Enfant rêveur, Louis II de Bavière (1845-1886) le resta toute sa vie et ce, même lorsqu'il devint roi de Bavière à dix-huit ans en mars 1864, à la mort de son père le souverain-philosophe Maximilien II, le "Marc-Aurèle Bavarois". Le règne pouvait alors commencer. Roi mécène d'abord, protecteur de Wagner et de Kainz, Louis II fut aussi un roi constructeur, châteaux qui révélèrent souvent - surtout fut-ce le cas de Neuschwanstein - son caractère atypique. Après l'heur, que Louis II ne laissait de rechercher, le malheur, qui survint en juin 1886, avec une mort qui n'a cessé, jusqu'à nos jours, de faire couler beaucoup d'encre.
Enfance de Louis II de Bavière
Bainville écrit que « le simulacre d'un beau tableau lui suffisait, de même qu'il se contentait, à défaut de pierres précieuses, de verres colorés. N'étant pas assez riche pour avoir des colonnes de porphyre ou de lapis-lazuli, des imitations de stuc lui faisaient le même plaisir ». Louis préfèrait la forme au fond, il recherchait en outre l'émotion. Emotion qu'il retrouva plusieurs fois et très intensément en écoutant Richard Wagner. La rencontre musicale avait eu lieu en 1861, alors que Louis n'était âgé que de seize ans. Il avait été ébloui par une représentation de Lohengrin et, dès lors, s'était mis en tête de rechercher le compositeur, ce qui fut chose faite en mai 1864 où le secrétaire du nouveau roi, M. de Pfistermeister, avait convaincu Wagner de s'établir à proximité du roi.
S'il n'était pas un inconnu, le compositeur n'en était pas moins méconnu. D'aucuns voyaient pourtant en lui un génie, mais un génie dont la reconnaissance tardait. Une amitié commença, ponctuée d'échanges épistolaires sulfureux. Comme son grand-père Louis Ier qui avait eu maille à partir avec le peuple du fait de sa relation avec la courtisane Lola Montès, Louis II dut se contraindre à se séparer de Richard Wagner, les Munichois imputant les dépenses de Louis II à ce dernier. L'amitié qui avait uni les deux personnages allait se terminer. Preuve en est: le roi ne fut-il pas absent lors des obsèques de Wagner en février 1883 ?
Du roi au mécène
Dès le début de son règne, Louis II est confronté à la montée en puissance de la Prusse et de son ambitieux chancelier, Bismarck. En 1866, il soutient l'Autriche en guerre contre la Prusse. Mauvais choix, son allié Habsbourg est battu à Sadowa. Durant la guerre franco-allemande de 1870-71, il soutient mollement la Prusse victorieuse qui proclame l'Empire dans la galerie des Glaces à Versailles, ce qui a pour conséquence la fin de l'indépendance de la Bavière. Se désintéressant des affaires de l'État, Louis II se consacre alors aux arts et à la culture, et en particulier à ses projets de châteaux.
Roi mécène, comme tous les rois de la maison des Wittelsbach, Louis II de Bavière avait donc fait de Munich une capitale musicale, de même que son grand-père en avait fait une capitale artistique. Capitale musicale limitée toutefois, Bayreuth la supplantant après le départ de Wagner. C'est bien connu, lorsque l'on aime, on ne compte pas. Et les prodigalités de Louis pour ceux qu'il aimait, ne serait-ce que pour leur art, étaient importantes.
Il en fut, finalement, de même pour Joseph Kainz, acteur de confession juive que Louis II avait fortement apprécié dans le rôle de Didier en avril 1881 lors d'une représentation du Marion Delorme de Victor Hugo. La relation épistolaire qu'entretinrent le roi et l'acteur fut presque aussi fiévreuse que celle entretenue entre le roi et le compositeur Wagner quelques années plus tôt. Mais leur amitié se termina bientôt: au cours d'une ballade nocturne, Louis II demanda à l'acteur de réciter du Schiller, ce que Kainz refusa. Il n'en fallut pas plus que leur amitié ne se termine.
