Marie Marvingt, lorraine de cœur, est la française la plus émancipée de la première moitié du XIXe siècle. Curieuse de tout, sportive accomplie, elle s'est illustrée pendant les deux Guerres mondiales et fut à l'origine du service aérien sanitaire. Surnommée « la femme la plus extraordinaire depuis Jeanne d'Arc », Marie avait pour devise « savoir vouloir, c'est pouvoir ». N'ayant pas eu de descendance, elle est un peu trop oubliée de nos jours. Rendons-lui hommage.
Marie Marvingt...
Marie Marvingt est née à Aurillac en 1875. La famille emménage à Metz cinq ans plus tard, puis après le décès de sa mère, elle suit son père à Nancy en 1889 et obtient son permis de conduire en 1899. Munie d'une licence de lettre, elle rédige des articles dans l'Eclair de l'Est. Lorsqu'elle sera au Maroc en 1934, elle en profitera pour réaliser deux documentaires sur la naissance du service sanitaire « les ailes qui sauvent » et « sauvés par la Colombe ». Elle publie des romans et en 1949, elle est lauréate du concours littéraire international à Los Angeles pour ses ouvrages « la fiancée du danger et ma traversée de la mer du nord en ballon ».
C'est la femme la plus décorée du XX è siècle : 34 décorations avec notamment les Palmes de premier tireur, la Médaille d'or de l'Académie des Sports, la Croix de guerre, la Médaille de l'Aéronautique, le grade de chevalier dans l'Ordre de la Santé publique et celui d'officier de la Légion d'honneur. Ayant parcouru une grande partie de la Terre, elle parle sept langues. Elle a également suivi des études d'assistante en chirurgie, étudié la tragédie, le dessin, la sculpture, les métiers du cirque en domptant des fauves, en marchant sur un fil de funambule et est bonne danseuse. Passionnée surtout d'aviation, elle l'est aussi d'ésotérisme.
...sportive sans limite
A 5 ans, elle nage en piscine ; à 15 ans, elle fait le trajet Nancy-Coblence en canoë, soit 400 kilomètres. Elle reçoit le surnom de « l'amphibie rouge » en 1906 après avoir été la première à traverser la Seine sur 12 kilomètres et demi, avec une heure d'avance sur la seconde participante. En 1908, elle traverse le lac de Gérardmer et le golfe de Naples.
En 1901, elle obtient son brevet de pilote aérostier et effectue son premier trajet Rouen Lamballe ; elle se lancera seule dans la traversée de la mer du Nord en 1910 parcourant 2400 kilomètres pour relier Nancy à l'Angleterre ; elle remporte le concours de l'Aéro Club, sur le trajet de Nancy à Neufchâteau en Belgique en 15 heures. Dans le même domaine, elle apprend à piloter un avion monoplan, passe son baptême de l'air en 1909 et obtient son brevet de pilote d'avion en 1910. Douée, elle accomplira 900 vols sans dégâts.
En 1904, elle réalise l'ascension du Mont Blanc et dans la foulée, grimpe plusieurs aiguilles dont celles du Grand Charmoz dans le massif de Chamonix et deux ans plus tard, les massifs entre la France et la Suisse. En même temps, elle suit des cours de conduite de locomotive et débute dans le vélo jusqu'à parcourir Nancy-Bordeaux et en 1905 Nancy-Naples pour assister à une éruption volcanique.
Sa demande de participation au Tour de France est rejetée en 1908, elle prend malgré tout le départ derrière les hommes et devient la première femme à terminer la Grande Boucle. Elle se lancera ensuite dans son défi saharien, en pénétrant dans Tamanrasset en 1923, puis s'attaque au grand tour des Etats Unis.
En 1907, elle se met au tir et reçoit le prix d'honneur pour tir au fusil à 300 mètres et les Palmes de premier tireur décerné par le ministre de la guerre en personne. Après un détour en Arctique en 1908 pour chasser le phoque, elle se lance dans le ski et autres sports d'hiver, en obtenant tous les prix pendant les deux années qui suivent : patinage, saut, bobsleigh. Une foule d'autres sports l'intéresse, elle pratique la boxe, le karaté, le billard, le base-ball, l'escrime... et est l'une des premières femmes à s'adonner à la spéléologie. Ainsi, dans tous les sports auxquels Marie Marvingt a participé, elle a obtenu 17 records mondiaux.
Marie Marvingt au service des malades de guerre
Passionnée par l'aviation, elle propose son projet d'avion-sanitaire en 1910 à l'armée. Son projet permettra d'emporter une civière sous le fuselage. Elle pense aussi à faire installer des skis métalliques, afin que l'avion puisse atterrir sur le sable ou la neige. Pourtant, cet avion ne verra pas le jour : l'un des fabricants fait faillite et l'Etat refuse de financer le prototype.
Bien évidemment, elle n'est pas spectatrice pendant la guerre de 14-18 : déguisée en homme, elle fait partie du 42è bataillon des chasseurs à pied. Elle se bat dans les tranchées comme poilu, mais est vite découverte. Elle doit quitter la guerre. Elle prend sa revanche en 1915, lorsque le général Foch l'autorise à participer aux missions de bombardement en Allemagne et sur une caserne à Metz où elle reçoit la Croix de guerre. Un peu plus tard, lorsqu'elle fait partie du 3è Régiment de Chasseurs Alpins dans les Dolomites italiennes, elle participe à l'évacuation des blessés aux commandes d'un avion équipé de skis, comme elle l'avait imaginé quelques années plus tôt. Infirmière de guerre, elle aide aux activités développées par la Croix-Rouge.
N'ayant pas oublié son premier projet d'avion sanitaire, elle fonde la Société des amis de l'avion-ambulance et prend la vice présidence en 1929. Après quelques 3000 conférences internationales, elle réussit à fonder un service sanitaire aérien civil au Maroc en 1934, devenant la première infirmière diplômée pour cette nouvelle activité et finalement obtient en 1935 la médaille de la Paix du Maroc.
La nouvelle infirmière de l'air, après avoir été aux Etats Unis pour des conférences, se lance dans la création de centre de convalescence pour pilotes blessés « le repos des Ailes » en 1939. Infirmière et grâce à ses notions de chirurgie, elle instaure un nouveau type de point de suture. Elle achève son action sanitaire en 1956 en lançant l'aviation sanitaire mondiale.
Du sport jusqu'au bout
En 1955, lorsqu'elle fête ses 80 ans, elle se paye le luxe de le faire dans un McDonnel F-101 piloté par un as de l'Air Force des Etats Unis, décollant de la base aérienne de Toul et franchissant le mur du son. Deux mois plus tard, elle s'envole à bord d'un hélicoptère à réaction, un Djinn 1221. En 1961, elle vient d'avoir 86 ans, obtient le brevet de pilote d'hélicoptère et la même année, reprend son vélo à Nancy pour se rendre à Paris. Elle meurt à Laxou (commune du Grand Nancy) en 1963. Les hommages sont nombreux : timbre poste, nom donné à plusieurs bâtiments, mais n'ayant pas de famille, elle est peu à peu oubliée.
Pour aller plus loin
- Marie Marvingt: La femme d'un siècle, de Marcel Cordier et Rosalie Maggio. Pierron, 1991.
- Marie Marvingt: A l'aventure du sport, de Françoise Baron Boilley. L'Harmattan, 2013.
- Les Grandes Scandaleuses, de Philippe Valode. First Histoire, janvier 2015.