La famille de Robert le Fort
L'origine de Robert le Fort est restée longtemps obscure. Il est très probablement le fils de Robert III de Hesbaye (mort en 834), comte de Worms et d'Oberrheingau, missus impérial dans la région de Mayence. Cette famille, issue de la vallée du Rhin et du Main, est liée aux Carolingiens ; les ancêtres les plus lointains gravitaient dans l'entourage de Charles Martel. Elle compte en son sein, Cancor, fondateur de l'abbaye de Lorsch.
Sa mère est Weltrade, sœur du comte Eudes d'Orléans, père d'Ermentrude, épouse du roi Charles II le Chauve (823, 840, †876). La date exacte de naissance de Robert le Fort est inconnue, mais il est sans doute né entre les années 810 et 820, dans les dernières années du règne de Charlemagne (†814) ou les premières années du règne de Louis le Pieux (781, †840).
Il est lié de plusieurs façons aux Carolingiens :
De par sa mère, fille d'Eudes d'Orléans, père d'Ermentrude, épouse de Charles le Chauve ;
De par son grand-père, frère d'Ingramm, père d'Ermengarde, première épouse de Louis le Pieux.
«Eudes était fils de Robert le Fort, de l'ordre équestre, ; son grand-père paternel fut Witichin, Germain de nation. Richer, Le Coup d'Etat Capétien, 888 – 997, Paléo
Il a sans doute épousé en secondes noces, Adélaïde, mère d'Hugues l'Abbé, fille de Hugues d'Alsace et veuve de Conrad Ier de Bourgogne. Il a trois enfants :
- une fille, Richilde ;
- Eudes, comte de Paris, roi de Francie Occidentale de 888 à 898, né aux alentours de 860 ;
- Robert, roi de Francie Occidentale de 922 à 923, né après 860, arrière-grand père d'Hugues Capet.
A sa mort, les honneurs et charges de Robert ne reviennent pas à ses fils Eudes et Robert, qui sont des enfants. C'est à Hugues l'Abbé, son cousin, a priori le demi-frère d'Eudes, que Charles le Chauve les transmet. Appartenant à la puissante famille des Welfs, Hugues est notamment abbé de Saint-Martin d'Auxerre, conseiller de Louis II le Bègue (846, 877, †879) puis de ses deux fils Louis III (863, 879, †882) et Carloman (867, 879, †884).
Robert le Fort, marquis de Neustrie
En août 843, les trois fils survivants de Louis le Pieux signent le traité de partage connu sous le nom de « Traité ou Partage de Verdun ». Ce traité met fin à des luttes entre les trois frères qui durent depuis la mort de leur père survenue en 840.
Louis le Germanique (806, †876) reçoit la partie orientale de l'Empire, la Francie Orientale : la Bavière, les provinces d'Alémanie et de Franconie ainsi que la Saxe ;
Charles le Chauve (823, †876) reçoit les terres situées à l'ouest de la ligne Escaut-Meuse-Saône-Rhône, soit la Francie Occidentale, l'Aquitaine, la Septimanie ;
Lothaire (795, †855) reçoit un royaume enserré entre les deux parts de ses frères, la Francie Médiane, qui va de la Frise à la Provence en incluant la Lotharingie et l'Italie. Il garde le titre d'Empereur et son royaume englobe les deux capitales de l'Empire, la capitale politique Aix et la capitale religieuse Rome.
En 852, il apparaît comme « abbé laïc de Noirmoutier » dans un diplôme. En 853, Charles le Chauve le nomme « missus » pour l'Anjou, le Maine et la Touraine.
La puissance de Robert le Fort va se forger au travers des luttes qui opposent le roi Charles le Chauve aux Bretons et aux Vikings. Fidèle à celui-ci, plusieurs évènements vont pourtant le contraindre à se rebeller lorsqu'il va juger sa position et ses possessions en danger :
En novembre 845, à Ballon, près de Redon, le roi Charles le Chauve affronte les Bretons du duc-roi Nominoë (800, †851). Il subit une cuisante défaite, échappe de peu à la capture et prend la fuite dans la nuit, en abandonnant derrière lui ses insignes royaux. Nominoë saccage l'Anjou et pille Angers, mais il meurt subitement en 851. Charles le Chauve reprend l'offensive et affronte Erispoé (820, † 857), fils et successeur de Nominoë. Le 22 août, lors de la bataille de Juvardel longue de trois jours, le roi franc est de nouveau défait. De nouvelle fois il fuit, puis décide de traiter avec le chef Breton : il reconnaît son titre de roi de Bretagne, lui octroie le pays de Nantes et de Retz ainsi que l'ouest de l'Anjou jusqu'à la rivière Mayenne.
