Histoire du palais de l'Elysée, résidence présidentielle

Histoire de France | Histoire générale

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Le palais de l'Élysée est un hôtel particulier du XVIIIe siècle situé en bas de l’avenue des Champs-Élysées, à Paris, devenu la résidence des présidents de la République française en 1873. Plusieurs fois transformé, agrandi et embelli au cours des siècles, le palais de l’Élysée a cependant conservé son bâtiment principal originel. Chaque propriétaire y a apporté des embellissements : boiseries, cheminées, lustres, peintures, etc. L’installation de la présidence de la République dans le palais a entraîné des modifications supplémentaires, telles que l’aménagement de la salle des fêtes sous Sadi Carnot, les décors de Lanel et Leleu sous Vincent Auriol, les embellissements de Paulin et Agam sous Georges Pompidou et enfin l’agencement des appartements par Wilmotte et l’achat de peintures de Garouste sous François Mitterrand...

 

Le palais de l'Elysée, une demeure chargée d'histoire

Au milieu d’une plaine maraîchère, notre actuel faubourg Saint Honoré, le neveu par alliance d’André Le Nôtre vendit en 1718 le terrain qu’il possédait à Henri-Louis de la Tour d’Auvergne, comte d’Evreux. Celui-ci y fit construire un hôtel particulier en quatre ans. Cette construction marquait l’essor du quartier, l’un des plus beaux de Paris. Ce fut une construction classique avec un vestibule d’entrée situé dans l’axe de la Cour d’Honneur et des Jardins, un corps central avec un Grand Appartement nommé Appartement de Parade au milieu duquel se trouve le Grand Salon donnant sur le jardin et deux ailes avec l’Appartement des Bains à droite et les appartements privés à gauche. Tout l’extérieur était encadré par des murs surmontés de balustrades.

Trente ans plus tard, la marquise de Pompadour voulant avoir un « pied à terre parisien » achète cet hôtel, fait réaliser quelques travaux portant sur l’Appartement de Parade, sur le premier étage ainsi que le jardin où elle introduit des charmilles, des cascades, avant de s’y installer jusqu’en 1764, puis de le léguer à Louis XV. Le Bien Aimé le destine aux ambassadeurs extraordinaires comme lieu de résidence, puis en fait une sorte de galerie d’art en 1765. Servant momentanément de Garde Meuble de la Couronne, il est vendu en 1773 au financier Nicolas Beaujon qui le transforma profondément en prolongeant les Petits Appartements, en modifiant le Pavillon Central, la Chambre de Parade transformée en hémicycle, en divisant la Salle d’Assemblée, en réaménageant le jardin à l’anglaise avec terrasses, allées sinueuses et création d’un petit lac.

Louis XVI le vend à la duchesse de Bourbon sa cousine qui lui donne le nom d’hôtel de Bourbon à partir de 1787. Sa chambre se trouvait dans l’actuelle bibliothèque Napoléon III. Après l’arrestation de la duchesse en 1793, cet hôtel particulier a vu plusieurs utilisations : en 1794 il servait d’imprimerie du Bulletin des Lois, puis ce fut le garde meuble provenant des saisies de condamnés ou d’émigrés ; après la libération de la duchesse de Bourbon, elle réintègre son hôtel en 1797 et loue le rez-de-chaussée à la famille Hovyn où des bals populaires sont organisés en 1797 (afin d’avoir quelques revenus). Ils effectuèrent des travaux d’ouverture de deux arcades pour laisser passer le public vers les jardins et donne à l’hôtel le nom d’Elysée.

Le palais est vendu par la duchesse de Bourbon, les appartements loués virent la présence du comte et de la comtesse Léon de Vigny et leur fils Alfred… Pour faire face aux dettes, la famille Hovyn revend l’hôtel en 1805.

