Jeanne d’Arc, « passion française toujours vivace »
Dans son introduction, Philippe Contamine revient sur l’importance de l’histoire de Jeanne d’Arc, tant à son époque qu’après sa mort, et jusqu’à aujourd’hui. Une documentation et une historiographie considérable justifiant l’ouvrage, qui « correspond à une franche volonté d’information, méthodique, vérifiée et vérifiable » pour ainsi dépasser « les approximations, voire les élucubrations » qui accompagnent toujours le récit johannique, au grand dam des historiens médiévistes. Pour cela, les auteurs mettent à profit «, pour la fin du Moyen Âge, le profond renouvellement de l’historiographie, depuis une génération, sur l’histoire des femmes […], de la guerre et de la paix, de la diplomatie, des structures politiques et des cours, de l’opinion publique, du sentiment national […] ».
Le livre revient également sur « l’histoire posthume de Jeanne d’Arc » pour « montrer qu’elle n’a jamais été oubliée, y compris aux siècles classiques ».
Se qualifiant de « johannologues » et non de « johannolâtres », Philippe Contamine, Olivier Bouzy et Xavier Hélary insistent sur leur travail commun (même si chacun signe les articles qu’il écrit), et sur la vision identique de leur sujet, à quelques nuances près.
Itinéraire, histoire et postérité de Jeanne d’Arc
Avant d’aborder très en détails l’histoire de Jeanne d’Arc, Olivier Bouzy propose un très pratique « Essai d’itinéraire de Jeanne d’Arc », en fait une chronologie, suivie de quatre cartes.
Vient ensuite la partie « Histoire ». Les dix premiers chapitres sont consacrés à l’histoire proprement dite de la Pucelle, avec une mise en contexte (Chapitre I. Entre incertitude et angoisse : le royaume de France à la veille de la venue de Jeanne d’Arc, par O. Bouzy), puis toutes les étapes de son parcours, jusqu’aux procès et au bûcher (Chapitre X. Le deuxième procès : le bûcher (24 mai-30 mai 1431), par Philippe Contamine). Puis, du Chapitre XI au Chapitre XV, on suit la postérité de Jeanne d’Arc, partie que les auteurs intitulent « Jeanne d’Arc après Jeanne d’Arc ». Le dernier chapitre s’arrête avec le paragraphe « Jeanne d’Arc aujourd’hui », dans lequel Xavier Hélary insiste sur l’importance de la jeune femme pour les Français, malgré « le démantèlement d’un enseignement cohérent de l’histoire de France à l’école et l’effondrement de la culture historique ».
Dans la conclusion de cette partie (de plus de quatre cents soixante-dix pages tout de même), Philippe Contamine ouvre sur les chantiers historiographiques que permet l’histoire johannique : « le vécu des gens de guerre, l’idéologie de l’union des deux couronnes », l’histoire de la justice (les procès), la procédure de canonisation, ou encore des biographies sur, par exemple, Georges de La Trémoille. Demeurera cependant « le problème des voix […], insoluble ».
Un dictionnaire de Jeanne d’Arc, d’Abjuration à Yolande d’Aragon
La partie centrale de l’ouvrage est consacrée au dictionnaire. Le tableau méthodique permet de se retrouver dans les innombrables entrées proposées. On peut ainsi se rendre compte de la richesse des thèmes abordés, bien au-delà de la seule Jeanne d’Arc. C’est bien de toute une époque que traitent les trois historiens.
