Lorsqu'on évoque l'histoire du Japon médiéval, l'une des premières images qui vient en tête est celle d'un samouraï. La période féodale de l'empire du Soleil levant, l'ère des guerres civiles, est l'une des périodes qui a le plus intrigué, qui a le plus marqué les mémoires. Mais tout ce qui précède est plongé dans l'ombre. Comment le Japon est il devenu un empire féodal qui embrasa l'imagination depuis la fin du XIXe siècle ? Plongeons ensemble dans l'Antiquité japonaise, de la préhistoire à l'établissement d'un pouvoir impérial.
A l'aube de l'histoire du Japon : l'ère Jomôn (-14000/-300)
D'après la légende, la lignée impériale japonaise est d'origine divine, descendante d'Amaterasu, la déesse shinto du Soleil; elle règne de droit divin. Mais dans les faits, l'Empire à ses débuts n'était impérial que par le nom.
Les premières traces de présence humaine au Japon datent d'environ 14 000 ans avant notre ère, mais l'archipel ne commence véritablement à s'organiser qu'à partir de -300. A l'époque, le Japon est principalement peuplé de paysans et de pêcheurs, organisés en villages semi-nomades, se déplaçant au gré des saisons . Ces habitants de l'ère Jomôn pratiquent la pêche, la chasse, et des formes rudimentaires d'agriculture ce qui leur vaut d'être surnommés la civilisation des maraîchers.
La monnaie n'existe pas encore, mais des objets artisanaux commencent à être fabriqués, des dagues de jade, notamment, ainsi que des poteries et des objets assemblés à partir de coquillages. Des poteries élaborées, appelées Dogû, ont été retrouvées datant de la période tardive de l'ère Jomôn, vers -400. Ce sont les premières formes d'art japonaises de l'histoire.
Pas de bouddhisme à l'époque, mais diverses pratiques chamanistes Les chamans sont réputés disposer du pouvoir de communiquer avec le monde spirituel, de celui de lire l'avenir. Ils attirent la bénédiction des esprits, prient pour de bonnes cultures et éloignent les catastrophes et les entités maléfiques.
Le Japon et la Chine : L'ère Yayoi (-300/300)
L'ère Yayoi, qui commence en 300 avant notre ère, marque une transformation radicale de la civilisation japonaise. C'est l'apparition du travail du métal, les premiers contacts avec la Chine, l'organisation politique et l'apparition du shintoïsme. Ces innovations ont été apportées par les Yayoi, qui ont débarqué dans le nord de Kyûshu, l'île la plus au Sud des quatre îles de l'archipel japonais.
Les premiers objets métalliques sont façonnés au Japon vers -100, mais les matières premières employées venaient du continent, probablement de Corée. En fait, ce sont les contacts avec les chinois et les coréens qui ont introduit à la fois le travail du bronze et celui du fer au Japon. Cette innovation sans précédent débute dans le nord de l'île de Kyûshû, et se répand rapidement. Les outils de fer trouvent un usage agricole, la culture du riz se développe, fixant les paysans à leurs champs et sédentarisant les villages. C'est d'ailleurs la sédentarisation qui a permis la mise en place de ce système.
Les propriétaires terriens accumulent de la richesse, leurs enfants en héritent, et la famille gagnait en influence. Ils progressivement l'équivalent de seigneurs féodaux, prélevant des taxes, et exécutant la justice et des rites. Ce fut l'apparition des premiers clans. Par ailleurs, le rôle politique de cette classe noble est renforcé par son rôle religieux. Ils sont les seuls à pouvoir manipuler les objets sacrés, et les seuls à pouvoir entrer en contact avec le monde spirituel, les seuls à connaître le déroulement précis des cérémonies religieuse. Le prestige qui en découle renforce leur rôle de leader.. Le bronze, moins utile que le fer aux travaux agricoles, devient un métal symbolique employé lors des rituels, qui prenaient une place très importante dans le système politique de l'époque.