L’Elysée de l’Empire à nos jours

Murat veut redonner tout son lustre à l’hôtel d’Evreux et confie les travaux à Barthélémy Vignon (celui qui réalisera la Madeleine) avec création du Grand Escalier, Galerie des Tableaux qui est l’actuel Salon Murat, une Salle de Banquet dans l’aile ouest, l’aile des Petits Appartements est réservée à Caroline Murat dont subsiste le Salon d’Argent, le second étage réservé aux enfants. Murat y vécut jusqu’en 1809 devenant Roi de Naples, puis le cède à Napoléon qui le rebaptise l’Elysée-Napoléon ! Celui-ci y restera jusqu’à sa campagne d’Autriche, cède le palais à Joséphine pour le divorce et reprend possession des lieux en 1812…jusqu’à signer son abdication dans le boudoir d’Argent.

Pendant l’occupation de Paris par les alliés, le tsar Alexandre est résident, puis en 1815 le duc de Wellington ; en 1816 le duc de Berry en hérite de son oncle Louis XVIII ; enfin en 1820 Louis Philippe est propriétaire des lieux qui deviendront la résidence des hôtes étrangers de la France jusqu’en 1848. Pendant la IIè République, le nom devient Elysée National et c’est en décembre 1848 que ce palais devient Résidence du Président de la République. Louis Napoléon s’y installe alors ; en 1853 Eugénie de Montijo y est accueillit et Napoléon III décide de la rénovation complète du palais, et songe à créer un souterrain pour rejoindre Marie-Louise de Mercy-Argenteau, son « amie ».

Les travaux qui nous offrent à peu de choses près la vision d’aujourd’hui, sont achevés pour l’Exposition Universelle en 1867 et l’Elysée reçut des souverains étrangers tels le tsar Alexandre II ou l’empereur d’Autriche François Joseph. A partir de l’installation du maréchal Mac Mahon en 1874, le palais devient Résidence Officielle de tous les Présidents de la République, sauf lors de la période de juin 1940 à 1946 où le palais sera fermé.

Au fur et à mesure de l’installation des divers présidents suivants, certains travaux furent entrepris afin de répondre aux goûts de chacun, mais dès l’arrivée de la III ème République, on modernisait les lieux avec l’apparition du téléphone, de l’électricité, du chauffage central.

Les petites particularités des Présidents

Le Général de Gaulle fan de bouillabaisse, aurait tout fait pour en déguster une. Mais il refusait de recevoir l’écrivain Paul Morand avant son admission à l’Académie Française et lui fit parvenir une lettre de « dispense de visite ». Très grand, le Général ne put passer qu’une nuit pendant ses vacances au Fort de Brégançon, la résidence secondaire présidentielle : le lit était trop petit et les moustiques trop nombreux !

Lors de son établissement à l’Elysée, Georges Pompidou fit appel à des créateurs contemporains afin de redécorer les lieux et demande à faire installer une salle de cinéma au sous-sol. C’est lui qui instaura des menus raffinés avec l’apparition du foie gras et pourtant il adorait le gigot.

Valéry Giscard d’Estaing introduit la nouvelle cuisine française lors des 48 repas d’Etat sous sa présidence. L’un de ces repas en février 1980 fut assez compromis : en effet son invité Helmut Schmidt, avant de passer à table, est mal en point et s’effondre soudain, comme le raconte Valéry Giscard d’Estaing dans ses Mémoires « sa tête roule de côté, ses yeux chavirent vers le haut. Il doit avoir perdu connaissance. Nous sommes tous les deux seuls dans la pièce, les portes sont fermées. Le seul signe de vie est un léger sifflement respiratoire. Que penserait l'opinion, la foule, si elle nous découvrait ainsi, Helmut sur le canapé, et moi immobile et inutile, le veillant sans pouvoir l'aider ?»

Finalement, le président fit appel au médecin du palais, qui remettra le chancelier d'aplomb. Mais nous le savons, il dut quitter l’Elysée en mai 1981. Sauf qu’en 2003 afin de finaliser son accession à l’Académie Française, il y a « passage obligé » chez le Président de la République ce que Valéry Giscard d’Estaing refusa catégoriquement. Il s’y résout pourtant …en pénétrant au palais par une porte du jardin. Sa présidence fut de temps en temps perturbée par des énergumènes qui veulent s’introduire dans les lieux, comme pendant la nuit du 7 au 8 novembre 1974 où l’individu ayant escalader la grille du jardin, pénètre dans le palais pour aller s’endormir dans le salon d’Argent !

