Quelle était la place et la vie des femmes au Moyen Age dans la société médiévale ? Celle-ci se déclinait suivant la diversité des âges et des positions sociales, suivant la place occupée dans la famille, au sein du couple par rapport à la sexualité, et au rôle primordial de la maternité. Le simple mystère de l'enfantement inspire d'ailleurs la crainte des hommes et justifie à lui seul l'idée que la femme est un être démoniaque, capable de charmer et d'envoûter. De la petite-fille à la grand-mère, de la paysanne à la moniale en passant par la gente dame, c'est pourtant tout un univers méconnu que l'on redécouvre depuis peu.
La jeune femme au Moyen Age
Au Moyen Âge, la vie d'une jeune femme se divise en trois périodes: l'enfance qui dure jusqu'à l'âge de sept ans, la jeunesse jusqu’à quatorze ans, et la vie de femme de quatorze à vingt-huit ans, au-delà desquels la femme entre dans la vieillesse, alors que l'homme n'est considéré vieux qu'à cinquante ans. La majorité est fixée par la loi canonique à douze ans pour les filles, quatorze pour les garçons. Passé le péril de la petite enfance la fillette est de toute façon considérée par les clercs comme un être imparfait, un petit animal privé de raison. Cependant on concède aux petites filles cette part de pureté et d'innocence qu'il faudra préserver au prix d'un dressage sévère.
A sa naissance, l'enfant bien né est confié à une nourrice tandis que les pauvres élèvent elles-mêmes leur nouveau-né. Celui-ci est baigné puis enveloppé dans un linge de lin pour les riches, de chanvre pour les autres. Sur cette pièce est disposé un lange croisé sur le devant. Des bandes de lin ou de chanvre emmaillotent l'enfant pour le tenir droit, un petit bonnet le coiffe l'hiver : le béguinet. Lorsque la petite marche, elle portera une chemise comme les garçons, une longue robe fendue rouge, verte ou rayée. Les pauvres la tailleront dans de vieux vêtements. Vers deux ou trois ans l'enfant est sevré. C'est une étape cruciale car un enfant sur trois meurt avant d'atteindre l'âge de cinq ans. Souvent poussé par la pauvreté on abandonne l'enfant, surtout si c'est une fille.
A sept ans, filles et garçons suivent des voies différentes. Dans les familles riches, les filles apprennent à filer la quenouille, à broder ou tisser des rubans. C’est l'âge ou elle peut être offerte à un monastère ou fiancée. Dans les campagnes, la fillette reste auprès de sa mère pour vaquer au soin du ménage et des travaux des champs, du tissage, de la garde des animaux. Elles grandissent au sein de fratries ou les aînés jouent un rôle important. Au XIIe siècle le dominicain Vincent de Beauvais recommande d'éduquer les filles dans l'amour de la chasteté et de l'humilité. C'est pourquoi les mères veillent à ce que les filles soient modestes, travailleuses et soumises.
Quant aux filles nobles, elles sont souvent confiées depuis le haut Moyen Âge à des moniales qui leur enseignent la lecture, l'écriture et les travaux d'aiguille. Le légiste Pierre Dubois va jusqu'à proposer qu'elles apprennent le latin, les sciences et un peu de médecine au moyen age. Elles sont de fait plus instruites que les garçons que l'on occupe à se former à la guerre. La vocation de la femme médiévale est orientée vers un unique but : le mariage et la maternité.
Les métiers des femmes au Moyen Age
Même mariées, les femmes exercèrent de nombreux métiers au moyen-âge: en ville elles peuvent travailler dans le commerce, le secteur du textile et de l'alimentation (boulangerie, fabrication de la bière et industrie laitière) ou bien en tant que lingères, bonnetières, couturières, blanchisseuses, servantes. Les salaires féminins sont très inférieurs à celui des hommes.
A la campagne, elles participent aux travaux des champs, soins et garde des animaux, tenue de la maison, tissage et filage du lin, cuisson du pain, préparation des repas et entretien du feu. Et bien sur, elles s'occupent des enfants.Si la paysanne doit savoir tenir sa maison ; la bourgeoise et l'aristocrate doivent apprendre à diriger les domestiques, acquérir des notions de chant et de danse, se bien tenir en société mais aussi coudre, filer, tisser, broder, ainsi que gérer ses domaines surtout en l'absence de l'époux.
