En 2005, la chaine HBO diffusa une série télé qui ne passa pas inaperçue : Rome. Dotée d’un budget pharaonique de 100 millions de dollars, cette co-production anglo-italienne avait pour ambition de retracer une glorieuse page de l’histoire de Rome, de Jules César à Auguste. L’intention est clairement affichée, il s‘agit de faire la pièce à la production cinématographique du genre, avec les mêmes moyens, la durée en plus. Servie par une excellente distribution et des décors somptueux, cette série nous plonge avec bonheur dans l’univers impitoyable de la Rome antique.
Rome, une série résolument haut de gamme
Dès le générique, on comprend que cette série n’aura pas un gout de déjà vu. On parcourt les rues de Rome, colorées et sales à la fois, dont les murs sont ornés de graffitis rarement montrés jusque là. Dès les premières images, une scène de bataille, on est saisis par la qualité et le réalisme de la reconstitution. Des soldats couverts de sang et de poussière se jettent furieusement dans une ultime mêlée contre des gaulois. L’immersion est immédiate. Le ton est donné, on ne nous épargnera pas les détails, même les plus sordides ou sanguinolents.
Le premier épisode commence à la fin de la Guerre des gaules avec la reddition de Vercingétorix, après sa défaite à Alésia. Devant un Jules César triomphant, le chef gaulois dépose les armes. On passera vite sur l’agaçante apparence que la production lui a donné, une sorte d’homme des cavernes débordant de pilosité et en guenilles, pour s’arrêter sur le personnage de César. Juché sur son trône et contemplant le vaincu avec un pointe de morgue, on est frappé par la ressemblance de l’acteur avec les représentations existantes de l’illustre romain. Tout au long de la première saison, Ciaran Hinds campe un César froid, cynique et non dénué d’humour ultra réaliste et crédible, une des clefs de la réussite de la série. Le reste de la distribution, à une ou deux exceptions près, est d ‘ailleurs à la hauteur de cette interprétation.
Dans ce même épisode, on découvre la capitale romaine, bigarrée, cosmopolite, grouillante d’activité, aussi majestueuse que crasseuse. Difficile de croire que nous sommes sur un plateau de Cinecitta tant la reconstitution est riche en détails. Un orateur public y clame les louanges de César, alors que sont distribués à la plèbe quelques prises de guerre venues de Gaule, devant une aristocratie et des sénateurs qui s’inquiètent de la popularité montante du général romain. On découvre enfin Pompée, celui qui partage le pouvoir avec César et qui a bien du mal à rassurer le sénat sur les intentions de celui qui va rapidement devenir son rival.
La trame de la première saison est posée : la fin de la République romaine, du franchissement du Rubicon jusqu’à l’assassinat de César lors des Ides de Mars. L’autre ingrédient est l’histoire concomitante de deux soldats romains, le centurion Lucius Vorenus (Kevin McKidd) et le légionnaire Titus Poulo (Ray Stevenson). Cette série à la particularité d’accorder une part égale entre l’histoire prestigieuse des grands personnages de l’époque, et la vie quotidienne de la population représentée par ces deux soldats. Ceux-ci, mentionnés par César dans un de ses récits auraient d’ailleurs réellement existé, même si leur histoire relatée dans la série est fictive.
Rome, entre réalisme et fiction
Histoire de nous faire visiter toutes les strates de la société romaine et de nous faire pénétrer dans l’intimité de la plèbe, les deux légionnaires vont occuper diverses positions sociales, de simple paria à celui de magistrat. A trop vouloir lier leur destin à celui des personnages historiques, cette partie du scenario qui fait office de fil rouge, finit au fil des épisodes par devenir un peu abracadabrantesque et à perdre en crédibilité. Peu importe, l’intention est bonne. Il s’agit de nous montrer une facette rarement décrite à l’écran jusque là. Un quotidien décrit avec force détails, de façon souvent crue et violente, même si la représentation qui en est faite est parfois établie sur des préjugés très contemporains.
Si des conseillers historiques ont participé à la réalisation de Rome, il n’était pas dans l’intention des auteurs de suivre à la lettre les événements et le contexte, mais de dépeindre une société romaine, ses superstitions, ses mœurs et son art de vivre tels qu’ils ont pu être à cette époque, avec le regard porté par des hommes et des femmes d’aujourd’hui, bien différents donc, de leurs antiques ancêtres. Cette réserve mise à part, cette fresque est une remarquable réussite sur ce point.
En contrepartie, Rome flirte parfois avec la caricature. L’omniprésence de la violence, que ce soit en politique comme au lit ou dans la rue, donne l’impression que c’était la seule loi qui prévalait à cette époque, ce qui n’était probablement pas le cas, du moins guère plus qu’aujourd’hui. De même, les personnages féminins de l’aristocratie sont pour la plupart dépeintes comme des manipulatrices perverses et sans scrupules. Cléopâtre aurait ainsi gagnée à être représentée de façon plus subtile. La dynastie lagide avait certes atteint un degré avancé de décadence, mais de la à transformer la reine d’Egypte en prostituée hystérique et toxicomane…
Une série tronquée
Ces petits détails, comme les libertés prises avec l’histoire, ne gâchent en rien notre plaisir. Après tout, ce n’est pas un documentaire, mais une fiction. Les choix scénaristiques sont cohérents jusqu’au bout, sans donner l’impression que la vérité soit outrageusement bafouée. La série est redoutablement efficace, et se dévore d’une traite, comme un film.
La première saison de Rome comprend 12 épisodes. Il était initialement prévu que la série se déroule sur trois saisons, mais les contraintes budgétaires et le succès initial relatif de Rome imposa aux producteurs de comprimer les deux dernières en une seule. La saison 2 débute donc avec la poursuite des assassins de César pour se finir par la confrontation finale entre Marc-Antoine et Octave, au bénéfice de ce dernier.
La série rome sera récompensée par de nombreuses disctinctionsn notament aux Emmy Awards.
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