Charles Quint, roi d’Espagne et empereur germanique

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Charles Quint (1500-1558) est célèbre pour avoir été l’un des souverains les plus puissants d’Europe, régnant sur les Pays-Bas, l’Espagne et sur le Saint Empire romain germanique. Maître d’un immense empire sur lequel « le soleil ne se couchait jamais », l’histoire de Charles Quint ne ressemble à aucune autre. Non seulement il fut le premier monarque à disposer d’un empire colonial situé sur le nouveau continent amérindien, mais il fut également l’heureux bénéficiaire d’une cascade d’héritages qui le plaça à la tête d’un immense domaine en Europe. Durant tout son règne, Charles Quint dû lutter à la fois contre la France lors des guerres d'Italie, contre l'Empire ottoman qui envahit l'Europe de l'Est et contre le protestantisme qui émerge en Allemagne.

 

  

Les héritages de Charles Quint

Le futur Charles Quint est né en 1500 à Gand en Flandres, peu gâté par dame nature, mais avec une cuillère en or dans la bouche. Francophone, il baigne dans la tradition bourguignonne des riches états de son père le duc de Bourgogne Philippe le beau, dont il hérite en 1506 – Belgique, Artois, Luxembourg, sud de la Hollande, Franche-Comté. Ses grand-parents maternels ne sont autres qu’Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, les « rois catholiques », auréolés du prestige de la fin de la reconquête de l’Espagne sur les maures, qui règnent sur la méditerranée et président à la conquête du nouveau monde amorcée par Christophe Colomb en 1492.

Charles Quint en hérite définitivement en 1518, prenant le nom de Charles Ier d'Espagne. Ayant écarté au passage sa dépressive mère Jeanne la Folle, il rencontre aussi quelques résistances des hispaniques qui ne voient pas d’un bon œil l’arrivée d’un souverain bourguignon.

Cerise sur le gâteau, il devient, à la mort de son grand père l'empereur Maximilien Ier, archiduc d’Autriche, ce qui lui ouvre la voie de la succession à la couronne du saint empire romain germanique, couronne qu’il emporte de haute lutte en 1519 en achetant grassement les princes électeurs pour être élu empereur. Ses concurrents François Ier et Henri VIII avaient bien perçu le danger que représentait pour l’équilibre en Europe ce Charles trop bien né, et ils ne laisseront que peu de répis à Charles.

Empereur du Saint Empire romain germanique

Sans conteste le souverain le plus puissant de la chrétienté, Charles Quint domine alors un ensemble de territoires comprenant les royaumes espagnols d’Aragon et de Castille, les États italiens de Naples, de Sicile et de Sardaigne, les territoires conquis en Amérique et en Afrique, les Pays-Bas, la Flandre, l’Artois, l’Alsace, la Franche-Comté, ainsi que l’ensemble des possessions des Habsbourg. Face à cette nouvelle puissance habsbourgeoise, le souverain français craint pour ses terres encerclées.

En fait, l’unité d’un tel empire n’est que théorique, car Charles, dont l’éducation est de tradition française et catholique, demeure un étranger en Espagne, et plus encore en Allemagne. Cette difficulté à réunir sous un même nom de si vastes possessions est d’ailleurs vite comprise par François Ier qui cherche alors à exploiter la faiblesse de Charles Quint.

Charles Quint versus François Ier

Charles Quint, qui a épousé Isabelle de Portugal en 1526, règne sur le Nouveau Monde comme sur l’Ancien. Ses possessions et ses origines font de lui avant tout un monarque européen. On dit de lui qu’il parlait aux hommes en français, italien aux femmes, espagnol à Dieu et allemand à son cheval. Couronné Empereur en 1520 à Aix la Chapelle, songeant d’une part à Charlemagne et d’autre part à ses marins italiens et ses conquistadors espagnols à l’assaut des Amériques, il devait probablement rêver à un possible empire universel, dont la base serait le continent européen. Sa devise –Toujours plus loin- est à la mesure de son ambition. Une ambition qui va rapidement être freiné par les nombreuses épines qui vont venir se planter dans son songe.

Il y a pour commencer ce cactus planté au milieu de son domaine nommé François Ier à la tête du royaume de France, qu’il doit contourner en d’épuisants voyages par terre et par mer pour visiter son empire ou faire circuler ses armées. Entre le souverain français cerné de toutes parts et l’ambitieux Empereur s’engage une lutte à mort qui va durer quatre décennies. Malgré quelques victoires militaires –Pavie, 1525-, l’opiniâtre roi de France ne cède pas malgré la signature du traité de Madrid (1526), et les deux parties s’épuisent dans une série de guerres qui ne donneront aucun avantage durable à l’une ou l’autre. 

