Anne de Bretagne, une héritière
Dernière représentante d'une Bretagne souveraine et indépendante, nulle duchesse ne fut, dès son plus jeune âge, promise en mariage à autant de beaux partis. Anne est la fille aînée de Marguerite de Foix et de François II (1435-1488), duc de Bretagne et éternel rival de ses puissants voisins les rois de France (Louis XI et Charles VIII). La demoiselle reçoit dès sa naissance (1477), au château historique des Ducs Bretons, celui de Nantes, une éducation soignée (grâce à sa gouvernante Françoise de Dinan, comtesse de Laval, et au poète Jean Meschinot, son érudit maître-d'hôtel) et un sens aiguisé de son destin. Comment en aurait-il pu être autrement ? Si l'extérieur du château nantais paraît n'être qu'une citadelle austère, son intérieur n'est alors habillé que de soieries, de velours, de meubles rares et de tapisseries magnifiques recouvrant tous ses murs : Anne ne peut que prendre très vite conscience de sa dignité.
En l'absence d'un héritier mâle, Anne est donc l'héritière du duché de Bretagne. Son premier projet matrimonial est signé alors qu'elle n'a que... quatre ans (avec l'héritier de la couronne d'Angleterre, futur Edward V !). François II et ses conseillers (comme le puissant Pierre Landais) utilisent ces promesses d'épousailles comme autant de moyens d'obtenir aide et soutien de l'étranger contre les tentatives incessantes de la France de rogner les prérogatives ducales. Avant que la petite fille ne soit majeure, le vent a encore le temps de tourner et, si besoin est, les contrats dénoncés ou oubliés...
Une main convoitée
Ce qui ne manque pas de se produire. Car la politique d'indépendance du duc est coûteuse, ruineuse, même. Le duché est exsangue, le peuple fatigué des guerres et des impôts, alors que son voisin ne cesse de gagner en puissance. À la fin de son règne, la cour de François II, faible et déclinant psychologiquement, est infestée d'espions français, certains étant ses plus proches conseillers (comme le maréchal de Rieux, le prince d'Orange et même la gouvernante Mme de Laval) désormais officiellement pensionnés par le roi de France.
Deux fois reine de France
Le 19 décembre 1490, après le décès du duc deux ans plus tôt (et, la même année 1488, la fin de " La Guerre Folle ", perdue par François contre les Français), plus décidée que jamais à poursuivre la politique d'indépendance de son père, la désormais duchesse Anne finit par épouser par procuration, dans la cathédrale de Rennes, Maximilien Ier, roi des Romains. Le roi de France Charles VIII ne l'entend pas de cette oreille : le traité mettant fin à " La Guerre Folle " (1485-1488), le traité du Verger (signé le 19 août 1488 par Charles VIII et François II), stipulait l'accord indispensable du roi au mariage d'Anne. La violation du traité est flagrante : le roi envoie ses troupes encercler Rennes. Le siège dure deux mois. Anne finit par se rendre. Elle épouse Charles VIII, devenant reine de France, le 06 décembre 1491, au château de Langeais. L'Autriche fulmine mais, contre de conséquentes concessions, le pape Innocent VIII accepte d'annuler le premier mariage par procuration d'Anne avec Maximilien en 1492.
Le principe du remariage d'Anne avec son successeur, Louis XII, est immédiatement acté. Une clause marital stipulait l'obligation d'Anne d'épouser le successeur du roi en cas d'absence d'héritier mâle. Il y va autant, désormais, des intérêts de la France que de la Bretagne. En attendant l'annulation du contrat de Louis XII alors époux de Jeanne de France, elle retourne enfin en Bretagne. Héritière des droits des rois de France sur la Bretagne, elle y reprend la tête de l'administration, frappant même monnaie à son effigie.
Des funérailles royales pour Anne de Bretagne
Elle s'éteint le 09 janvier 1514, après une vie entière de sacrifices à défendre les intérêts de son duché. - Sa dépouille repose en la basilique de St Denis en compagnie de son dernier époux Louis XII. Ses funérailles furent sans pareille et durèrent quarante jours. Privilège de la dynastie capétienne, elle dicta par testament la partition de son corps (ossements, entrailles et cœur), multipliant ainsi les lieux de sépulcre. Son cœur est ainsi toujours dans un reliquaire musée départemental Thomas-Dobrée à Nantes. Son image et son nom sont toujours très forts, de nos jours, dans l'inconscient collectif breton.
La Bretagne sera officiellement annexée en août 1532, après que les États de Bretagne aient eux-mêmes réclamé le rattachement de leur pays à la couronne de France, en contrepartie de la confirmation de leurs privilèges.
Bibliographie
- Anne de Bretagne: Duchesse et reine de France, de Claire L'Hoër. Pluriel, 2022.
- Anne de Bretagne, de Joël Cornette. Gallimard, 2021.
- Les ducs et duchesses de Bretagne, de Philippe Tourault. Tempus, 2016.