Le duc d’Anjou, futur Henri III
Né le 19 septembre 1551, Henri de France est le quatrième fils d'Henri II, roi de France et de Catherine de Médicis. Il est, dans un premier temps, baptisé sous le prénom d'Alexandre-Édouard. Le choix du prénom Edouard ne doit rien au hasard, et résume à lui seul les contradictions politiques et religieuses qui agitent le royaume de France d’alors. Il reçoit le titre de duc d'Anjou.
Edouard prénom inhabituel chez les Valois, était en effet un hommage au parrain de l’enfant : Edouard VI roi adolescent d’une Angleterre tentée par la réforme calviniste. Bien que le roi Henri II fût à la pointe de la répression du protestantisme, il n’en avait pas moins gardé un solide sens politique. L’Angleterre pouvait être un allié de choix dans la lutte contre les Habsbourg et cela pouvait être un geste en direction de la noblesse huguenote à l’influence croissante.
Alexandre Edouard devenu Henri en 1565, vécut son enfance, tout comme ses frères et sœurs, loin de ses parents, à Blois. Néanmoins sa mère Catherine de Médicis, en bonne Florentine, veilla à ce que son fils reçoive une éducation soignée, typique de la Renaissance. Son maître (tout comme celui de son frère aîné, le futur Charles IX) fut Jacques Aymot. Véritable puit de savoir, ce spécialiste de Plutarque, sut déceler chez le jeune Valois, les qualités qui firent de lui un souverain cultivé et éloquent : « l’un des mieux disants de son siècle. »
Très rapidement le jeune prince est associé à l’exercice du pouvoir royal, et participe à sept ans à ses premiers états généraux (ceux de 1560).Enfant favori de Catherine devenue régente, bretteur accompli, et doté d’une belle prestance, c’est tout naturellement qu’il est nommé Lieutenant général du royaume, à seulement seize ans… Débute ainsi sa véritable carrière politique.
Dans la tourmente des guerres de Religion
Second dirigeant militaire de France après son frère le roi Charles IX, Henri se fait un ennemi du chef du parti protestant, le redoutable prince de Condé, qui convoitait cette charge. Leur brouille, provoque le départ de la cour de Condé, et le début de la deuxième guerre de religion (1567).
Alors que Charles prônerait plutôt la réconciliation avec les réformés (certainement en raison de l’influence de son ami protestant, l’amiral de Coligny), Henri est partisan d’une attitude plus ferme. Dans son esprit, il est déjà clair que l’autorité royale ne peut souffrir de dissidence qu’elle fut religieuse ou autre.
L’implication du prince dans les massacres de la Saint Barthélémy (derniers jours d’août 1572), reste sujette à controverse. Pris entre l’extrémisme de la ligue catholique et des partisans des Guise, et son devoir de maintenir l’ordre (dans un Paris rebelle et gangréné par le fanatisme religieux), il est aussi préoccupé par des événements plus lointains. Henri ne se satisfait plus d’être le second au sein du royaume, et voilà qu’une couronne semble s’offrir à lui…
Le 7 juillet 1572, le Roi de Pologne-Lituanie Sigismond Auguste Jagellon meurt. L’état qu’il dirigeait est d’une grande originalité au sein de la Chrétienté. Cette république nobiliaire, très diverse sur le plan ethnique et religieux, élit ses rois. Or une partie non négligeable de la noblesse y est protestante, et Henri entend bien s’en assurer le soutien lors de la prochaine élection.
On le voit donc mal inciter la populace au massacre de réformés le 24 août 1572…Après de nouveaux combats contre le parti protestant (les guerres de religion ayant repris leur cours sanglant) dont un échec devant la Rochelle, le prince en pleine idylle avec Marie de Clèves, est élu Roi de Pologne. Le 19 août 1573, une délégation polonaise s’en vint rencontrer le futur roi et lui présenter les lois de son futur royaume.
