Louis IX, héritier d'une dynastie à son apogée
Malgré la brièveté de son règne (trois ans), le père du futur Saint Louis, Louis VIII, assura l'avenir de la dynastie. De sa femme, Blanche de Castille, il eut pas moins de huit fils. L’aîné, Philippe, étant mort en 1218 et le second, Louis, étant destiné à la couronne, il lui fallut pourvoir les autres. Par testament rédigé en juin 1225, il décida que trois d’entre eux seraient apanagés de fiefs incorporés au domaine royal par Philippe II Auguste. Le troisième, Robert, reçut ainsi l’Artois, le cinquième, Alphonse, le Poitou et l’Auvergne, le huitième, Charles, l’Anjou et le Maine, aux lieu et place du quatrième, Jean, décédé prématurément en 1226, et des sixième et septième, morts également en bas âge.
Cette constitution de principautés territoriales au profit des seuls « princes des fleurs de lys » pouvait, certes faciliter la pénétration des usages et mentalités capétiennes dans des territoires qui avaient conservé leur personnalité et leurs traditions locales à la faveur d’une longue période d’autonomie. Et il semble bien que la clause de retour à la couronne en l’absence d’héritier mâle devait faciliter leur réincorporation au domaine royal. Il n’en reste pas moins que cette décision amputait ce dernier du tiers de sa superficie.
Et le risque était considérable de voir ainsi se constituer une nouvelle féodalité de grands barons qui, malgré des liens d’étroite parenté, constitueraient un obstacle au renforcement de l’autorité du souverain. Pour l’heure, la maison royale l’emportait en richesse, en force, en prestige sur toutes les autres grandes maisons féodales. Elle était obéie, respectée, admirée, même, de la Manche au Rhône et du Rhône aux Pyrénées. Le règne de Louis IX se présente donc sous les meilleurs auspices.
La régence de Blanche de Castille
A peine sur le trône, le jeune roi doit faire face à une nouvelle révolte féodale, celle de Hugues de Lusignan, rapidement défait. Le roi d’Angleterre en profite pour débarquer en France en 1242, mais il est vaincu par Louis IX à Taillebourg et Saintes. Dès 1243 une trêve est conclue pour cinq ans avec Henri III, confirmée par le traité de Paris en 1258 où les deux souverains cèdent réciproquement des territoires.
Dans le même esprit, il signe un traité avec le roi Jacques Ier d'Aragon, le premier abandonnant des droits français sur le Roussillon et la Catalogne, le second renonçant à sa suzeraineté sur la Provence et le Languedoc. Il intervient aussi dans l'éternelle querelle qui oppose l'empire et le pape, se posant en médiateur. Le futur Saint Louis tient absolument à stabiliser la situation en Europe et avec ses voisins, pour se consacrer à ce qu’il considère comme son devoir de chrétien : la croisade.
Saint Louis, roi Très-chrétien
Louis IX en effet se démarque par sa foi intense, influencé par sa mère Blanche de Castille. Il tient à faire de la France la nation chrétienne par excellence ; c’est dans cet esprit qu’il fait construire la Sainte-Chapelle en 1248, pour y abriter des reliques telles que la couronne d'épines du Christ et un fragment de la Croix. Il soutient aussi les Cisterciens en les installant à Royaumont en 1236.
Soucieux de faire règner l'ordre et la justice, il fait interdire les vengeances familiales. C’est dans le même esprit que le Saint Louis décide de réguler la violence privée (ordonnance de 1258 sur les duels judiciaires), d’interdire le blasphème et de persécuter les juifs. Il va même jusqu’à interdire les jeux de hasard. Hanté par le pêché, St Louis représente en fait l’archétype du chevalier chrétien, généreux envers les pauvres, et sa foi impressionne les gens de l’époque alors qu’il adopte une vie de plus en plus monastique. Il n’est cependant pas exempt de bigoterie, et se montre implacable envers les hérétiques. Il soutient l'Inquisition en Languedoc contre les cathares (Montségur tombe en 1244) et oblige les juifs à porter la rouelle écarlate.
Louis IX part en croisade
En 1244, Saint Louis est frappé par la maladie ; il s’engage alors à se croiser s’il survit. Il respecte sa promesse et fait construire le port d’Aigues-Mortes spécialement pour cet objectif. Après une entrevue avec le pape Innocent IV à Lyon en1245, il part pour la Terre sainte et choisit l’Egypte comme cible. Les croisés s’emparèrent facilement de Damiette, au mois de juin 1249, mais tardèrent ensuite à marcher sur Le Caire. Ils furent gênés par les crues du Nil, et durent livrer bataille dans de mauvaises conditions à Mansourah, en février 1250. Le frère préféré du roi, Robert d’Artois, emporté par sa folle bravoure, fut tué à l’avant-garde avec un grand nombre de chevaliers. Il fallut faire retraite dans des conditions désespérées, une effroyable épidémie ayant décimé une grande partie de la troupe.
