La question de la succession de Louis XIII
Le cardinal Mazarin est là, essayant de consolider sa position au sein du Conseil, afin de favoriser l’accession d’Anne d’Autriche à la Régence. Le roi quant à lui jugeait « la reine incapable de toutes ses affaires et très passionnée pour sa patrie, mais il n’avait guère plus d’inclination pour Monsieur ». Les partis se forment autour d’elle, menés par l’évêque de Beauvais et Loménie de Brienne face au parti de Gaston. Il faut aller au plus vite, le temps presse…
Le roi se confesse de manière générale le 19 mars puis se fait transporter au Château Neuf, où l’air est plus respirable ; le 24, il reprend même la cérémonie du lever, suspendue ces dernières semaines pour cause de grande maladie. Le 3 avril, Louis XIII veut faire une dernière promenade dans les couloirs du château, soutenu de chaque côté par M. Souvré Premier gentilhomme de la chambre et par Charost capitaine des gardes du corps, Dubois le valet de chambre suit avec une chaise. Au bout de quelques pas, le roi est obligé de s’asseoir, beaucoup trop fatigué.
Le 20 avril, Louis XIII réunit officiellement autour de lui sa femme, son frère, Henri de Condé, les ducs et pairs, les membres du Conseil ainsi que les grands officiers du royaume. Il fait lire ses décisions prises quelques jours auparavant : Anne est Régente, mais sous tutelle ; Gaston nommé lieutenant du royaume et président du Conseil de Régence, Mazarin obtient un pouvoir sur l’Eglise ; les décisions du Conseil de Régence seront prises à la majorité entre les sept membres, le cardinal faisant office d’arbitre.
Le baptême de son héritier
Rappelons que le petit Louis n’avait été qu’ondoyé à sa naissance. Le roi attendant une réponse du pape Urbain VIII qu’il voulait pour parrain doit maintenant s’en passer, il faut changer ses vues, car il ne sent pas vraiment très bien.
L’enfant baptisé Louis Dieudonné fait preuve d’un grand sérieux. Puis accompagné de son parrain, il se rend auprès de son père pour l’embrasser, qui l’accueille dans le cabinet de la reine, au premier étage du Château Neuf. De son lit, il aperçoit les tours de la basilique Saint Denis et dit « voilà où je demeurerai longtemps ».
Il attend sa fin, les jours passant entrecoupés de souffrance et de nombreuses visites, comme celle de la Grande Mademoiselle ou de Saint Vincent de Paul qui constatent tous les deux la grande piété du roi « les pieux et généreux sentiments de son âme donnaient de l’édification ; il s’entretenait de la mort avec une résolution toute chrétienne…durant sa maladie, j’ai ouï dire qu’il avait mis en musique le De Profundis qui fut chanté dans sa mort et il ordonna avec la même tranquillité d’esprit ce qui serait à faire pour le bien de l’administration de son royaume quand il serait mort ».
Le 22 avril, le roi qui est pris de syncope fait appeler la reine et ses enfants pour une dernière bénédiction. Tous les trois ont bien du mal à avancer, tant c’est la cohue. Après sa deuxième syncope du lendemain, l’extrême-onction lui est administrée devant toute la famille : Gaston, Condé et Anne qui souhaite rester auprès de son époux, mais qui ne sait à qui confier ses enfants. L’ambiance survoltée inquiétant le maréchal de La Meilleraye, celui-ci fait venir des gardes supplémentaires ; par ricochet, Gaston et Condé font appel à leurs partisans. La rumeur courre que les enfants royaux vont être kidnappés pour le compte de Gaston. Anne confie donc leur garde au duc de Beaufort, bâtard royal qui ne peut prétendre à aucune place dans le système de Régence. Avec son esprit peu fin, il fait ceinturer le château par des soldats : il n’y a bientôt plus que des gens armés et des cliquetis d’armes…
Heureusement le roi revient à lui et approuve de suite sa femme pour son instinct de protection des enfants. Mieux, il se lève le lendemain et dîne en public. Mais à partir de ce jour, la reine s’installe dans une chambre attenante à celle de son époux, le veillant, assurant les gardes de nuit et écartant les importuns. Tout semble calme…
La mort de Louis XIII
Les jours du roi sont pourtant comptés : il tousse de plus en plus, est sujet à d’importantes diarrhées et de nombreux ulcères. Malgré les odeurs insupportables, la reine reste, et fait preuve d’une grande dignité. Le roi ayant toute sa tête, toujours très lucide, est « heureux » de la présence d’Anne, tout en continuant de pester contre ses médecins « qui m’ont accablé de remèdes qui m’ont ruiné la santé », car ces gens là le réveillent à grand fracas pour lui administrer une pharmacopée inefficace, composée entre autre d’eau ferrugineuse de Forges.