L'église regarde les femmes instruites d'un mauvais œil, elle insiste surtout sur l'éducation religieuse pour toutes. La jeune fille devenue pubère fait peur : elle est étroitement surveillée par ses parents. La beauté féminine tantôt redoutée tantôt désirée, est un objet de fantasme pour les hommes. Pour les clercs, elle est associée au diable, à la tentation, au péché, mais elle est célébrée par les chantres de l'amour courtois, elle inspire chevaliers et troubadours.
Les canons de la beauté
Au XIIe siècle la femme idéale du Moyen Âge doit être élancée, avoir la taille mince des cheveux blonds ondulés un teint de lys et de rose, une bouche petite et vermeille, des dents blanches et régulières, de longs yeux noirs, un front haut et dégagé, le nez droit et fin. Pieds et mains sont fins et racés, les hanches étroites, les jambes fines mais galbées, les seins petits, fermes et haut placés, la peau très blanche. Ces critères de beauté ne changeront pas chez les auteurs du XIIe au XV siècle. Le goût pour un large front s'accentuera à la fin du Moyen Âge, si bien que la femme tirera à l'excès ses cheveux à l'arrière et aura recours à l'épilation. Elle emploiera des artifices pour souscrire à l'idéal masculin.
Les sorcières
Pendant des siècles, la femme incarna le maléfice. Les procès de sorcières, véritable cri de haine contre les femmes, sont l'aboutissement de longs siècles de misogynie cléricale. Fille d'Eve, la femme est responsable de l'expulsion du jardin d'Eden en connivence avec le serpent, et elle ne peut s'empêcher de jeter des sorts. Castratrice, elle peut faire croire que le membre viril a été enlevé du corps de l'homme par le nouement de l'aiguillette ! Accusées de magie noire, de sorcellerie et d'envoûtements, les femmes « hérétiques» brûlèrent par milliers sur les bûchers de l'inquisition. En 1275 fut brûlée la première sorcière condamnée par un tribunal ecclésiastique.
Beaucoup de maladies nerveuses étaient assimilées jusqu'au XVe siècle à des possessions qui suscitaient terreur et aversions. On pensait qu'il s'agissait de créatures du démon. En 1330, le pape Jean XXII donnera une nouvelle impulsion aux procès de sorcellerie. Deux dominicains Allemands Heinrich Institutori et Jacob Sprenger écrivirent en 1487 un traité qui devait rester pendant deux siècles la base de la procédure contre la sorcellerie : « le marteau des sorcières », à la suite duquel la chasse aux sorcières prit une ampleur considérable au XVIe siècle et au XVIIe. Il fallut attendre le XVIIIe siècle pour que cessent ces procès monstrueux, sous l'influence de la pensée rationaliste et des intellectuels du siècle des lumières.
Le mariage au Moyen Âge
Le mariage au Moyen Age est arrangé par les parents dans toutes les classes sociales. Chez les nobles, il est un moyen de renforcer ou de créer des alliances entre les pays, d'agrandir terres et richesses. Les femmes font l'objet de négociations qui interviennent parfois très tôt à l'insu des intéressées. Lorsque la femme ne peut donner d'héritiers mâles à son époux, elle s'expose à la répudiation non réprouvée par l'église En Flandre au XV siècle, l'âge du mariage se situe entre treize et seize ans pour la femme et vingt et trente ans pour l'homme. Cet écart entre les deux sexes a deux conséquences: une durée d'union souvent courte, et des remariages fréquents. Dans les autres milieux sociaux, c'est le père qui impose un parti, objet là aussi de tractations entre les familles respectives.
