Des rois portant des surnoms
Les premiers écrits, racontant l'Histoire de France étaient des chroniques établies par Grégoire de Tours vers 560, sans chronologie précise, en quelque sorte des faits divers de l'époque. Pour essayer de dater ces faits, on utilisait le règne du roi en cours.
Le plus gros inconvénient est que plusieurs rois régnaient bien souvent sur plusieurs « morceaux » de royaume. Ils portaient déjà un numéro, mais ils ne se succédaient pas toujours dans l'ordre. Etablir une chronologie relevait de l'impossible. Les Carolingiens usèrent alors d'un subterfuge : attribuer et nommer les rois avec des surnoms, comme Pépin le Bref, Charles le Gros ou « Plantagenêt » dû au brin de genêt porté au chapeau. Ces surnoms étaient choisis en fonction du physique du personnage, des territoires leur ayant appartenus ou selon quelques autres critères. La liste des surnoms n'étant pas extensible, on repense à la numérotation avec quelques règles.
Les prémices des numéros
Charlemagne qui succède à Pépin, aspire à l'unification et l'indivisibilité du royaume avec pour objectif la transmission en globalité de son royaume à un successeur. La numérotation démarre lentement, mais la succession à un seul héritier ne se fera qu'après 980.
Les numéros apparaissent au XIe siècle, mais tout est désordonné jusqu'au XIIIe siècle lorsque Saint Louis commence à y remédier. Une liste des Rois de France apparait dans les Grandes Chroniques, au milieu du règne de Philippe Auguste ; Primat inaugure l'ère des « catalogues » des Rois de France ; Guillaume de Nangis et Bernard Gui font de même.
Pourtant ces listes ne sont pas toujours celles que nous connaissons de nos jours : de Nangis omet deux rois, alors que Bernard Gui les ajoutent. On trouve aussi des rois sans numéro au milieu de rois numérotés comme Louis III et Louis le Fainéant intercalés entre Louis II et Louis IV.
La numérotation actuelle
Charles V s'attribue son numéro de son vivant, figeant ainsi les précédents rois et les suivants, mais également les lois de succession. Ce numéro a été inscrit dans les textes devant lui, mais uniquement dans les titres des textes rapportant la naissance de son fils en 1368 ; puis lors de la naissance de sa fille et pour son décès en 1380. Pourtant il n'est pas encore d'usage d'intégrer le numéro dans le texte lui-même.
Charles V inaugure donc la numérotation des « Charles » ; le fils de Charles VII s'appelant Louis, il devient Louis XI lançant la numérotation des « Louis » de son vivant. Le corps des écrits comporte le numéro et l'usage veut aussi que l'on reporte ce numéro sur le tombeau.
Le roi numéroté doit en quelque sorte prouver son numéro. Il a deux moyens : apposer son sceau prouvant ainsi sa signature officielle. Le premier roi a pratiqué ainsi est Charles VIII, fils de Louis XI. Le second moyen est la production de pièces de monnaie. Le successeur de Charles VIII, Louis XII instaure les monnaies et le numéro, accompagné du profil du roi. Ces monnaies ne seront fabriquées qu'en petite quantité, pour l'usage de la famille royale. A partir de la Renaissance, le nom du roi, son numéro et son profil seront systématiquement sur la monnaie.
Ainsi naissait la numérotation des Rois de France, telle que nous la connaissons.
Pour aller plus loin
- Louis I, II, III... XIV L étonnante histoire de la numérotation des rois de France, de Michel-andre Levy. Editions Jourdan, 2014.
- De Clodion le Chevelu au Roi Soleil - Révisez l'histoire de France à partir des surnoms des rois. Armand Colin, 2020.