Contexte et reconstitution en demi-teinte
Le roman de Follett se déroule pendant une période trouble mais néanmoins fondamentale dans l’histoire de l’Angleterre : la transition entre le règne d’Henri Ier Beauclerc (fils de Guillaume le Conquérant) et celui d’Henri II Plantagenêt, le père de Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre. C’est une époque de guerre civile opposant l’usurpateur Stephen (ou Etienne) et la reine/impératrice Maud (ou Mathilde), fille d’Henri Ier et mère d’Henri II. L’action se déroule dans la série entre 1135, environ, et on suppose 1154 (avènement du Plantagenêt), voire après (la série se finit un peu en ellipse).
La reconstitution est elle plus problématique. Des armes et armures jusqu’aux châteaux, en passant par « l’ambiance » des villages ou les costumes des différents personnages, tout fait plutôt XIIIe et même plus tardif ; ainsi, des intérieurs qui font pour certains presque Renaissance ! Les châteaux sont eux vraiment XIVe siècle, au mieux. On est alors bien loin de l’Angleterre normande et pas encore angevine de la deuxième moitié du XIIe siècle…Quant à la cathédrale, elle fait gothique à une époque où cet art n’en est qu’à ses débuts, qui plus est en France.
La série étant produite par les frères Ridley et Tony Scott, ceci explique-t-il peut-être cela tant ces derniers, même si passionnés par le Moyen Âge, sont coutumiers (en tout cas Ridley) des approximations historiques, comme on a pu le voir sur Kingdom of Heaven et plus encore avec Robin des Bois (Robin Hood).
Une histoire plaisante mais trop simplifiée
Nous n’allons pas résumer ici le synopsis de la série, ni le comparer avec l’ouvrage (les différences sont souvent énormes), seulement émettre un avis de téléspectateur. L’intrigue est complexe, les personnages multiples (nous y reviendrons), et il faut avouer que globalement nous ne nous ennuyons pas. Les rebondissements sont nombreux (certes parfois un peu gros, comme la « résurrection » de Jack), et le mélange entre grande histoire et vie quotidienne, avec un soupçon de polar fantastique, n’est pas déplaisant.
Enfin, le manichéisme est élevé à un niveau rarement vu ! Les méchants sont vraiment très méchants, et évidemment punis (parfois plus que dans le livre), et les gentils très gentils, souffrant beaucoup avant d’être récompensés. Probablement encore la patte Ridley Scott…
Des personnages caricaturaux, une interprétation inégale
Ils sont donc tous, ou presque, très figés, d’un bloc et sans nuances, il faut le dire pour certains caricaturaux. Toutefois se pose parallèlement le problème de l’interprétation ; en effet, certains acteurs parviennent à rendre sympathiques ou amusants des personnages extrêmement caricaturaux, tandis que d’autres torpillent les leurs alors qu’on devrait les avoir en empathie.
Heureusement, outre McShane, d’autres comédiens campent de façon sobre mais charismatique leur personnage : c’est le cas de Matthew Macfadyen (Philip), Rufus Sewell (Tom) ou évidemment le grand Donald Sutherland (Bartholomew). Une mention bien à Hayley Atwell qui joue une charmante mais farouche Aliena, l’un des personnages les moins monolithiques.
Un sentiment mitigé
Que vaut alors la série Les Piliers de la terre ? L’attente était sans doute trop importante, tant le livre comme l’époque pouvaient faire croire à quelque chose de passionnant. C’est donc plutôt la déception qui l’emporte, le principal reproche étant sur les personnages et leur interprétation, et à un degré moindre la reconstitution historique (on ne s’attendait pas à un documentaire).
Les Piliers de la terre, série germano-canadienne en huit épisodes, diffusée sur Canal Plus en décembre 2010 et disponible en DVD.