Henri, qui en bon Valois était partisan d’une autorité royale forte, dut composer avec les réalités polono-lituaniennes. Le nouveau roi fut ainsi poussé à signer Les Articles du Roi Henri, ensemble de lois qui l’engageaient à cesser la persécution des protestants en France et à respecter la tolérance religieuse. Constatant que ses prérogatives royales seraient largement limitées, Henri ne se presse guère pour partir à Cracovie qu’il ne rejoint qu’en février 1574…
De roi de Pologne à roi de France
Le jeune Roi, certes bien conscient de la nécessité de la tolérance religieuse au sein de ses nouveaux états, ne peut souffrir l’indépendance de la Diète et de la noblesse. Il tente par tous les moyens d’affermir son autorité, sans y parvenir totalement et ce ,malgré une grande implication dans ses nouvelles tâches. Henri doit admettre qu’il « règne mais ne gouverne pas. »
Il sera sacré roi le 13 février 1575, se mariant deux jours plus tard avec Louise de Vaudémont-Nomény, princesse Lorraine d’une grande beauté, mais surtout proche du parti des Guise. Henri III connaît l’ampleur de la tâche qui l’attend. Rétablir la paix et la concorde au sein du royaume, préalable nécessaire à la consolidation du pouvoir royal, sous entend de s’attirer les bonnes grâces des ultra catholiques, comme de leurs ennemis Huguenots…
Manque de chance pour le roi, son frère cadet le duc d’Alençon, fait basculer l’équilibre au profit du parti protestant, lorsqu’il s’allie à Henri de Navarre (le futur Henri IV), entré en rébellion armée... La guerre qui en résulte, tourne au désastre pour le roi, et celui-ci se voit forcé par l’Edit de Beaulieu (Mai 1576), d’accorder une paix très favorable aux protestants. En réaction naît La Ligue, bras armé de l’ultra-catholicisme.
Avec la paix de Beaulieu, le roi semble usé avant d’avoir régné. Son frère, garant de l’alliance entre catholiques modérés et protestants, est l’homme fort du royaume, et les caisses du trésor sont presque vides. Henri n’en est pas pour autant dénué d’options. Faisant bon usage de l’humiliation des catholiques, le roi s’en fait le rempart et le protecteur, ce qui lui vaut de se rapprocher une fois de plus des Guise.
Afin d’obtenir les moyens financiers nécessaires à sa revanche, Henri convoque les Etats Généraux à Blois (1577), où il fait preuve d’une grande habileté tactique. Face à des députés qui envisagent déjà de réformer le royaume dans un sens parlementaire, « Quand les états écrivent, c’est la France même qui écrit. », il exploite divisions et rivalités, pour enterrer toute prétention constitutionnelle, et s’affirmer une fois de plus comme le chef incontesté des catholiques. Malgré sa ténacité, il n’obtient pourtant pas les moyens financiers qu’il demandait, et en tire la leçon. Ses successeurs seront se souvenir de sa défiance envers les parlementaires.
Quoi qu’il en soit la guerre reprend bientôt (sixième guerre de religion, 1577), et voit la victoire (modeste, mais réelle) du camp royal. Le monarque a reçu le soutien de son frère, qui a ravalé pour un temps ses ambitions.
Avec l’Edit de Poitiers (1577), qui met fin au conflit, le camp protestant doit accepter diverses concessions. Il est temps pour Henri de consolider sa position en faisant preuve de diplomatie. Par l’entremise de sa mère Catherine toujours présente, il initie un rapprochement avec Henri de Navarre, tout en soutenant les menées de son frère aux Pays-Bas. Celles-ci ont pour avantage de souder catholiques et protestants dans l’affrontement contre l’ennemi héréditaire : les Habsbourg, Henri IV saura s’en souvenir !
La Guerre des trois Henri
1584 : sept ans de paix relative, sept ans de consolidation de l’autorité royale, sept ans d’un intense travail législatif et pourtant Henri sait son trône en danger. Après presque dix ans de mariage avec Louise de Lorraine, il n’a toujours pas d’héritier et voilà que son frère, qui s’affirmait comme un successeur de valeur, meurt de la tuberculose.
La dynastie des Valois, est apparemment destinée à s’éteindre. Selon la loi salique, la couronne devrait revenir à la mort d’Henri III à Henri de Navarre, chef du parti protestant. Cela est bien sûr inacceptable pour l’opinion catholique, qui exerce une pression de tous les instants sur le roi pour qu’il se désigne un successeur catholique. La ville de Paris, toute entière aux mains de la Ligue, s’agite bien dangereusement.
L’heure est au triomphe du Duc Henri de Guise. Les passions ultra catholiques condamnent Henri III à une nouvelle guerre, comme le confirme le Traité de Nemours (Juillet 1585), où il s’engage à « bouter les hérétiques hors du royaume. »
Cette Guerre des trois Henri (Henri III de Valois, Henri de Guise et Henri de Navarre) opposera bien trois camps et non deux. En effet bien qu’en apparence rallié à l’ultra-catholicisme, Henri III ne coupe pas tous les ponts avec les protestants. Le roi soucieux de maintenir l’indépendance de ses états, sait le Duc de Guise puissamment soutenu par les Habsbourg. D’autre part une défaite totale de Navarre, profiterait bien trop à l’ambitieux duc Lorrain, que le roi n’apprécie guère. Henri mène donc une guerre avec des alliés qu’il méprise (les ligueurs) contre un ennemi (Henri de Navarre) qu’il estime.