François Mitterrand, à peine installé en juin 1981, un journaliste fraichement embauché à l’Elysée, défraya la chronique. Devant rédiger une note « délicate », celui-ci absorbe une substance stimulante, une poudre devant être réduite au plus fin…il fallait une surface bien plate et régulière pour la préparation…il décroche alors le portrait du Président et prépare cette substance sur le sourire présidentiel ! C’est aussi sous sa présidence que le « cabinet noir de Louis XV » refaisait surface. En effet, entre 1983 et 1986, 3 000 conversations téléphoniques furent enregistrées concernant 150 personnes allant de l’actrice Carole Bouquet à l’épouse du Premier ministre Laurent Fabius….afin d’éviter un complot d’extrême droite.

Du temps de François Mitterrand, les intrusions diverses se passaient différemment que du temps de VGE. Le 13 novembre 1982, un jeune étudiant en sciences politiques saute par-dessus la grille du palais (haute tout de même de 4.50 mètres)…mais arrêté aussitôt par les gendarmes, il s’excusera en disant « j’ai eu un coup de folie » ! Le Président devra gérer un autre problème : le suicide de l’un de ses anciens compagnons, en avril 1994. C’est la première fois qu’un drame pareil se produisit à l’Elysée !

Jacques Chirac fut très surpris le jour de son investiture : il ne reconnait pas le bureau, alors qu’il venait régulièrement s’y entretenir avec le chef d’Etat. François Mitterrand eut alors ces bons mots « j'ai tenu à vous laisser le bureau dans l'état où le général de Gaulle l'a quitté » ! Dans les surprises en tout genre, il y a celle de son épouse Bernadette qui aimait le palais et a fait restaurer la chapelle…qui devait servir de salle d’attente pour le locataire suivant !

Le palais de l’Elysée en quelques chiffres

Pour servir un seul Président, il faut environ 1000 personnes, de la fonction du courrier à la cuisine, en passant par les chauffeurs, les électriciens, les fleuristes, le tout Made in France. Parmi eux, rien que 100 individus s’occupent du courrier reçu : le Général recevait 210 000 lettres pendant la semaine des barricades à Alger ; en mai 1794, 250 000 courriers ont été adressé à Giscard d’Estaing après son élection ; depuis 1981 le nombre annuel de lettres ne cesse d’augmenter. Alors qu’il était de 600 000 en 1981, il passe à 860 000 en 1991 ; Jacques Chirac quant à lui a reçu plus d’ 1 000 000 de messages par an et une pétition de 6 200 000 de signatures après l’annonce de la reprise des essais nucléaires en 1995.

Les dîners d’Etat sont une tradition incontournable. Il faut donc, pour bien recevoir les chefs d’Etat étrangers, environs 6 500 pièces de vaisselle, 6 000 verres et carafes de cristal pour les 2 000 très grands crus consommés annuellement, 90 nappes brodées, les menus étant préparés dans une cuisine de 600 mètres carrés, avec 21 personnes à la tâche.

Au niveau décoration, on trouve 320 pendules qu’un maître horloger remonte tous les mardis matins et la plus belle pièce de l’Elysée : un bureau Louis XV de l’ébéniste Charles Cressent, utilisé par tous les présidents de la V è République, sauf Valéry Giscard d’Estaing.

La Garden-party est le must à l’Elysée, la fête où il faut être invité le 14 juillet. En 2006, 4 000 personnes de milieux divers (médias, lettres, spectacles, politique) furent invitées à la fin du mandat de Jacques Chirac…pour un coût de 480 000 euros réglés aux traiteurs du palais ! 

Ce palais depuis sa création au XVIIIe siècle, a peut être vu le plus grand nombre de locataires. Outre les princes, les favorites, il a abrité deux empereurs et 23 présidents de la République dont un qui expirait dans les bras de sa maîtresse et un autre extravagant devenu fou en cours de mandat, un président sur deux ne terminant pas son mandat ! 

Pour aller plus loin

- L'Élysée, coulisses et secrets d'un palais, de Patrice Duhamel et Jacques Santamaria. Plon, 2012.

- L'Elysée : Histoire d'un palais, de Georges Poisson.Pygmalion, 2010.

 

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