Le 5 avril, le roi, malade, fut fait prisonnier et ramené à la Mansourah. Tombé aux mains des Mamelouks (qui venaient de renverser le Sultan), Saint Louis fut en grand péril, mais il montra un courage admirable et, dans l’adversité, impressionna même ses ennemis. Après des négociations difficiles et douloureuses, ceux-ci le relâchèrent contre la restitution de Damiette et une énorme rançon de 400 000 livres. La pauvre armée chrétienne put quitter l’Égypte, et le roi mit un point d’honneur à respecter scrupuleusement les conditions qu’il avait jurées pour sa libération.
De toutes parts, les bannis, les ribauds et les bandits se joignirent à eux. Ce fut bientôt une armée de cent mille hommes, horde de jacques déclarant la guerre aux nobles, aux prêtres et aux juifs. A Paris, à Orléans, à Bourges, les conflits entre les pastoureaux et la population furent sanglants. La régente, un moment étonnée par l'ampleur et le caractère mystique du mouvement, sut se reprendre et donna ordre aux officiers royaux d’organiser partout la guerre contre les pastoureaux. Ceux-ci furent alors poursuivis, repoussés vers le Midi, puis anéantis.
Ce fut le dernier service rendu au royaume par la régente. Saint Louis reçut la nouvelle de sa mort au début de l’année 1253. Mais II s’attarda encore une année en Terre sainte, dont il ne pouvait se déprendre. Ce ne fut que pendant l’été 1254 qu’il regagna son royaume.
Louis IX, un roi réformateur
La deuxième phase de ses réformes intervient après son retour de croisade, et en partie en réponse à cette enquête. Profondément changé par son expérience de croisé, le roi cherche d’abord la paix avec ses voisins, Henri III et Jacques Ier d’Aragon. Puis il se lance dans de profondes réformes en recrutant des hommes compétents comme Gui Foulquoy. La Curia regis est remaniée dans son fonctionnement, le roi est plus que jamais au centre, entouré de ses proches conseillers. A partir de 1250, une partie de cette cour est spécialisée dans la justice, posant les bases du parlement du XIVe siècle. L’administration est perfectionnée, chargée de relayer les nombreuses ordonnances que le souverain décide. Saint Louis est ainsi le monarque de la dynastie capétienne qui a le plus légiféré.
La dernière croisade et la mort du roi
Après son retour, et malgré les nombreuses tâches qu’il accomplit, la pensée quotidienne du roi était de reprendre la croix. En 1266, il s’en ouvrit enfin au pape Clément IV, dont il trouva l’enthousiasme refroidi. En fait, Saint Louis comprenait fort mal les affaires d’Orient, et rien à la politique musulmane. Meurtri par son précéent échec, mais aussi conscient des dangers qui pèsent sur la présence latine en Terre sainte, Saint Louis prend à nouveau la croix en 1267 malgré la lassitude des barons. Sans doute influencé par son frère Charles d’Anjou, très ambitieux depuis qu’il a conquis la Sicile, le roi choisit de mener la croisade contre Tunis.
Les sarrasins, avec leurs machines de guerre, lançaient sur le camp français des nuages de sable brûlant. La dysenterie et la peste firent des ravages considérables. Le fils préféré de Saint Louis, Jean Tristan, meurt à l’âge de vingt ans. Le roi soigna les malades jusqu’au jour où il fut lui-même atteint par le fléau. Il mourut le 25 août 1270. Paradoxalement, ce nouvel échec signe aussi sa gloire : le roi-chrétien est mort en croisade, la voie est ouverte pour en faire un saint.
L'héritage de Saint Louis
Le règne de Saint Louis est finalement pour la France une période de rayonnement moral, intellectuel et artistique dans toute l’Europe, d'autant qu'il aura bénéficié d'une conjoncture favorable, sans famines ni épidémies. La personnalité du roi, ses réformes, sa foi et son action de croisé expliquent le fait qu’il soit considéré comme l’un des plus importants rois de France, au-delà même des images d’Epinal. Il sera canonisé par le pape Boniface VIII en 1297, vingt sept ans seulement après sa mort. Son fils Philippe, futur Philippe III le Hardi lui succèdera.
Bibliographie
- J. Le Goff, Saint Louis, Gallimard, 1999.
- Saint Louis: Un roi chrétien à la base de la justice, de Raphaël Coune. 50Minutes, 2016.
- La Vie de Saint Louis, de Jean de Joinville. Poche, 2002.