L'épousée apporte une dot qui provient de ses parents (selon la tradition romaine) et qui se présente sous diverses formes: biens, terres, animaux… L'époux constitue une dot à sa femme. A l'époque mérovingienne s'ajoute le don du matin, le lendemain des noces. Dot du mari et don du matin constituent le dotalicium, le douaire qui sera un gain de survie pour la veuve. A la campagne, les familles doivent économiser ou s'endetter pour payer le repas de noces, la confection du trousseau et la dot. Le mariage est autant un acte social que privé, c'est pourquoi parentes, amies, voisines accompagnent la jeune épousée à la préparation de la nuit de noces et lui donnent une leçon d'éducation sexuelle. La voilà prête à remplir son devoir d'épouse et de mère !
Charte de la femme mariée et violences conjugales
L'auteur du « Ménagier de Paris » indique comment doit se comporter une bonne épouse : après ses prières du matin, habillée convenablement en tenant compte de sa position sociale, elle sortira accompagnée de femmes honnêtes et marchera les yeux baissés sans regarder à gauche ni à droite (beaucoup de représentations de cette époque la montrent en effet les yeux baissés pudiquement).
Elle placera son époux au-dessus de tous les hommes, avec le devoir de l'aimer, de le servir, de lui obéir, se gardant de le contredire en toutes choses. Elle se montrera douce, aimable, débonnaire et devant les colères de celui-ci restera calme et modérée . Si elle constate une infidélité, elle confiera son malheur à dieu uniquement. Elle veillera à ce qu'il ne manque de rien, faisant montre d'une humeur égale.
Battre sa femme était courant au Moyen Âge et parfois conseillé. Au XIII siècle, les coutumes de Beauvesis autorise le mari à corriger son épouse surtout en cas de désobéissance. Brutalité, dépravations étaient données en exemple par la plupart des rois mérovingiens. Il était facile d'accuser sa femme d'adultère et de l'enfermer, voire de la tuer pour pouvoir se remarier, car les sources législatives confirmaient la suprématie de l'homme dans le foyer, ce dont il abusait impunément. Cette brutalité se retrouvait dans tous les milieux sociaux. Il y eut cependant des cas de mariages heureux mais il était malséant d'en faire état, on ne devait pas en parler. Dans l’aristocratie, l’amour courtois avec ses règles et ses coutumes permirent aux jeunes gens de s'ouvrir aux émois du monde amoureux sans en dépasser les limites.
L'église et la sexualité
Au Moyen Âge, L'église n'admet la sexualité que si elle a pour but la procréation. Déjà les stoïciens dans l'antiquité s'opposaient aux plaisirs de la chair. Pendant ses règles, l'épouse est déclarée impure et doit éviter tout rapport, de même pendant la grossesse. L'église en profite également pour interdire toute relation sexuelle entre les époux pendant les fêtes du calendrier liturgique: Carême, Noël, Pâques, jours des saints, avant la communion, le dimanche jour du seigneur, les mercredis et vendredis jours de deuils. C'est pour contenir l'amour excessif que les clercs en limitèrent l'expression ! En cas de non respect de ces règles le terme d'adultère pouvait s'appliquer entre époux !
Grossesse, accouchement, contraception, hygiene intime
Si la vocation de la femme mariée est d'enfanter, la femme stérile étant mal vue, la grossesse et l'accouchement représentaient un grand danger pour la jeune mère qui risquait sa vie, de même que celle de son enfant. Par manque de moyens, de connaissances médicales et surtout par manque d'hygiène feminine au moyen age, beaucoup de femmes mouraient en couches ou de ses suites (fièvre puerpérale).
La moindre complication, l'enfant qui se présentait en siège, la présence de jumeaux, un accouchement long et difficile pouvaient être fatals pour la mère, aussi la joie de remplir leur rôle était-elle doublée d'angoisse pour les femmes. Cette mortalité atteignait un pic entre vingt et trente ans. Quand une femme mourait en couches, la matrone devait se hâter de pratiquer une césarienne pour extraire le nouveau-né et lui donner l'ondoiement autorisé par l'église, car ce baptême empêchait son âme d'errer dans les limbes. L'accouchement était le monopole des sages-femmes dont le savoir empirique se transmettait de générations en générations Après l'accouchement, la mère déclarée impure ne peut entrer à l'église pendant quarante jours au terme desquels le prêtre pratiquera la cérémonie des relevailles. L'amour maternel guide la jeune mère conseillée par les femmes de sa famille. Avoir un garçon était plus valorisant que d'avoir une fille. Au cas où ses parents lui feraient défaut, l'enfant est placé sous la protection de parrains et marraines parfois nombreux pour assurer sa survie.
