A l'origine de l'École des Annales
L’initiative de la création de la revue Les Annales d’histoire économique et sociale vient de la rencontre entre deux historiens de l’université de Strasbourg, Lucien Febvre et Marc Bloch. L’éditorial du premier numéro fixe le cap : pluridisciplinarité entre les sciences humaines, sortir du théorique pour favoriser l’enquête de terrain, notamment en histoire contemporaine. Le comité de rédaction est bien dans cet esprit avec la présence d’historiens (dont Henri Pirenne et André Piganiol), d’un sociologue (Maurice Halbwachs), et d’un géographe (Albert Demangeon).
Mais les Annales s’intéressent également beaucoup à l’actualité de l’entre-deux-guerres, notamment la crise des années 30 et ses conséquences (dont le nazisme). Toutefois, l’actualité politique et sociale française n’est pas traitée dans la revue, surtout à cause de la « déontologie du désengagement » prônée par Febvre et Bloch.
En 1939, suite à une polémique avec Armand Colin provoquée par le numéro des Annales sur le nazisme, la revue devient sa propre éditrice.
Fernand Braudel et les Annales
La mort de Marc Bloch, fusillé par les Allemands en 1944, amène Lucien Febvre à présider seul les Annales après la guerre. La revue devient les Annales, Economies – Sociétés – Civilisations (Annales ESC), et parmi les jeunes collaborateurs de Febvre, un certain Fernand Braudel émerge. C’est d’ailleurs en partie sous l’influence de ce dernier que les Annales se rapprochent un peu plus de l’histoire des mentalités. Et Braudel est évidemment le grand inspirateur de la notion de temps long, ou du concept de civilisation. Dans le prolongement, une section « sciences économiques et sociales » est ouverte à l’EPHE (et devient l’EHESS en 1975), ce qui permet à l’école des Annales d’influencer un peu plus encore le monde de la recherche.
La Nouvelle Histoire et les Annales
La deuxième moitié des années 1970 voit l’avènement de ce que l’on a appelé « la Nouvelle Histoire », qui se situe dans l’esprit de l’histoire des mentalités déjà importante dans les Annales.
Cette période confirme le grand pouvoir des Annales au sein de la recherche française, grâce à des relais universitaires, mais aussi dans l’édition (Pierre Nora chez Gallimard). Cela n’empêche pas certaines critiques, notamment contre la Nouvelle Histoire, ses concepts et ses méthodes flous, l’oubli de certaines périodes ou l’abandon de certains terrains historiographiques.
La « crise de l’histoire »
Les critiques contre la Nouvelle Histoire prennent de l’ampleur dans les années 80, ce qui contribue certes à une interrogation ou à des doutes, voire à une crise de l’histoire, mais surtout à terme à un renouvellement historiographique important. Les critiques émanent d’historiens comme Paul Veyne ou François Dosse, et son livre-référence L’Histoire en miettes (1987). La revue des Annales réagit par un numéro de mars-avril 1988, en appelant à un « tournant critique ».
Ces interrogations sur ce qui est alors devenu un monument de l’historiographie française interviennent dans un contexte plus global et international, avec l’émergence de courants comme la micro-histoire de Carlo Ginzburg, ou également les Postcolonial studies et la world history. Une « crise de l’histoire » étudiée par Gérard Noiriel dans son ouvrage Sur la crise de l’histoire (1996).
Aujourd’hui, cette crise est peut-être terminée, mais l’histoire a beaucoup évolué au tournant du XXIe siècle. Les Annales restent une revue universitaire de référence, mais n’exercent plus une influence aussi considérable que dans les années 50-70. Elles font tout de même partie du « patrimoine historiographique » et demeurent incontournables dans la compréhension des évolutions de la science historique du XXe siècle.
Bibliographie
- A. Burguière, L'École des Annales: Une histoire intellectuelle. Odile Jacob, 2006.
- C. Delacroix, F. Dosse, P. Garcia, N. Offenstadt (dir), Historiographies. Concepts et débats, Folio histoire, 2010.
- C. Delacroix, F. Dosse, P. Garcia, Les courants historiographiques en France (XIXe-XXe siècle), Folio histoire, 2007.
- G. Bourdé, H. Martin, Les écoles historiques, Points histoire, 1997.