L'attentat des gardes corses survenu à Rome en août 1662, n'est pas un simple fait divers mais un incident entre la diplomatie française et la garde pontificale corse, entrainant des tensions politiques importantes dues à la mise en présence de puissances considérables. L'affront fait à la Couronne de France se règle par le Traité de Pise, signé le 12 février 1664. Si ce dernier n'apporte pas grand chose au royaume, il permet à Louis XIV de s'imposer sur la scène diplomatique européenne.
La garde pontificale corse et l'attentat du 20 août 1662
Rome n'est qu'une ville moyenne d'à peine plus de 100 000 habitants, mais très importante au niveau politique et économique, pour cause d'élection papale. La majeure partie des habitants est constituée par le réseau du pape, les ambassadeurs de tous les pays accompagnés de leurs domestiques, sans oublier les gardes du pontife. La plus connue des gardes pontificales est la garde suisse mais il ne faut pas oublier la garde corse. Les corses servent le pape depuis le XIV è siècle et lorsque Clément VIII est menacé par les Farnèse, il conforte définitivement les fonctions de la garde corse dès 1604.
Un incident survient entre un domestique français au service de Christine de Suède et un Corse de la garde pontificale. L'affaire s'envenime et se poursuit dans les dépendances du palais Farnèse mis à la disposition de l'ambassadeur de France le duc de Créquy, bien que le lieu soit soumis à l'immunité diplomatique : des coups de feu sont échangés, on tire sur le duc, le carrosse de la duchesse est attaqué, un de ses domestiques est tué ; une trentaine de Corses auxquels se rajoutent les policiers du pape attaquent le palais : le capitaine des gardes du duc ainsi qu'un page sont tués ; les français repoussent les assaillants pendant plus de trois heures. Outre le grand nombre de blessés et de morts, le plus important est l'affront fait à un représentant officiel de la France par les soldats du pape.
La réaction du Roi de France
Le roi rapidement mis au courant, réunit un conseil de crise où beaucoup de membres optent pour embastiller le nonce apostolique. Diplomatiquement, Louis XIV préfère expulser l'envoyé du pape Alexandre VII, demandant des excuses publiques et la dissolution de la garde corse. Le roi attache une grande importance à cet incident. Rappelons que depuis 1661, il entend gouverner le royaume tout seul.
Pour marquer sa suprématie, il ne doit rien laisser passer, son attitude face à des incidents pareils est jaugée et jugée. Il y avait déjà eu des précédents en octobre 1661 entre l'ambassadeur de France et celui d'Espagne à Londres. Le roi avait demandé des excuses publiques et le renvoi de l'ambassadeur d'Espagne, l'affaire s'était soldée en mars 1662, dans le Grand Cabinet du Louvres par des excuses officielles du représentant de Philippe II roi d'Espagne.
La légèreté du pape
Le pape, sachant que les français ne sont pas à négliger dans Rome en raison de leur clientèle composée de nobles, de barons romains, de cardinaux, des familles Este et Farnèse, a compris l'importance de l'attentat envers le duc de Créquy, mais se borne juste à écrire au roi pour lui faire part du « grand déplaisir » que lui cause cette affaire et ne fait rien d'autre.
De son côté, Lois XIV estime « légère » l'attitude du pape, lui demandant alors des pendaisons, des mises aux galères et des excuses publiques. Le pontife se résout à mener une enquête, à mettre quelques corses à la torture, mais pour le roi c'est insuffisant et les français accusent le chef de la garde pontificale, frère du pape et le gouverneur de Rome, d'être responsables de l'attentat. Puisque le pape ne réagit pas plus, l'ambassadeur du duc de Créquy et le cardinal d'Este quittent précipitamment Rome pour s'installer sur le territoire du grand duc de Toscane.
Les tractations successives
Florence décide d'un congrès pour mettre fin à cette crise, mais c'est un échec total sans accord en fin d'année 1662. Le cabinet du Louvre tente quelque chose : le roi envoie ses troupes pour aider ses alliés à Parme et Modène ; il ordonne ensuite le rattachement d'Avignon et du Comtat Venaissin au royaume de France ; le parlement d'Aix, malgré le refus du légat, proclame l'annexion pure et simple de ces deux enclaves en juillet 1663 décrétant que leur cession aux Etats pontificaux est contraire au droit ; les troupes françaises s'y installant, le vice-légat remplacé par un gouverneur du roi se réfugie à Nice.
De nouvelles rencontres ont lieu à Lyon à la demande de l'Espagne et de la république de Venise. Rien n'avance car chaque partie pose maintenant ses prétentions et ses revendications. Le pape émet quelques propositions qui sont interprétées par le Louvre comme des protections accordées aux coupables ! Louis XIV se lassant vraiment de cette longueur dans les négociations, pose un ultimatum : il enverrait des troupes si aucun compromis n'est signé au 10 février 1664 et demande à Milan l'autorisation de traverser le territoire.
Le traité de Pise
Enfin, grâce à l'initiative de Madrid et de Florence, le traité de Pise est signé le 12 février 1664 comportant parmi les quinze articles : les excuses publiques portées au Louvre par le cardinal gouverneur de Rome, lues par le neveu du pape ; les excuses du frère du pape ; la dissolution de la garde corse avec déclaration signée par le pape stipulant « les insulaires sont déclarés incapables à jamais de servir Rome et tous les états ecclésiastiques ; l'érection d'une pyramide noire en marbre en mémoire du triomphe de Louis XIV sur le site de la caserne corse.
Le roi de France triomphe, mais se doit aussi de défendre le sort de tous ceux qui l'ont soutenu, en particulier les familles Este et Farnèse, concernant certains territoires leur ayant appartenus et passés sous la tutelle du pontife.
Parmi les autres articles, le pape veut récupérer le Comtat Venaissin et Avignon. Cet article cause alors beaucoup de soucis au roi : il lui faut passer outre les actes du parlement d'Aix et informer la population surtout les marchands qu'on sacrifiait pour raison d'Etat, leur accordant en contre partie quelques promesses de « protection royale ». Parti de Rome en mars, le cardinal est reçu par le roi le 29 juillet 1664 pour la cérémonie des excuses à Fontainebleau.
Le traité n'apportait pas grand-chose à la France, si ce ne sont les excuses publiques. Le roi voulait montrer au pape que nul ne peut rivaliser avec la Cour de France et par là, prouver et assurer la majesté de la Couronne. Louis XIV affirmait ainsi sa devise « Nec pluribus impar » sur le devant de la scène internationale.