Pour éviter les grossesses à répétitions, les femmes utilisaient des méthodes abortives à base de plantes, décoctions, amulettes et potions, se provoquaient des chocs tout cela proscrit par l'église ! En désespoir de cause il leur restait la solution de l'abandon ou pire de l'infanticide. Afin de lutter contre ces abandons l'église accepte, en l'an 600, que les mères les plus démunies déposent leurs enfants sur les parvis afin que le prêtre puisse les proposer à l'adoption par quelques fidèles.
Viol et prostitution au Moyen Age
Menace permanente sur les jeunes filles et les femmes mariées, le viol au Moyen Âge était pratiqué en temps de paix comme en temps de guerre. Ce crime rarement puni faisait peser sur la femme la honte du déshonneur et la grossesse redoutée. Les seigneurs se donnaient le droit de cuissage sur leur terres qui consistait à passer la nuit de noces avec la jeune mariée sans son consentement encore moins celui de l'époux ! Seul était puni de mort le viol commis sur une femme de la haute société. L'infortunée qui tombait enceinte à la suite d'un viol était très mal vue, on considérait qu'elle était responsable. Le viol en temps de guerre était hélas banal et courant, aucun être féminin n'était épargné. Pillages, incendies, viols, meurtres, brutalité, destructions, tout était permis aux conquérants. Il régnait une insécurité permanente en ces sombres périodes de l'histoire, et la femme en payait le lourd tribut.
Au Moyen Âge, l'Eglise et les autorités laïques avaient une position ambigüe sur le problème de la prostitution. Elles la condamnaient, et en même temps la considéraient comme un mal nécessaire. Les femmes qui se prostituaient étaient pour la plupart des femmes déshonorées par le viol, des servantes engrossées par leur maître ou des ouvrières réduites à la misère. L'essor des villes à partir du XIIe siècle provoquera l'apparition des bordels, afin que regroupées elles ne traînent plus dans les rues affichant un exemple déplorable aux passantes.
Au XIVe et XVe siècle les épidémies et les guerres précipitent les femmes dans la misère les incitant à se prostituer pour survivre. Las, dans le contexte du Moyen Âge, une fille ne pouvait être que pure ou publique de sorte que la fille violée malgré son innocence et son ignorance des choses de la vie se trouvait reléguée parmi les filles communes, il lui était impossible de se réinsérer dans la société. Des femmes entraient comme chambrières dans les étuves et finissaient au bordel.
Les plus riches tentaient de s'habiller comme les bourgeoises malgré la législation leur imposant une tenue spéciale. L'écrivain Christine de Pisan qui prit fait et cause pour la condition féminine s'élève contre une attitude dévalorisante pour les femmes. L'église finit par mettre en place des fondations destinées aux pècheresses repenties leur redonnant une chance de sortir du cercle vicieux, de prendre le voile ou de se marier.
Qu'elles soient des filles perdues, des recluses enfermées à vie ou des nobles dames, des paysannes des ouvrières, des moniales ou des sorcières, la vie des femmes médiévales comporte de multiples facettes dont il convient de poursuivre l'investigation. N'oublions pas bien sûr, le rôle très important que jouent toutes les femmes instruites et lettrées qui laissèrent, grâce à leurs nombreux écrits, poèmes, psautiers et traités divers, une trace dans l'histoire. Ces manuscrits, complétés par les registres des procès d'inquisition nous permettent d'approcher le quotidien des femmes durant cette longue période du moyen-âge.
