La manufacture des Gobelins (Paris)

Patrimoine | France: Paris

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La « Manufacture Nationale des Gobelins » communément appelée Manufacture des Gobelins, est située dans un superbe bâtiment « haussmannien » avenue des Gobelins, dans le 13è arrondissement de Paris. Elle regroupe le « Mobilier National », la « Manufacture de Tapisserie des Gobelins », la « Manufacture de Beauvais » (ateliers situés à Paris et à Beauvais), la « Manufacture de la Savonnerie » (ateliers situés à Paris et à Lodève), les « Ateliers Nationaux de Dentelle du Puy et d’Alençon ».

 

Les Gobelins, de l’origine au XIXe siècle

Les Gobelins étaient une famille de Reims, qui avait établi au XVe siècle une entreprise de teinture à Paris. Jehan Gobelin s’installa vers 1440 dans le quartier Mouffetard, puis s’établit dans cette région vallonnée et verdoyante, où coulait la rivière : la Bièvre, entre la Butte-aux-Cailles et la montagne Sainte-Geneviève, non loin du faubourg St Marcel. Sa spécialité fut la teinture écarlate obtenue avec des cochenilles. On baptisa cet atelier : le moulin des Gobelins.

Henri IV y installa deux tapissiers flamands vers 1600 : Jean de La Planche et Marc de Comans. Louis XIII fonda la manufacture de la Savonnerie en 1627, installée sur la colline de Chaillot. Les artisans furent employés pour le tissage. Elle sera rapatriée en 1826 vers la manufacture principale des Gobelins, avec tous les métiers de basse lisse.

Louis XIV y donna une impulsion considérable. A l’origine d’un édit signé du roi, Colbert pensa à créer et fabriquer les meubles appropriés aux palais des rois : il fit appel à tous les meilleurs ouvriers du royaume et des nations étrangères dans divers domaines : peintres, lissiers, sculpteurs, orfèvres, graveurs, ébénistes. On comptait alors 250 lissiers. Fouquet, à l’origine de ce métier, inaugure à Maincy un atelier de lisse (pour son usage personnel) avec de la main d’œuvre flamande. Louis XIV reprendra à son service ces lissiers qui achèveront les tapisseries. Ces différents ateliers éparpillés dans Paris furent centralisés dans cette manufacture. Les teintures seront réalisées à base de colorants naturels : indigo, garance.

Le roi créa ainsi en 1667 la manufacture royale des Meubles de la Couronne. Cette manufacture fut régie par un système de lois, sous l’administration du superintendant des arts et bâtiments du roi, soumise à l’autorité du premier peintre du roi Charles Le Brun : les maîtres seraient responsables de toutes les actions et processus de fabrication, aucun travail ne serait importé de n’importe quel pays, il existerait une exemption des impôts pour les travailleurs et l’entretien des apprentis. Depuis cette époque, la manufacture des Gobelins reste la seule entreprise dirigée ainsi.

Pendant toute la superintendance de Colbert, les tapisseries furent créées avec un degré de perfection, rarement inférieur à ce que faisaient les Anglais. Quelques exemples : les batailles d’Alexandre, les 4 saisons, sont de vrais chefs-d’œuvre.

A partir de 1689, période de grande difficulté financière, la fabrication de ces précieux ameublements sera ralentie, les ouvriers congédiés s’enrôlent à la guerre. Jules Hardouin-Mansart remet en marche l’établissement et en confiera la direction à plusieurs contrôleurs, jusqu’en 1782. A la veille de la révolution, elle devient Manufacture Nationale.

Mais au milieu du XVIIIe siècle, la manufacture connaît de graves difficultés financières : le Trésor ne pouvant plus payer les commandes, la réorganisation de 1791 évitera la ruine de cet établissement. A cette époque, le nom de Gobelin était connu dans les cours de l’Europe entière, les travaux d’Haussmann transforment légèrement la façade.

C’est Napoléon qui relancera l’activité, la manufacture ne travaillera plus que pour l’Empereur, les productions orneront les maisons impériales. Depuis 1826, les Gobelins pratiquent exclusivement la haute lisse, ayant récupéré tous les métiers éparpillés dans les autres manufactures. Au XIXe siècle, une partie des bâtiments furent incendiés par la Commune en 1871.

Les Gobelins de nos jours

Au XXe siècle, une galerie est construite sur la façade de l’avenue des Gobelins pour servir de musée. En 1945, la manufacture est rapatriée sur Aubusson. En 1968, un bâtiment est créé à proximité des Gobelins : les nouvelles manufactures de Beauvais. Afin d’avoir une idée des bâtiments existants de cette époque, il faut passer par l’arrière du boulevard des Gobelins : rue Croulebarbe et rue Berbier du Mets.