Seize thèmes sont choisis : trois sur Jeanne elle-même, avec « Portrait-caractéristiques-mission-vie » (avec, parmi les entrées : Abjuration, Bergère, Enquêtes, Martyre, Physique-portrait, Pucelle, Trahison,…), « Spiritualité » (Blasphème, Dieu, Hérésie, Psychiatrie, Voix-visions-révélations,…), « Equipement-habit-objets » (Armoiries, Cheval-équitation, Epées, Etendard,…). La « Famille et les compagnons de Jeanne d’Arc » ne sont pas oubliés. Les autres entrées contemporaines de Jeanne sont regroupées dans les thèmes : « Guerre et paix » (Armées, Bataille, Paix, Sentiment national français,…), « Partisans de Charles VII » (Alençon (Jean II, duc d’), Baudricourt (Robert de), La Hire, Louis XI, René d’Anjou, Yolande d’Aragon,…), « Anglais et Bourguignons » (Bedford (Jean, duc de), Henri VI, Talbot (John),…), « Juges, assesseurs et notaires du procès » (Alespée (Jean), Cauchon (Pierre),…), « Autres personnages » (Bretagne (Jean V, duc de), Calixte III, Nicolas V,…), « Groupes et institutions » (Armagnacs, Hussites, Ordres mendiants, Université de Paris,…), « Lieux » (Barrois, Chinon, Domremy, La Charité-sur-Loire (siège de), Orléans, Paris, Reims, Vaucouleurs,…), « Témoins et témoignages contemporains de Jeanne » (Basin (Thomas), Chronogrammes, Gerson (Jean), Pizan (Christine de),…). Quant à ce que l’on pourrait appeler « Jeanne après Jeanne », les thèmes seraient : « Historiens postérieurs » (Ayroles (Jean-Baptiste Joseph), Michelet (Jules), Quicherat (Jules),..), « Artistes, écrivains et littérateurs » (Anouilh (Jean), Barrès (Maurice), Montaigne (Michel de), Twain (Mark), Voltaire,…) et bien sûr « Postérité » (Avatars postérieurs, Canonisation, Féminisme, Nationalisme, Reliques,…).
Ce dictionnaire, même en la gardant toujours en vue, dépasse donc largement Jeanne d’Arc. Ce n’est pas le moindre de ses intérêts.
Sources, bibliographie, filmographie,…
Le copieux dictionnaire est suivi par un article très intéressant d’Olivier Bouzy et Philippe Contamine : « Observations sur les sources de l’histoire de Jeanne d’Arc écrites jusqu’à sa capture (23 mai 1430) ». On pourrait dire qu’il s’agit de leur contribution historiographique inédite, intégrée à tous les travaux (y compris les leurs) dont ils se sont servis dans les deux premières grandes parties. Les deux historiens insistent ici sur « l’importance et la variété des documents concernant Jeanne […] précocement produits et diffusés » de son vivant.
Evidemment, l’ouvrage comporte une imposante bibliographie classée, sources comprises. Chacun y puisera pour aller plus loin encore dans l’histoire de Jeanne, y trouvant son compte pour tous les angles et thèmes possibles.
La partie « Filmographie » (O. Bouzy) est également à saluer, et l’on est stupéfait du nombre de productions internationales –de qualité très variable- consacrées à la Pucelle. L’auteur ajoute un tableau où figurent, entre autres, chaque interprète de Jeanne, d’Ingrid Bergman et Jean Seber, à Milla Jovovich et Leelee Sobieski, en passant par Sandrine Bonnaire.
Enfin, l’inévitable index, indispensable pour se retrouver dans la richesse de cette somme de plus de mille deux cents pages !
L’avis d’Histoire pour tous : l’ouvrage définitif sur Jeanne d’Arc
Ce résumé de tout ce que propose Jeanne d’Arc. Histoire et dictionnaire ne lui rend pas totalement justice, tant il y aurait encore à dire.
Il est toutefois difficile de ne pas voir dans l’œuvre de Philippe Contamine, Olivier Bouzy et Xavier Hélary l’ouvrage définitif sur Jeanne d’Arc, son histoire, sa postérité, son époque et bien plus encore. Indispensable.
Les auteurs
- Philippe Contamine est professeur émérite à l’université Paris-Sorbonne (Paris IV), et ancien directeur du Centre Jeanne-d’Arc d’Orléans.
- Olivier Bouzy, docteur en histoire, est directeur adjoint du Centre Jeanne-d’Arc.
- Xavier Hélary, docteur en histoire, est maître de conférences à l’université Paris-Sorbonne (Paris IV).
- P. Contamine, O. Bouzy, X. Hélary, Jeanne d’Arc. Histoire et dictionnaire, Robert Laffont (coll. Bouquins), 2011, 1214 p.