François Ier n'en démord pas et prend Charles Quint à revers en s’alliant au sultan Soliman le Magnifique, ce dernier menaçant dangereusement ses possessions habsbourgeoises en venant mettre le siège devant Vienne (1529). Charles se console en ajoutant à ses possessions la Bohème, le Milanais et la Hollande, mais échoue dans ses tentatives pour s’établir en Afrique du nord contre les Turcs. En 1529, une paix précaire (dite Paix des Dames) négociée par Louise de Savoie représentant le roi de France et Marguerite d'Autriche pour l'empereur est signée à Cambrai.

Menaces sur l'Empire

Lors de chacun des conflits contre la France, Charles Quint cherche à hâter la paix afin de se consacrer, en sus des guerres religieuses intestines, à la défense de l’Empire contre la menace ottomane. En effet, le sultan Soliman Ier, après avoir soumis la péninsule balkanique, avait déclaré la guerre à la Hongrie en 1526 et remporté la même année la bataille de Mohács. Trois ans plus tard, les Turcs assiègent Vienne. En 1535, l’amiral génois Andrea Doria, au service de Charles Quint, prend la tête d’une expédition en Afrique, met les Turcs en déroute à Tunis et libère environ 20 000 esclaves chrétiens. En 1538, la Sainte Ligue est constituée par le pape Paul III et la république de Venise. L’alliance ne dure pas et, en 1547, Ferdinand Ier, roi de Bohême et de Hongrie, frère de Charles Quint, doit signer un traité de paix avec les Turcs.

L’autre menace qui plane sur l’unité même de son empire est la réforme religieuse qui commence et progresse sous son règne. Depuis 1517 se propagent en Europe les idées de Martin Luther puis de Calvin qui visent à changer en profondeur les pratiques et dogmes de l’Eglise. La Réforme va trouver entre autres des échos auprès des princes allemands, bien trop heureux de trouver un moyen de résister à l’Empereur qui n’a de cesse de rogner les « libertés germaniques ». Ils s'unissent en 1529 dans la Ligue de Smalkalde. Détenteur du titre de Saint Empereur Romain, Charles Quint, fervent catholique, va lutter avec acharnement contre la Réforme.

Malgré une victoire militaire à  Mülhberg (1547) sur les princes luthériens rebelles soutenus opportunément par François Ier, Charles Quint est impuissant à circoncire la progression de la réforme en Allemagne, en Suisse et aux Pays-Bas. Et ce, d’autant plus que l’autorité papale est très affaiblie à cette époque, affaiblissement auquel il a lui-même contribué dans lors de ses incessantes luttes contre la France en Italie (sac de Rome en 1526 sous le pontificat de Clément VII).

En définitive, durant le règne de Charles Quint, seuls les Pays-Bas connaissent une période de croissance, due en grande partie à l’essor commercial des villes portuaires telles Amsterdam et Anvers. Une évolution politique s’ébauche aussi, avec la pragmatique sanction de 1549 qui reconnaît l’existence des Dix-Sept Provinces du pays comme un ensemble « indivisible et impartageable ». 

Durant son règne, Charles Quint dirige ses territoires sous le signe de l’humanisme, avec Érasme, André Vésale ou Bruegel l’Ancien. Seule tache sombre au développement du pays, une révolte, fomentée par le monarque français, qui éclate en 1539 à Gand et est suivie d’une dure répression.

Une fin de règne difficile pour Charles Quint

Peu à peu, Charles Quint voit son rêve d’Empire Universel Chrétien s’évaporer. Malgré les fabuleuses richesses que ses vaisseaux ramènent des Amériques, la France l’empêche d’unifier géographiquement son empire, dont les frontières sont menacées dans les Balkans par les turcs, et il assiste impuissant à la division religieuse qui s’installe durablement en Europe. En 1555, lassé et usé par les guerres incessantes qu’il doit mener sur tous les fronts, malade et gagné par l’amertume, Charles Quint annonce à l’Europe entière stupéfaite son intention d’abdiquer.

C’est un fait rarissime dont le dernier précédent remonte à l’Empereur romain Dioclétien. Lucide, il partage son immense empire entre son frère Ferdinand et son fils, le futur roi d'Espagne Philippe II. Ayant marqué de son empreinte le XVIe siècle, il se retire des affaires du monde dans le monastère de San Jerónimo de Yuste en Estrémadure. Il y meurt le 21 septembre 1558 de la malaria, emportant avec lui son rêve…

Pour la petite histoire, l'empereur Charles Quint a failli être marié dans sa jeunesse à Renée de France, fille de louis XII et d’Anne de Bretagne. On se prend à rêver du destin de l’Europe si, au hasard d’un autre heureux héritage, Charles Quint avait ajouté, grâce à cette union, la France à sa collection de couronnes...

Bibliographie

- Le rêve brisé de Charles Quint, de Guillaume Frantzwa. Perrin, 2022.

- Charles Quint : un rêve impérial pour l'Europe, de Juan Carlos d' Amico et Alexandra Danet. Perrin, 2022.

Charles Quint, de Pierre Chaunu. Texto Biographie, 2020.

 

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