Vie religieuse des femmes au Moyen Age
Le premier monastère voit le jour en 513 en Gaule. Au VI siècle dans le royaume mérovingien se multiplient les communautés souvent fondées par les femmes : la reine Radegonde fonde Ste croix, la reine Bathilde créé une abbaye en 656, d'autres voient le jour en Normandie. L'époque carolingienne est marquée par de nombreuses créations grâce aux donations des familles royales. Après l'épisode violent des raids vikings, de nouvelles abbayes apparaissent autour de l'an mil puis des communautés bénédictines affiliées à l'ordre de Cluny. Les monastères féminins recrutent des filles de haut lignage car il faut une dot pour entrer au couvent.
Dans cette époque marquée par la foi, certaines avaient une réelle vocation d'autres voyaient là une occasion d'échapper au mariage, de s'assurer une vie sûre et confortable, d'accéder à la culture. Les abbayes pouvaient recevoir des veuves et des dames nobles avec leurs familles en l'absence de leur époux. Les candidates au voile devaient se dépouiller de tout bien et suivre les règles strictes de St Benoit. Après la messe de midi, cent coups sont frappés à la cymbale afin que les sœurs se préparent au repas, d'où l'expression ''être aux cent coups''.
L’abbesse qui dirige le monastère est souvent imposée par les familles princières et être âgée de plus de trente ans. Elle règne sur un personnel d'auxiliaires appelées officières, prieures, portières, cellières et moniales. Les professes dominent les novices, les sœurs converses, les oblates et les servantes. Cette hiérarchie assure la bonne marche de la communauté. Quelques hommes y sont admis, les valets chargés des travaux agricoles; le prêtre officiant à la messe. C'est dans les monastères également qu'a lieu l'instruction des filles et des garçons à partir de sept ans. Ces écoles monastiques enseignent la lecture, l’écriture, le psautier parfois la peinture.
Les abbayes vivent en autarcie. Au XIe siècle se développent des monastères doubles : d’un côté les moines de l'autre les moniales séparés par des clôtures et des grilles mais l'église voit cette mixité d'un mauvais œil et ceux-ci seront l'objet d'interdits conciliaires et civils (à cet égard est relatée l'histoire de nombreux bébés emmurés issus de cette cohabitation). Certaines femmes, pour expier leurs fautes et se consacrer à dieu pratiquaient la réclusion qui consistait à vivre dans une étroite cellule de pierre « le reclusoir » dont la porte était scellée ne laissant qu'une petite ouverture pour recevoir leur nourriture. Ce choix était précédé d'une cérémonie de renonciation définitive à la vie publique.
Ces cellules étaient construites près d'une église ou d'un cimetière (cimetière des innocents), ou près d'un pont ou venaient les consulter les passants qui leur demandaient de prier pour eux. L'âge d'or du reclusage s'étend du XIe au XIVe siècle. Au XIIe siècle, les moniales appartiennent à l'ordre bénédictin ou de Cîteaux puis apparaissent les dominicaines et les clarisses. Tous les monastères sont tenus d'accueillir voyageurs et pèlerins. La religion imprègne la vie culturelle et joue un rôle fondamental dans la vie des femmes médiévales qu'elles soient nonnes ou laïques.
Les distractions
Très accaparées par leur travail, les femmes de la campagne trouvent néanmoins des occasions de converser à la fontaine ou au moulin. Aux veillées elles se retrouvent dans les ''écraignes'', petite pièce en arrondi avec leurs quenouilles pour y bavarder ensemble. D'autres veillent en famille au coin du feu. Les «évangiles des quenouilles» mettent en scène de vieilles femmes qui abordent tous les sujets lors de soirées entre Noël et la Chandeleur faisant état de nombreuses croyances populaires répandues en Flandre et en Picardie à la fin du XVe siècle.
Les fêtes ont un caractère religieux et profane et sont l'objet de distractions. En mai, les gars du village ont le droit ''d'esmayer'' les jeunes filles. Ils se rassemblent en leur compagnie et, avec leur assentiment, le premier dimanche de mai au lever du jour, déposent des branches d'arbres devant la porte de leur élue. Cette charmante coutume est évoquée dans des documents littéraires et artistiques. Des fêtes familiales réunissent des personnes des deux sexes aristocrates ou paysannes ou les femmes tiennent une place de premier plan.
