Dans les temps anciens, les chemins étant bien souvent épouvantables, des haltes étaient nécessaires pour changer les chevaux, se restaurer et se reposer. Les souverains et grands seigneurs se reposaient dans les châteaux ; les hospices et couvents accueillaient les pèlerins. Les relais de poste, les cabarets, puis les auberges, très importants pour les voyageurs firent leur apparition, mais tous étaient soumis à des règlementations car chaque établissement portait « Hostellerie, Cabaret, Taverne par la permission du Roi » en gros caractères.
Relais de poste, cabarets et tavernes
Afin d'acheminer le courrier royal, Louis XI créa les relais de poste en 1464. Ces établissements installés tous les 16 à 20 kms, sur une grande partie des routes, étaient tenus par le « tenant-poste », puis par le maître de poste. En 1500, Louis XII mit les relais de poste à disposition des voyageurs. Au XVIIIe siècle, les relais faisaient fonction d'auberges, assurant aussi le service des diligences, et on en comptait environ 1400 à la fin de ce siècle.
Dans presque tous les villages, les cabarets étaient autorisés à vendre des boissons à table. Tenus le plus souvent par des femmes, on pouvait y manger et boire. Ces endroits disposaient aussi de plusieurs pièces y compris des chambres et les voyageurs s'y arrêtaient pour plusieurs jours et parfois ils y prenaient pension. Lieux de conversation, de rencontre et de jeux, les cabarets étaient assez mal vus, accusés « par leurs voisins de vendre la nuit, d'accueillir des troupes de libertins qui font du tapage, de faire carillon toutes les nuits ».
Quant aux tavernes, elles étaient réputées pour être des endroits où se concentrent les voyous, les ivrognes et la prostitution au XIIe siècle. Elles ne servaient que du vin à emporter ou à consommer debout, dans des gobelets en métal, en corne ou en bois. Les verres ne seront utilisés qu'à la fin du Moyen-âge.
Les auberges
Selon la règlementation royale, seules les auberges, ancêtres des hôtels-restaurants actuels, peuvent accueillir les voyageurs pour se reposer, boire et se restaurer, faisant également office de relais de poste. Dans les années 1570, elles étaient distinctes, selon l'inscription sur la porte principale. Certaines recevaient les voyageurs à pied : « dinée du voyageur à pied, six sols ; couchée du voyageur à pied huit sols ». D'autres étaient réservées aux voyageurs à cheval « Dinée du voyageur à cheval, douze sols ; couchée du voyageur à cheval, vingt sols ». D'après l'édit de 1577, chaque tenancier devait inscrire le nom des clients qui s'arrêtaient pour une ou plusieurs nuits, obligation encore en usage de nos jours.
Trois fois moins nombreux que les cabarets sous l'Ancien Régime, ces établissements ne devant « rien porter de contraire aux lois, aux mœurs et aux règles de la langue française », étaient installés à proximité des lieux de passages, sur des places et pourvus d'une enseigne au dessus de leur porte, reconnaissable de loin et pratiquement toujours la même. Toutes les villes avaient une grande auberge comme « le Chapeau Rouge » à Bordeaux, le « Cheval Blanc » à Limoges, le « Grand Cerf » à Angoulême, le « Lion d'Or », la « Croix Blanche », les « Trois Rois » ou l' « Ecu de France ».
Très nombreuses sur la route de Paris reliant Bordeaux, certaines auberges étaient renommées dans les années 1625, grâce à un important pèlerinage de la Vierge en septembre et notamment l'auberge de l'Autruche, dirigée par des femmes et où Louis XIV aurait dormi face à la basilique.
Les voyageurs entraient par le grand portail ou la porte cochère et laissaient le cheval se reposer à l'écurie. Un nombre important d'écuries était un point attractif pour la clientèle. Le logis accueillait les personnes dans une grande salle ; à l'étage, en longeant le corridor ou la galerie, on accédait aux chambres. Selon l'importance et la renommée de l'auberge, il s'agissait de simples « réduits » ou de belles chambres portant des noms différents « chambre bleue, chambre verte », comme les « Trois Piliers » à Poitiers en 1786 qui en comportaient 19. Au fil du temps, des progrès ont été sensibles et les auberges sont devenues plus vastes à la fin du siècle.
