Nice et la Savoie au XIXe
Entre 1792 et 1814, le comté de Nice était un département français, celui des « Alpes-Maritimes », et le duché de Savoie était le « département du Mont-Blanc ». Le 23 avril 1814, le comté de Nice retourna au Royaume de Piémont-Sardaigne de Victor-Emmanuel Ier ; il fallut attendre le traité de Paris de 1815 pour que la Savoie redevienne autonome, proche d’une politique italienne. L’Entrevue de Plombières, en 1858, conclut un traité secret avec la France de Napoléon III : en cas de conflit entre le royaume sarde de l’Empire autrichien, la France promit son soutien militaire au Royaume de Piémont-Sardaigne. Toutefois, le traité n’était pas à sens unique, puisque qu’en échange de son soutien, l’Empire français obtint le duché de Savoie ainsi que le comté de Nice. Ce traité secret d'alliance fut ratifié à Turin le 26 janvier 1859.
Aux origines d’un changement de souveraineté
Le processus de changement de souveraineté du Duché et Savoie et du Comté de Nice s’étala sur plusieurs années, et prit ses sources dans le déroulement de la guerre d’Italie de 1859. Le 3 mai 1859, après des provocations sardes, l’Empire autrichien déclara la guerre au Royaume de Piémont-Sardaigne ; la France, engagée par une alliance défensive et sans opposition politique interne, décida de fait d’honorer le traité. Les Autrichiens parvinrent ensuite à envahir le Piémont. Il fallut attendre l’arrivée des Français pour que la tendance soit inversée, grâce notamment à leurs victoires marquantes à Magenta, le 4 juin 1859, et à Solferino, le 24 juin 1859. L’armistice fut signé le 11 juillet de la même année à Villafranca.
Par le traité de Zurich (10-11 novembre 1859), l’Autriche cède la Lombardie à la France, qui la rétrocède au Royaume de Piémont-Sardaigne. La France reçoit, sous réserve du vote des populations, Nice et la Savoie. Dès lors, avec la fin de la guerre d’Italie, il semble clair que le sort des Niçois et des Savoyards est couru d’avance : Nice, comme la Savoie, est vouée à devenir Française. Néanmoins, d’autres scénarios ont été envisagés : le maintien de la Savoie dans le giron sarde, ou même le rattachement à la Confédération Helvétique, soutenu par les Anglais. Face à ces différentes prises de position, la diplomatie entre dans le jeu, et le débat politique révèle toute son importance.
Le débat politique autour du Rattachement
Niçois et Savoyards étaient alors de plus en plus lassés du Royaume du Piémont-Sardaigne, qui ne s’occupait guère d’eux ; les Piémontais étaient pour leur part obnubilés par le Risorgimento et l’accomplissement de l’unité italienne. Dans leur grande majorité, ces populations, en 1859, sont donc lasses ; elles ne sont pas toutes favorables à un rattachement à l’Empire français de Napoléon III, et, dans un même temps, ne veulent plus être liées au Royaume de Piémont-Sardaigne. L’ouverture de ce débat prit rapidement une forme politique, contestataire, notamment appelée la « guerre des journaux » à Nice. Les quotidiens de l’époque en sont des révélateurs capitaux, et parmi eux « L’Avenir des Alpes-Maritimes » ou le « Nizzardo », favorables au Rattachement.
Le Rattachement de la Savoie et de Nice à la France
La « Campagne d’Italie » de 1859 permit donc à la fois d’ouvrir le débat sur la « question niçoise », et de dresser un premier panorama d’ensemble des opinions des Savoyards, aussi appelés « Savoisiens », et des Niçois concernant le Rattachement : les intellectuels étaient « contre », alors que la population était majoritairement « pour ». C’est donc dans ce contexte que le passage progressif vers la souveraineté française se fit. Napoléon III décida de programmer une consultation populaire, l’année suivant la conclusion du Traité de Zurich, en 1860, sous la forme d’un plébiscite, comme il avait l’habitude de faire. Ce scrutin fut organisé très rapidement : il ne fallut attendre que deux mois et demi pour que sa mise en place soit décidée, à la fin du mois de janvier 1860.
Malgré de vifs débats et affrontements, le rattachement de ces territoires à la France fut donc acquis, à la fois par la voie diplomatique, mais aussi par la voie populaire, référendaire - par le biais d’une ratification par les députés des Chambres du royaume de Piémont-Sardaigne le 29 mai 1860, et par un décret impérial de Napoléon III signé le 12 juin 1860. La cession des territoires fut organisée, en grande pompe, le 14 juin 1860. Trois nouveaux départements sont alors constitués : dans le feu-Duché de Savoie, on crée la Savoie, ayant pour préfecture Chambéry, et la Haute-Savoie, ayant Annecy pour chef-lieu ; dans l’ancien Comté de Nice, on crée le département des Alpes-Maritimes, en lui adjoignant l’arrondissement de Grasse, soustrait au Var. Le 14 juin 1860, Nice et la Savoie deviennent, ou plutôt redeviennent françaises.
Le débat concernant le changement de souveraineté du Duché de Savoie et du Comté de Nice, rattachés à la France en 1860, fut donc âpre dans les deux régions. Si bien qu’aujourd’hui encore, certaines associations indépendantistes comme la Ligue Savoisienne, cherchent à remettre en cause la légitimité du Traité de Turin, et donc de l’annexion des territoires … Qui satis expectat, prospera cuncta videt ; qui vivra verra !
Bibliographie
- Histoire de l'annexion de la Savoie à la France, histoire de l'annexion de la Savoie à la France, de P. Guichonnet. Siloé, 2000.
- P. GUICHONNET, C. SORREL, La Savoie et l'Europe, 1860-2010. Dictionnaire historique de l'Annexion, La Fontaine de Siloé, Collection « Les Savoisiennes », Montmélian, 2009.
- R. SCHOR, Dictionnaire historique et biographique du comté de Nice, Serre, Nice, 2002.