un pantalon long, flottant ou collant, qu'il porte par-dessus un caleçon long, en laine. Une tunique, qui s'arrête à mi-cuisse, serrée à la taille par une ceinture de cuir, une cape fixée sur l'épaule droite par une fibule, complètent la tenue. L'un et l'autre sont ornés de galons tissés et de broderies. Un bonnet de laine, un chapeau de feutre et de grosses moufles de feutre achèvent de le protéger du froid.
La ferme du bóndi (bær) avec ses multiples bâtiments est l'unité d'habitation. La bâtisse principale dans laquelle vivent le bóndi et sa famille, la skàli, est composée d'une grande pièce principale sans fenêtres, avec un foyer central servant à chauffer, à éclairer et à cuire les aliments, et des banquettes le long des murs, lesquelles servent de lits la nuit et sont, le jour, ornées de fourrures et de peaux de grand prix. Pour ainsi dire, il n'y a pas de mobilier, tout au plus quelques placards servant à entreposer les vivres et les ustensiles de cuisine, des tables amovibles, des torches à suif fichées dans le sol à l'aide d'un mince piquet de fer torsadé.
Le viking est avant tout... un fermier
Tout autour de cette bâtisse principale sont regroupés d'autres bâtiments, reliés à elle par des allées pavées parfois couvertes. Ce sont la bergerie, la laiterie, la forge, le hangar à bateaux, la grange, l'étable, les lieux d'aisance, parfois aussi dans les ensembles plus raffinés, un pavillon réservé aux femmes. La húsfreyja est l'âme de la maison viking, dont elle détient les clés accrochées à sa ceinture. A elle donc en tant que maîtresse de maison, de veiller à l'approvisionnement, à la préparation des repas, à la tenue de la maison, à l'éducation des enfants, à la réalisation des opérations textile – foulage, teinture, tissage.
Elle est aidée dans ces travaux par une domesticité, des esclaves. Ces derniers sont généralement des étrangers, faits prisonniers lors des expéditions, ou des hommes libres déchus de leurs droits par décision de justice. Ils participent aux tâches ménagères et aux travaux des champs en échange d'un toit et d'un repas. Ils sont généralement bien traités par leur maître et peuvent facilement racheter leur liberté en contrepartie d'une somme convenue ou d'un service rendu.
La húsfreyja doit tolérer dans la maison la présence des concubines qui, elles, n'ont aucune autorité au sein de la maisonnée et dont les enfants sont écartés de la succession. Il faut préciser que le mariage viking est avant tout une affaire, qui vise à renforcer des alliances, à réunir des biens (notamment par le biais de la dot apportée par la mariée et du douaire apporté par le marié), affaire dans laquelle les sentiments n'ont guère de véritable importance.
La condition de l'épouse, en pays viking, est cependant plus en avance que dans les autres pays européens. L'homme la traite avec respect et la considère comme son égale. Lorsqu'il part en expédition, il lui laisse l'entière responsabilité de la ferme. La femme viking porte une robe longue avec ou sans manches, en laine plissée. Elle lui superpose un tablier rectangulaire et brodé, auquel elle attache les clés de la maisonnée, symbole de son autorité, et ses indispensables accessoires de couture. La robe, maintenue sur les épaules, par deux fibules ovales, peut s'ouvrir sur chacun des seins afin de permettre l'allaitement des bébés. Les cheveux, tressés ou relevés en chignon, peuvent être couverts d'un foulard richement décoré.
La société viking
Les habitations sont rarement groupées sauf dans les centres commerciaux, et le village, la ville sont des notions inconnues hormis au Danemark, plus en contact avec le continent. L'isolement des fermes renforce naturellement l'importance de la famille, des liens tissés entre les hommes et des institutions qui permettent de se regrouper, d'avoir des nouvelles. Nous insisterons, dans ce cadre, sur trois notions, celles de félag, de fraternité jurée et sur le þing.
• Le félag est la mise en commun de biens de toutes sortes à deux ou à plusieurs, les participants étant dès lors tenus de défendre les intérêts des autres en cas de mort ou de départ à l'étranger. Le bateau est notamment un bien souvent acquis en félag, étant donné l'investissement qu'il représente.
• La fraternité jurée (fóstbroeðralag) est une cérémonie magique liant de façon contraignante les participants à celle-ci, tenus pour lors d'épouser leurs intérêts réciproques dans tous les domaines, qu'ils soient mercantiles ou martiaux.
• Le þing est une assemblée à la fois législative et juridique, économique et sociale à laquelle assistent les bændr du canton ou de la province avec une totale liberté de parole. Généralement annuelle, elle dure plusieurs jours, voire plusieurs semaines. C'est l'occasion pour les bændr isolés dans leur ferme de se réunir, de se retrouver, d'aller aux nouvelles, de légiférer, de traiter des affaires et de rendre justice. Le þing installé - dans un espace souvent sacré -, le président de la séance récite la loi, puis les questions d'intérêt général sont abordées. Vient ensuite la partie juridique, au cours de laquelle le þing s'étant érigé en tribunal, les causes pendantes sont jugées. Par ailleurs, le þing est l'occasion de retrouver la famille éloignée, de contracter des mariages, d'aller aux nouvelles notamment par le biais des bændr qui rentrent d'expéditions à l'étranger. C'est un lieu d'échange, doublé généralement d'une foire.
Bibliographie
• Boyer Régis, La vie quotidienne des Vikings (800-1050), Editions Hachette, 2003.
• Boyer Régis, Les Vikings, Editions Plon.
• Marillier Bernard, BABA Vikings, Pardès.