Selon les écrits de Madame Craddock, visitant la France aux environs de 1785, les auberges anglaises lui paraissaient d'un niveau bien supérieur comme elle le racontait « sur la route pour rejoindre Bordeaux, une auberge où la nourriture était couci-couci, les chambres et les lits dégoutants, je me couchai sur et non dans le lit, d'où me chassèrent les puces et punaises et passai le reste de ma nuit sur deux chaises ... heureusement l'hôtel des Princes à Langon et l'hôtel d'Angleterre à Bordeaux furent bien tenus, fort propres et ressemblaient à l'auberge anglaise ».
Les voyageurs aisés étaient certainement exigeants. Mais ils n'étaient pas les seuls à voyager. Les Compagnons qui faisaient leur Tour de France y trouvaient un accueil chaleureux par « la mère » et d'après eux, ces endroits ressemblaient à des cabarets qui donnaient à manger et à boire, ainsi qu'un moment de détente.
Le cas des très belles auberges était quand même rare ; le plus souvent, les auberges étaient « moyennes » et ne disposaient que de 3 à 8 chambres. Le voyageur n'était pas certain de dormir dans une vraie chambre, encore moins de dormir seul, car il était fréquent sur les routes de grands passages, de devoir partager sa chambre et son lit avec un inconnu.
On trouvait aussi beaucoup d'auberges médiocres, inconfortables, parfois très sales, bruyantes, à tel point « qu'il était préférable d'aller chercher le couvert chez un ami ou un parent », mais grâce à l'apparition des guides, on pouvait choisir le meilleur logis pour chaque étape.
Guides de voyage et tarifs
Au XVIIe siècle, certaines auberges faisaient déjà de la publicité et inscrivaient leurs enseignes dans des guides de voyages. Cet usage plus fréquent au XVIIIe siècle, mentionnait les remarques sur les repas et la qualité de l'auberge, comme on a pu lire dans les Affiches du Poitou en 1773 « l'hôtel des Trois Rois, près Saint-Germain à Poitiers, a de bons lits, chambres propres, cabinets, écuries, remises, magasins, ..., très près de la Poste aux chevaux ».
Au Moyen-âge, on racontait souvent que lorsque l'on se mettait en voyage, il fallait se défier des brigands et des « hosteliers » qui abusaient surtout au niveau des prix. Au temps de Saint Louis, on payait deux liards pour manger dans les auberges à Paris. 100 ans plus tard, les prix avaient tellement augmenté que le roi Jean établit une ordonnance en 1351 stipulant que « une journée et une nuit, repas compris, ne pourraient être payées plus de trois sols » (sol parisis ou le sou d'argent).
Rapidement, les hôteliers oublièrent cette ordonnance et les prix se mirent à grimper considérablement. En 1566, Charles IX, imposait un tarif à afficher à la porte des hôtelleries et tavernes. Des officiers municipaux étaient chargés de vérifier le respect des ordres royaux et de récolter les réclamations des voyageurs.
Au début du règne de Louis XIV, les prix des repas à Paris, étaient assez raisonnables. On mangeait pour vingt sols dans les bonnes hôtelleries. Mais au siècle suivant, tout a augmenté de nouveau, malgré le mauvais soin apporté aux chambres et les repas mal servis comme ce fut le cas pour « Mme du Deffand, en 1742, allant aux eaux de Forges, s'arrête à Gournay pour dîner. Mme de Picquigny, qui l'accompagne, est obligée de se contenter d'un morceau de pain trempé dans le pot, d'une brioche et de trois biscuits. C'est à peu près à la même époque qu'aux environs de Marseille le président de Brosses payait dix livres une demi-douzaine d'œufs ».
Curieusement de nos jours, certains édits sont encore en usage. Mais l'adage du Moyen-âge « il fallait se défier des brigands et des hosteliers » n'est plus d'actualité, grâce aux nouvelles normes de l'Hôtellerie française, respectant mieux le voyageur.
Pour aller plus loin
- Pension complète: Tourisme et hôtellerie (XVIIIe-XXe siècles, de Jean-Yves Andrieux et Patrick Harismendy. PUR, 2016.