Quelle croissance démographique ?
C’est tout d’abord la manière de mesurer la croissance démographique qui pose question. Celle-ci s’opère essentiellement en utilisant des sources indirectes, hormis pour l’exception anglaise et son Domesday Book (recensement en forme de grand inventaire terminé en 1086 et réalisé pour Guillaume le Conquérant) néanmoins difficile à exploiter. Pour le démographe Josuah Russel, on peut compter en moyenne 3,6 personnes par famille en Angleterre au moyen âge. Ces chiffres demeurent bien inférieurs à ceux trouvés sur le continent carolingien à la même époque et qui sont de l’ordre de 5 ou de 6. Ces chiffres sont obtenus en reconstituant les généalogies si elles existent ou en étudiant les listes de témoins au bas des actes. Les défrichements et villages nouveaux qui sont fondés pendant la période permettent encore d’étayer ces estimations (bien qu’un seigneur puisse tout à fait organiser des défrichements pour accroître ses revenus sans qu’y soit lié un véritable accroissement de population).
La croissance de la population européenne connaît en outre un soudain changement de rythme au tournant du millénaire.
950 |
1000 |
1050 |
1100 |
1150 |
1200 |
Fin XIIIème |
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Russell |
22,6 |
54.4 |
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Benet |
42 |
46 |
48 |
50 |
61 |
Estimation de la population européenne selon Russell et Benet en millions d’habitants
La tendance est du début du millénaire est ainsi à une forte augmentation, et notamment au nord. La natalité ne semble cependant pas avoir augmenté, le nombre moyen d’enfant par famille demeurant quasiment identique. On estime qu’il y a 5 enfants par ménage fécond et 30% de célibataires ou de ménages sans enfants. Le taux d’accroissement naturel oscille ainsi entre 0.3 et 0.6% en moyenne par an.
Espérance de vie au moyen âge
Disettes et famines persistent mais sont moins nombreuses. La mortalité infantile reste néanmoins assez forte, les proportions d’enfants mourant avant 20 ans demeurent les mêmes au XIIIème dans la famille royale capétienne que dans la famille royale carolingienne au IXème. Dans cette dernière, 45% des enfants mourraient avant 20 ans. Blanche de Castille (XIIIème siècle) a ainsi perdu 7 enfants sur les 12 qu’elle a eues. On peut supposer que la proportion était encore plus forte dans les autres milieux. Les études faites à partir de cimetières hongrois montrent que la mortalité infantile était restée stable entre le Xème et le XIVème. 40 à 46% des squelettes étaient des squelettes d’enfants de moins de 14 ans.
Cet accroissement de la population au moyen âge tient donc essentiellement à l’effet cumulatif de la croissance. L’apogée de la croissance démographique est atteint entre 1290 et 1347 à la veille de la grande peste. On est alors dans ce qu’on appelle un « monde plein ». L’Occident ne semble pas pouvoir nourrir plus de monde eu égard aux conditions techniques de l’époque. C’est un monde saturé.
Une population jeune et dynamique
Au moyen âge, La population est assez jeune, la moitié des européens ayant moins de 20 ans. Ces jeunes gens entrent ainsi très vite dans l’âge adulte. La majorité légale se situe elle entre 12 et 15 ans. Le mariage au Moyen Age est précoce hormis dans les milieux aristocratiques lorsque où est retardé l’âge de mariage des frères cadets. Chez les paysans toutefois, on se mie avant 20 ans. On travaille jeune, parfois dès 5-6 ans chez les enfants.
Les prémisses d’une immigration urbaine au moyen âge
C’est dans l’aire de recrutement des villes à vocation marchande que cette croissance est la plus forte celles qui connaissent la croissance la plus forte. Celles-ci n’excèdent généralement pas 30 à 40 km (exemple de la ville d’Arras).
Mais il y a aussi des déplacements plus lointains. Au Moyen Âge, Certaines régions comme la Bretagne demeureront des zones d’émigration jusqu’au XIXème siècle. Des Français sont présents en Espagne. Flamands et Hollandais vont vers le nord de l’Allemagne tandis que des Allemands migrent vers l’est européen L’étude de ces flux migratoires plaide pour une progression des populations vers des régions plus à l’est et faiblement peuplées. Ces déplacements qui ne représentent pas des masses considérables de populations contribuent cependant à la relative mobilité de la population européenne.
Bibliographie
- Josiah C. Russell, "Population in Europe", in Carlo M. Cipolla, ed., The Fontana Economic History of Europe, Vol. I: The Middle Ages, (Glasgow : Collins/Fontana, 1972)
- C. Warren Hollister & Judith Bennett, Medieval Europe: A Short History, McGraw-Hill Humanities, 2005
- Population et démographie au Moyen Âge de Olivier Guyotjeannin. 1995.