Au cours des fêtes agraires des reines sont parfois élues. Les danses champêtres appelées caroles réunissent les hommes et les femmes dans des rondes et des cortèges autour des arbres et des fontaines au rythme des chansons d'amour. D'autres danses, telles que la tresque ou farandole, la trippe qui ressemble à une gigue, le vireli ou danse tournante, le coursault sorte de galop, le baler du talon étaient pratiquées. Ces danses suscitaient les foudres des moralistes : les contacts des mains et des pieds et les rapprochements pendant la danse incitaient au péché ! Ces condamnations restèrent heureusement sans effet !
Les seigneurs et souverains organisent des banquets somptueux suivis de danses élaborées très prisées où les dames sont parées de leurs plus beaux atours. Le temps fort du festin médiéval se situe au moment des entremets, lors des divertissements ou chanteurs, jongleurs, conteurs et ménestrels peuvent faire montre de leurs talents. En 1454 dames et seigneurs se pressent à la fête du faisan. Des jeux de société sont au goût du jour : les échecs, les jonchets (sorte de mikado), les jeux de cartes à partir du XVe siècle. Le jeu de paume, ancêtre du tennis restera longtemps très prisé par les seigneurs. Certaines dames s'adonnent à la chasse au faucon ou à l'épervier.
Le voyage a pour but de régler des affaires mais peut être une façon de se distraire. Les joutes et tournois sont une occasion pour les seigneurs de se mesurer et constituent un spectacle pour les gentes dames. Ils sont régis par les règles strictes de la chevalerie et les dames y sont à l’honneur.
Dans les rues les montreurs d'animaux, acrobates, jongleurs, bateleurs musiciens et conteurs attirent les badauds. Les processions, les entrées princières, éblouissent le peuple dans les rues nettoyées pour la circonstance et décorées de fleurs et de draps tendus sur les façades. De petits spectacles appelés histoires ou mystères ont lieu près des églises ou carrefours. Le théâtre constitue un des attraits de la ville, les femmes s'y rendent accompagnées d'une bruyante marmaille. Musique du moyen-age, chants, lecture à haute voix sont appréciés par les nobles, les jeunes filles reçoivent une instruction musicale.
Le veuvage et la vieillesse
Conséquences des épidémies et des guerres, beaucoup de femmes mariées très jeunes se retrouvaient veuves avec des enfants en bas âge dans de difficiles conditions financières ce qui les poussait à se remarier. Les aristocrates n'avaient guère le choix, car il leur fallait un appui pour défendre leurs domaines, et d'autre part elles subissaient les pressions de leurs famille qui voulaient les utiliser pour conclure d'autres alliances. Lorsque les enfants étaient adultes leur mère pouvait demeurer chez eux, ses biens restant incorporés au patrimoine familial. Au cas où elle souhaitait se remarier ou entrer au couvent elle pouvait reprendre leur dot ou leur douaire, mais ses héritiers préféraient lui verser une rente.
Ces situations engendraient souvent des conflits d'intérêts et d'interminables procès dans les familles. Une jeune veuve non remariée était regardée avec méfiance, des soupçons d'avarice ou de luxure pesaient sur elle. En ville cependant, elle pouvait continuer à diriger son atelier ou son négoce, fonder une petite entreprise. Dans son livre «Les trois vertus» Christine de Pisan elle-même veuve très jeune, conseille aux femmes d'ignorer les médisances, de se monter sages, de prier pour le salut de leur défunt mari et incite les jeunes veuves à se remarier pour fuir la misère et la prostitution.
Les femmes de l’époque connaissent plusieurs vies matrimoniales et ont des enfants issus de pères différents. Les veuves riches attiraient les convoitises, elles étaient souvent enlevées et remariées contre leur gré. A la fin du moyen-âge, l'emprise de la famille était tellement forte que les femmes n'avaient pas le choix; les parents se chargeaient de conclure leurs unions successives. Comment devait se comporter une veuve qui parvenait à le rester ? Elle devait porter des vêtements noirs, simples, se conduire avec dignité et se rendre fréquemment à l'église pour assister aux offices.
