L’eau : les rumeurs et son usage au XVIIe siècle
Une rumeur raconte que le roi soleil ne prit qu’un bain au cours de sa vie ! Quelle ineptie !
A cette époque, le corps médical pensait que l’eau était mauvaise pour le corps lors des ablutions, car elle entrait dans les pores et corrompait les organes internes, comme le mentionne Théophraste Renaudot en 1655 « le bain extermine le corps et emplit la tête des vapeurs ». Une fois l’eau bien arrivée et installée à Versailles et à la Cour en 1682, des analyses furent établies par l’Académie royale des sciences, transmises à Colbert, déclarant l’eau bonne à boire. Varin, dans sa soutenance de thèse à l’école de médecine explique aussi en mars 1685 « l’argument le plus solide qui prouve que Versailles est une ville saine, c’est la florissante santé de ses habitants ; donc la ville de Versailles est salubre ».
La propreté à la Cour de Versailles
Pour éviter d’utiliser l’eau pour ses ablutions, puisque la rumeur est tenace, beaucoup de courtisans étaient adeptes de la toilette sèche, c'est-à-dire se laver le visage et les mains avec un linge humide. A la cour, la propreté se manifeste surtout par le port de linge blanc, mais les parties visibles du corps devaient être nettes « avoir soin de se tenir la tête nette, les yeux et les dents dont la négligence gâte la bouche et infecte ceux à qui nous parlons, les pieds surtout en été pour ne pas faire mal au cœur à ceux avec qui nous conversons ». Ainsi les coffres des chambres, fermés à clé, étaient remplis de linge blanc en particulier de chemises et l’on se changeait régulièrement, au moins cinq fois par jour, pour paraitre net !
Quarante ans avant, sous Louis XIII, des traités de bienséance et de civilité existaient déjà, mentionnant la netteté et la propreté des courtisans, avec un chapitre sur la bonne haleine. On s’en souvient, Madame de Montespan était réputée pour sa saine et belle dentition, même si le roi eut beaucoup de problèmes de dents : abcès, suppression de la mâchoire supérieure, cautérisation par quatorze fois au bouton de feu.
Dans un souci de propreté, le roi qui dans sa jeunesse adorait prendre des bains de rivière, fit construire un appartement des bains entre 1671 et 1680. Les valets poussaient une baignoire sur roulette dans sa chambre, l’eau étant chauffée d’abord par les Officiers de Fourrière et versée par une foule de porteurs d’eau.
Les courtisans logeant au château disposaient d’un cabinet et parfois d’une garde robe « la petite chambre, à côté de l’endroit où l’on dort ». Dans ce cabinet, il y avait la chaise de commodité, une table recouverte d’une toile (d’où le nom toilette), avec tous les ustensiles nécessaires : crèmes, onguents, fards, pommades, essences, mouches, peignes, etc. ainsi que les bassins à laver les mains et la barbe, des miroirs, sans oublier la fontaine conservant l’eau nécessaire pour la journée. L’eau courante était quand même assez limitée, les porteurs d’eau se chargeaient de remplir les bains et fontaines.
Pour les non-résidents, ceux que l’on nommait les galopins, le roi autorisa la création de bains publics dans la ville dès 1671.
Les lieux d’aisance
C’est justement à cause des travaux entrepris par Louis Philippe à Versailles qu’il n’y a plus trace de ces endroits et les Mémoires écrites n’insistaient pas sur ces endroits ! N’ayant pas de vestiges, on pense donc à un lieu sale, même si effectivement certains visiteurs donnent raison à la rumeur, comme l’évêque de Noyon, ayant une envie pressente, qui se mit à uriner à travers la balustrade, dans la vieille chapelle. Le Suisse de garde fut très surpris du bruit d’une chute d’eau dans cet endroit pieux et en averti immédiatement Bontemps, le premier valet de chambre du roi. D’autres personnages n’étaient pas en reste, comme le raconte la princesse Palatine au sujet du duc de La Rochefoucauld ou le duc de Vendôme réputé pour ses grossièretés, n’hésitant pas à mêler bassin à barbe et bassin d’aisance, recevant toujours sur sa chaise d’affaires.
Les chaises dites « à l’anglaise » apparaissent sous Louis XV, avec système de chasse d’eau dès 1727. Mais jusqu’à cette époque, l’évacuation des eaux usées se faisait par deux porte-chaises d’affaire au service du roi, s’occupant aussi des autres princes et courtisans qui transportaient le contenu dans une fosse d’aisance, créée pour que le château et les jardins ne reçoivent pas ces déjections.
D’après l’inventaire des Meubles de la Couronne, il y aurait eu plus de 350 chaises d’affaires entre 1664 et 1705 ainsi que plus de 34 fosses d’aisance, reliées à un système d’égout pour évacuer ces eaux usées, se déversant au sud dans l’étang des Marais et au nord dans celui de Clagny, finalement comblé en 1736 pour cause de mauvaises odeurs. Ainsi on ne déversait plus les seaux par la fenêtre, comme il était encore bien souvent d’usage dans Paris.
Ce n’est que sous Louis XV et Louis XVI que des endroits spécifiques furent installés pour la toilette : les salles de bain.
Pour aller plus loin
- Le Versailles de Louis XIV – Mathieu da Vinha. Tempus, 2012.
- Le propre et le sale, hygiène du corps depuis le Moyen âge,de Georges Vigarello. Points Histoire, 2014.