Louis II de Bavière, roi bâtisseur
Étrange fut la construction architecturale du roi Louis II. Le Bavarois commençait des nouveaux chantiers alors que les anciens n'étaient pas encore terminés. Surtout, les châteaux, comme celui d'Herrenchiemsee, copie imparfaite du Versailles Français que Louis II avait visité avec plaisir (il s'en était notamment inspiré pour reproduire une longue galerie des glaces), étaient très onéreux, ce qui contribuait à atténuer la popularité du roi.
A Neuschwanstein, dont la première pierre fut posée par l'architecte Jank en 1869, Louis II laissa un étage entièrement vide et d'aucuns ont prétendu que c'était au cas où il convolerait un jour. Bainville écrit que « Neuschwanstein commence à nous révéler la nature du désordre cérébral de Louis II ». Il a été dit que cette eplendeur d'inspiration romane et gothique aurait inspiré Walt Disney pour son logo.
Ce ne sont, de fait, dans un décor somptueux, qu'espaces gigantesques pour un seul homme. Enfin le souverain fit-il derechef montre d'un désir d'imitation de Louis XIV en bâtissant le château de Linderhof, qu'il n'hésita pas à renommer, du nom du village voisin d'Ettal, « Meitcost-Ettal », maladroit anagramme de « L'État, c'est moi », célèbre phrase apocryphe que le roi de France Louis XIV n'a évidemment jamais prononcée le 13 avril 1655.
13 juin 1886: une fin tragique
En proie à d'effroyables douleurs physiques, Le roi de Bavière dut affronter les contestations munichoises concernant les excès budgétaires. Profitant de celles-ci, le prince Luitpold prit in fine le pouvoir par un coup d'État, et s'empressa de déclarer Louis II fou et par conséquent dans l'incapacité d'exercer le pouvoir. Roi déchu, Louis II savait qu'un complot s'ourdissait contre lui. Il eût pu se réfugier à l'étranger – notamment en Autriche – mais ne le fit pas. Peut-être jugea-t-il cela trop déshonorant. Capturé et placé en internement au château de Berg (11 juin 1886), il se promenait quotidiennement mais était nécessairement et obligatoirement accompagné. Le 13, le Dr Gudden accompagna le roi. Après un long moment, l'on s'aperçut qu'ils ne réapparaissaient pas et l'on partit bientôt à leur recherche.
On découvrit enfin le corps du roi dans le lac de Starnberg. De même pour le corps du Dr Gudden. Ils se seraient battus dans l'eau et le roi, plus corpulent (grand – 1m90 – et gros du fait de ses excès alimentaires) que son adversaire, l'aurait tué en le noyant. Le visage du médecin était en effet recouvert de coups, sûrement donnés par le roi à l'aide de sa lorgnette qu'il avait pris l'habitude de toujours garder sur lui.
Le rapport officiel des événements a dit que le roi, après avoir tué Gudden, s'était donné la mort en se noyant à dessein. Mais l'eau n'était pas assez profonde pour cela à l'endroit où le corps du roi avait été retrouvé. Pour Bainville, le roi aurait fui et un individu, sur la berge, l'aurait abattu à distance. Il est, en définitive, un point commun de la mort et du vivant du souverain bavarois: dans l'une comme dans l'autre, le roi reste mystérieux.
Bibliographie
- BAINVILLE Jacques, Louis II de Bavière. FB Editions, 2014..
- Louis II de Bavière: Le trône et la folie, de Catherine Decours. Fayard, 2019.
- DES CARS Jean, Louis II de Bavière : Ou le roi foudroyé, Tempus, 2010.
Pour aller plus loin
- Ludwig ou le Crépuscule des dieux (1973), film de Luchino Visconti.