Le 12, il reçoit l’extrême-onction, on rappelle d’urgence Gaston et dans un sursaut de vie, le roi réunit son frère et son épouse, leur demandant de s’entendre toujours pour le bien des enfants et celui du royaume. Condé appelé au chevet du roi pense qu’il divague lorsqu’il lui dit avoir pressenti la victoire de son fils aux armées. Dans la journée, il dicte son testament personnel, léguant son cœur à la maison des Jésuites, ne souhaitant aucune cérémonie pour ses obsèques, distribuant des aumônes aux pauvres et demandant des messes pour le repos de son âme.
Le 13, le roi passe sa journée avec son confesseur, se fait inquiet, le questionne au sujet du jugement de l’âme en disant « il me vient des pensées qui me tourmentent ». Pendant cette nuit, le roi demande à chaque instant l’heure qu’il est.
Le 14 mai 1643, après la messe, il appelle son médecin et s’enquiert de son état « je crois, Sire, que ce sera pour bientôt que Dieu délivrera Votre Majesté des peines de ce monde ». Plus aucun bruit ne se fait entendre, malgré la foule qui emplit la chambre. Le roi bénit une dernière fois sa femme et ses enfants, il boit une dernière fois un peu de lait, récite la prière des agonisants et prononce pour la dernière fois le nom de « Jésus » : il s’éteint à deux heures trois quart, victime de la maladie de Crohn.
Le Roi est mort, Vive le roi
La reine n’a pas assisté aux derniers instants et en apprenant la mort de son époux, a l’impression qu’on lui arrache le cœur, elle est prise d’une profonde tristesse. Elle rejoint son fils et s’agenouille la première devant son nouveau roi, mais prend soin de faire évacuer tous les courtisans venus en courant : en tant que mère, elle veut profiter de cet instant, seule face à Louis XIV, son fils !
Pendant ce temps, il n’y a plus qu’un hôte à Saint Germain : le roi vêtu d’une camisole et coiffé d’un bonnet de nuit, recouvert d’un simple drap blanc, sans sceptre ni couronne, veillé par quelques officiers. Son corps reste exposé trois jours dans l’antichambre jusqu’à l’autopsie réalisée le 18 mai par dix huit médecins et chirurgiens qui constatent un délabrement complet des viscères. Le diagnostic a postériori des médecins est une « péritonite purulente par perforation du colon, au terme d’une sévère entérocolite inflammatoire de type Crohn ».
Le 19, après l’embaumement et le De Profundis tôt le matin, le cercueil est fermé et posé sur un grand chariot d’armes, recouvert d’un « poêle de velours noir croisé de satin blanc ». Le convoi arrive à Saint Denis vers dix heures le soir, Louis XIII sera placé entre les sépultures d’Henri IV et de Marie de Médicis.
Bibliographie
- Louis XIII, de Jean Christian Petitfils. Tempus, 2021.
- La Double Mort du roi Louis XIII, de Francoise Hildesheimer. Champs Histoire, 2011.