Les Vikings remontent la Loire, s'installent dans l'île Batailleuse et parviennent en 854 à se maintenir un court temps dans la ville d'Angers.
En 858, Charles le Chauve confie le Maine à son fils Louis le Bègue, qu'il projette de marier à la fille d'Erispoë.
Une position incertaine
La victoire de Louis le Germanique est de peu de durée. En 859, il repasse le Rhin, laissant ses alliés dans une position difficile. Des négociations s'engagent qui durent jusqu'en 860 (paix de Coblentz) et apportent le pardon à tous les insurgés et la restitution de tous leurs biens excepté ceux qu'ils détenaient directement du roi Charles. Robert le Fort refuse ces conditions qui ne sont sans doute pas à son avantage, puisqu'il est depuis peu implanté dans la région. En juillet 861, suite au conseil de ses proches, une entrevue a lieu entre Charles le Chauve et Robert : la réconciliation est scellée et Robert le Fort recouvre l'ensemble de ses alleux et bénéfices.
Dès lors, le soutien de Robert à son souverain est sans faille. Il combat les Bretons de Salomon, inflige en 862 deux défaites à Louis le Bègue qui, allié aux Bretons, a envahi l'Anjou.
La bataille de Brissarthe (866)
Les circonstances de cette mort sont relatées dans les Annales de Saint-Bertin et la chronique de Réginon de Prüm. : revenu en territoire franc, le chef viking Hásteinn s'introduit de nouveau dans la vallée de la Loire en 866, après avoir écumé la Garonne et la Charente. Ils attaquent et pillent Le Mans. Robert le Fort rassemble ses troupes et, accompagné des comtes Geoffroy et Hervé du Maine ainsi que du comte Ramnulf de Poitiers, il se place sur l'itinéraire de repli des Vikings et les intercepte à Brissarthe.
Il se trouve là un gué qui permet de traverser la Sarthe. Sans doute, Robert et ses hommes assaillent-ils les Vikings alors que ceux-ci s'engagent dans la traversée de la rivière. Bousculés, ceux-ci se réfugient dans l'église fortifiée toute proche.
La journée s'achève ; il fait très chaud. Les hommes de Robert le Fort sont fatigués par la poursuite. Ils installent les tentes, organisent le blocus de l'église et, croyant les Vikings à leur merci, ils se délassent, ôtent casque et cuirasse.
Hásteinn tente alors le tout pour le tout. Il regroupe ses hommes et tente une sortie, par surprise. Les Francs se ruent au combat sans prendre le temps de se réarmer. Robert le Fort tombe mortellement blessé devant la porte de l'église et décède alors que les Vikings se retranchent de nouveau. Le comte Ramnulf est atteint d'une flèche au cou et meurt trois jours plus tard. Privés de leur chef, les Francs abandonnent la lutte.
Dans tout le monde carolingien et plus particulièrement pour les familles du Rhin et du Main, la mort de Robert a un profond retentissement. Sa vaillance est louée ; il est comparé à Judas Maccabée, héros de l'Ancien Testament. Il devient désormais Robert le Fort, du latin fortis, c'est-à-dire courageux.
Bibliographie
- Robert le Fort : sa famille et son origine, de Louis Rioult de Neuville. PUF, 2013.
- L'ascension du lignage Robertien : du Val de Loire à la France, Noizet Hélène, Annuaire-Bulletin de la société de l'histoire de France, 2006, p 19-53
- La France avant la France, 481 – 888, Geneviève Bührer-Thierry, Charles Mériaux, Belin
- Les premiers Robertiens et les premiers Anjou (IXe siècle – Xe siècle), Karl Ferdinand Werner, dans Pays de Loire et Aquitaine de Robert le Fort aux premiers Capétiens, Société des Antiquaires de L'Ouest, 1997
- Lot Ferdinand. La Loire, l'Aquitaine et la Seine de 862 à 866. Robert le Fort. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1915, tome 76. pp. 473-510.