En résulte une situation confuse, le roi tentant de maintenir un équilibre précaire entre les belligérants. Le moindre faux pas pourrait lui être fatal.
Bien que gagnant du temps en entamant des pourparlers avec les ligueurs, le dernier des Valois a pris sa décision. Henri de Guise doit disparaître, dépassé par les excès des Ligueurs parisiens (dont les pratiques et les revendications ne sont pas sans rappeler celles des partisans d’Etienne Marcel, 2 siècles plus tôt), le duc fait courir un grand danger à l’autorité royale. Henri III craint par-dessus tout qu’une victoire de la ligue n’entraîne la fin de l’œuvre centralisatrice des rois de France.
Au cours de l’année 1588, la position d’Henri de Guise s’affaiblit. Avec la réduction des généreux subsides espagnols (suite notamment à la défaite de l’Invincible Armada), le duc perd de sa superbe. Craignant que le roi ne signe la paix avec son rival le roi de Navarre, il se résout à négocier avec Henri III lors des Etats Généraux de Blois.
Le 23 décembre 1588, à l’occasion d’un conseil royal, le Roi commandite l'assissinat du duc de Guise, par les « Quarante-cinq », sa garde rapprochée.Cet assassinat met fin à l’ambigüité de la position royale, mais provoque aussi le soulèvement de la France ligueuse. Le roi est voué aux gémonies par les ultra-catholiques, qui en appellent au meurtre de celui qu’ils considèrent désormais comme un « tyran ».
Fort logiquement Henri III ne voit plus de salut que dans une réconciliation complète avec Henri de Navarre, qui s’impose comme son successeur (à la condition tacite, qu’il abandonne, une fois de plus, la foi protestante). Les deux Henri iront assiéger ensemble Paris, aux mains des ligueurs, dont les milices ont été équipées aux frais des Habsbourg.
Le roi, installé à Saint Cloud, n’aura pas l’occasion de voir la destruction de la ligue. Le 1er août 1589, un moine fanatique, du nom de Jacques Clément, agent des ligueurs, assassine Henri III d’un coup de poignard. Ainsi prit fin la dynastie des Valois…
Henri III, le dernier des Valois
On l’a dit faible. Il aura effectivement cédé à de nombreuses reprises aux pressions exercées par les grands, mais sans jamais cesser de reprendre la main par la suite. On l’a dit lâche et efféminé. Epris de beauté, souvent entouré d’élégants jeunes hommes (les fameux mignons), il n’est certes pas un rude souverain médiéval assoiffé de gloire. Néanmoins c’est oublier trop vite sa jeunesse guerrière, et son courage personnel, amplement prouvée à Jarnac, ou Moncontour. Quant aux rumeurs concernant sa sexualité (la fameuse légende rose), elles ne tiennent guère à l’aune de ses nombreuses conquêtes féminines…
On l’a dit frivole et immoral. Il n’aura certes jamais renié son goût extravagant des fêtes, et des arts, mais il fut aussi un roi dévot, inquiet du salut de son âme, aux démonstrations de foi étonnantes.
Le roi Henri III, par delà les difficultés auquel il eut à faire face, sera parvenu à gouverner, et aura légué au royaume une œuvre législative considérable (le Code Henri III). Il eut de l’autorité royale une haute idée, et de l’Etat une conception moderne. Il aura évité le naufrage d’une monarchie française, qu’il reviendra à ses successeurs de faire de nouveau une grande puissance.
D'Henri III, Agrippa d’Aubigné résuma le sentiment de nombreux français du temps, à l’égard du roi : « Voilà la fin de Henri troisième, prince d’agréable conversation avec les siens, amateur des lettres, libéral par delà tous les rois, courageux en jeunesse et lors désiré de tous ; en vieillesse aimé de peu, qui avait de grandes parties de roi, souhaité pour l’être avant qu’il le fût, et digne du royaume s’il n’eut point régné… »
Bibliographie
- Henri III: Un roi de tragédie, d' Alain Joblin. Ellipses, 2023.
- Henri III : le roi décrié, de Michel Pernot. De Fallois, 2013.
- Un régicide au nom de Dieu: L'assassinat d'Henri III, de Nicolas Le Roux. Folio Histoire, 2018.