Actuellement, l’Etat envisage la restauration des bâtiments de travail, des logements des lissiers et du musée. L’atelier dit « du Nord » présente de nos jours les métiers de haute lisse : ceux du XVIIe siècle conçus par le roi. La manufacture produit des tapisseries pour le « Mobilier National », ainsi que les « cadeaux diplomatiques ».

Aujourd’hui, 20 lissiers travaillent sur Paris et 20 sur Beauvais. Le rendement n’est pas élevé, les ouvriers conservant les techniques d’autrefois, travaillent toujours sur un métier de haute lisse et fabriquent 1m2 de tapisserie par an. En 2009, une exposition a eu lieu dans la Galerie des Gobelins titrée ALEXANDRE ET LOUIS XIV, TISSAGES DE GLOIRE : avec une centaine d’œuvres présentées. Ces tapisseries monumentales furent réalisées à la gloire du roi conquérant qui se voyait comme un nouvel Alexandre.

Les différentes techniques de tapisserie

Malheureusement actuellement, le terme gobelin est trop souvent employé pour toutes sortes de tapisseries, tapisserie de basse lisse, de haute lisse, tapisserie sur métier mécanique, tapisserie à point d’aiguille.

La haute lisse ou métier vertical : le tissu est recueilli en bas, les fils sont installés en haut. Le lissier travaille face à la lumière sur l’envers de l’ouvrage et contrôle l’endroit à l’aide d’un miroir.

La basse lisse est la spécialité de la manufacture de Beauvais depuis 1664, qui produit des tissus d’ameublement plus petits.

Le point noué est une technique de la Savonnerie. Pour tisser des tapis veloutés, avec insertion de fil de lin afin d’obtenir le maximum de solidité (forcément les tapis sont faits pour marcher dessus), le lissier tond les nœuds ou boucles apparents à la surface, puis démêle les fils avec la pointe du ciseau : ces opérations ont été inventées par les Français et ce n’est donc pas une pratique d’Orient importée.

La tapisserie au Petit Point dit aussi point de Saint Cyr correspond à nos tapisseries actuelles. C’était traditionnellement le passe-temps favori des Dames de la Grande et Petite Noblesse de l’ancien régime et de la bourgeoisie du XIXe siècle qui savaient exprimer avec des fils de laine et soie, et même des fils de métaux précieux comme l’or et l’argent et le dessin de leur canevas, toutes les nuances de leurs âmes. On nomme parfois aussi la broderie sur canevas : tapisserie à l’aiguille.

Les grands peintres ont été de tout temps attirés par la tapisserie au Petit Point. Au XVIIIe siècle : Jean Pillement fût aquarelliste, paysagiste, graveur, on peut admirer ses œuvres dans la plupart des musées des grandes villes – Jean Baptiste Oudry peintre, graveur, assura la direction de la manufacture de Beauvais et en même temps, l’inspection des Gobelins. Au XXe siècle, les deux plus célèbres furent Jean Lurçat peintre influencé par Cézanne, et Jean Picart le Doux créateur de « l’homme et la pensée ».

Les coussins, chaises, fauteuils : le siège est un de ces objets singuliers créé pour le plaisir et le confort de l’homme, de la femme, et quelquefois pour la seule beauté de la décoration du logis.

Le terme « fauteuil » fut utilisé pour la première fois en 1636 : pour désigner une chaise à bras, elle devient une commodité pour la conversation. Sobre de forme, elle devient très facilement déplaçable, l’assise est garnie de rembourrage, on la recouvre de tissus, tapisseries aux riches décors ou cuir repoussé. Ce fut le style LOUIS XIII.

Un peu plus tard, le style LOUIS XIV fait apparaître une nouveauté : le dossier plan, dénommé « dossier à la reine », décoration élaborée qui en fait un siège d’apparat réservé aux grands personnages et en fonction de la hiérarchie : les fauteuils aux princes, les chaises aux seigneurs les plus titrés, les tabourets aux courtisans, le coussin posé au sol pour les dames d’atours.

Enfin le style Régence marque la fin de l’étiquette rigide du prédécesseur, les formes s’assouplissent, les pieds se galbent, les accoudoirs se mettent en retrait pour faire place aux robes à paniers. Apparition du cannage : léger et résistant.

La tapisserie est, depuis Pénélope en passant par Madame la Marquise de Sévigné, le plus charmant des symboles : symbole de la fidélité et de l’ingéniosité, mais aussi de l’adresse et de l’esprit féminin. 

Bibliographie

Les Gobelins au siècle des Lumières: Un âge d'or de la manufacture royale, de Jean Vittet. Swan, 2014.

Pour aller plus loin

- le site de la Manufacture des Gobelins.

 

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