La femme âgée est plutôt dénigrée, à soixante ans elle symbolise la laideur et est associée à la sorcière, l'art religieux lui attribue un rôle maléfique. L'âge de la mortalité se situait entre trente et quarante ans pour la femme, quarante à cinquante ans pour un homme en moyenne. Grégoire de Tours cite des cas de femmes d’âge avancé pour l'époque: la reine Ingegeberge épouse de Caribert, la religieuse Ingitrude... Certaines Abbesses atteignirent soixante- dix ans, quatre-vingt dans les campagnes ou dans l'aristocratie.
La femme noble et la femme de lettres
Deux catégories de femmes interviennent dans la vie culturelle du moyen-âge: les laïques de noble naissance et les moniales. Cultivées, elles protègent les écrivains et les artistes, composent des ouvrages savants, étudient les langues et la poésie. A la cour du roi Clotaire, Radeguonde reçut une grande culture littéraire, Fortunat parle de ses lectures issues de la littérature chrétienne. Selon Eginhard, Charlemagne désire pour ses filles la même instruction que ses fils pour les arts libéraux. Dhuodat en 841 compose un ouvrage destiné à son fils Guillaume et apprécie la poésie.
En l'an mil la cour Ottonienne comporte nombre de femmes cultivées, Adélaïde femme d'Otton Ier, Gerberge nièce de cet empereur qui parle le grec et s'initie aux auteurs classiques. Au XIIe siècle Héloïse connaît des citations philosophiques et sacrées, elle parle le latin et selon Abélard a étudié le grec et l'hébreu. Adèle de Blois en 1109 est citée dans l'ouvrage d'Hugues de Fleury «l'histoire universelle». L'amour des lettres et des arts se retrouve chez les dames du XIV et XVe siècle.
Aliénor d'Aquitaine règne sur les troubadours vers 1150. Elle protège la poésie courtoise, rend des jugements dans le traité de «l'amour courtois» d'André le Chapelain. Dans son entourage gravitent les écrivains sous l'influence du poète latin Ovide. Sa fille Marie de Champagne écrira de nombreux ouvrages et protègera également les lettres. Au XIIe et XIIIe siècle la littérature féminine est représentée par de nombreux écrivains abordant des thèmes religieux ou profanes.
Hildegarde de Bingen appelée la prophétesse du Rhin née à la fin du XIe siècle dans une famille noble du Rhénan, est offerte au Seigneur à huit ans, fait profession à quinze puis est élue Abbesse vers quarante ans. Elle est l'auteur de trois ouvrages «Connais les voies», «Le livre des mérites de la vie»et le «Livre des œuvres divines», issus de ses visions. Elle voyagera beaucoup, correspondra avec les grands de la terre, empereurs, évêques, seigneurs et nobles dames. Elle compose également le«livre de la simple médecine» illustré d'herbiers, d'un bestiaire et d'un lapidaire. Son «Causae et curae» est un manuel de médecine pratique et de pharmacologie.
A la fin du moyen-âge, Christine de Pizan sera la première femme à vivre de sa plume. Elle-même fille d'astrologue et médecin devenue veuve très jeune avec charge de famille, elle crée des œuvres en vers et en prose traitant d'amour et de sagesse, dont l'accent est mis sur la loyauté et la fidélité. Ballades, rondeaux, virelais et autres pièces lyriques lui permettent d'exercer sa virtuosité rhétorique. Elle sera protégée par des princes Français : le frère de Charles V, duc du Berry, Philippe le hardi, duc de Bourgogne, Charles VI, Louis d'Orléans, Louis de France.... Plusieurs de ses œuvres donneront lieu à des traductions. Il n'est donc pas rare de rencontrer des femmes écrivains et cultivées en ces époques de l'histoire.
Source et illustrations
- La vie des femmes au Moyen Age, Sophie Cassagnes, Editions Ouest-France, 2009.
Bibliographie non-exhaustive
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La femme au Moyen Age, Jean Verdon, Editions Gisserot, 1999.
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Portraits de femmes au Moyen-Âge (VIe-XIe siècles). La Louve, 2019.