Les anciennes traditions chamanistes de l'ère Jomôn ne disparaissent pas avec l'ère Yayoi. Elles se fondent les unes avec les autres pour devenir une religion difficile à catégoriser, en partie animiste, en partie polythéiste, la religion shinto, encore aujourd'hui la plus importante du Japon. Le principe directeur du shinto est l'existence de « 6 millions de dieux », les kamis (ou esprit), vivant au cœur de chaque chose, représentant chaque élément de la nature. Par exemple, un des kami les plus vénérés était Inarimyojin, le dieu renard, en charge, en particulier, des récoltes.
C'était à lui que les prières s'adressaient pour obtenir une récolte abondante. Le shinto est également centré autour du concept de pureté. On doit se purifier régulièrement de ses impuretés (kegara), sous peine d'attirer le malheur et la malchance sur soi et son entourage, par la prière et par certains cérémonies. Cette religion shinto prend racine dans les premières croyances du Japon; elle est donc à l'origine des mythes fondateurs, tel que la création du Japon par Izanami et Izanagi.
C'est au travers de textes chinois que les japonais, alors nommé Wa, font leur entrée dans l'histoire écrite. Le début de l'Empire daterait de cette période, il aurait été créé durant le IIIe siècle par la légendaire impératrice Himiko de Yamataitoku, à la fois chef temporel et grande prêtresse (une fois encore, les pouvoirs spirituels et temporels se confondent). Cependant, l'existence de cette impératrice et son influence sur le régime de Yamato (qui donnera son nom au célèbre cuirassé Yamato) qui apparut plus tardivement ne sont pas confirmés.
L'Empire émergeant : l'ère Kofun (300/538)
Vers la fin du IIIe siècle apparaît progressivement ce qui deviendra par la suite la maison impériale : la cour de Yamato. Les clans de la région de Bizen, sur les rives de la mer intérieure, gagnent en puissance au point d'établir leur domination sur le Sud de Honshû, et une partie du Nord de Kyûshû. Les clans Soga, Katsuraki, Heguri et Koze sont dominants et rejoints par la suite par les clans Kibi d'Izumo (plus au nord ouest), Otomo, Mononobe, Nakatomi et Inbe. Chacun de ces clans conservent le leadership sur sa région (kuni), mais s'unit aux autres sous la direction de la cour de Yamato. Les Soga, les Mononobe et les Otomo sont particulièrement influents. Chacun se réclame de lignage impérial et/ou divin. Les Katsuraki, au départ les plus puissants, durent céder la place aux Otomo, qui recommanda l'Empereur Keitai lors d'une querelle de succession à la fin du Ve siècle.
La cour de Yamato développe sa propre administration, et on voit apparaître des postes comme celui de ministre du Trésor. Par ailleurs, si l'Empereur laisse les clans relativement autonomes sur leurs terres, son pouvoir est absolu, et même les chefs de clans doivent se soumettre à sa volonté. Toutefois, dans la pratique, un clan était souvent plus influent que les autres, en général grâce à des alliances maritales avec la famille de l'Empereur.
L'aristocratie, composée des membres des clans sous la direction de leur patriarche se voit décerner les premiers titres de noblesse héréditaires. Des techniques militaires élaborées comme la cavalerie font leur apparition. L'usage d'épées date également de cette période.
La cour de Yamato devient l'interlocuteur privilégié des royaumes coréens et de l'Empire du Milieu. Vers la fin du Ve siècle, l'empereur des Wa (japonais) commence à payer tribut à l'empereur de Chine, en échange de quoi ce dernier le reconnait comme souverain.
De nombreux Chinois et Coréens émigrent vers l'archipel, formant parfois des clans entiers, comme le clan Hata, constitués de chinois descendant de la dynastie Qin, ou le clan Takamuko. Les princes Coréens sont envoyés en tant qu'otages à la cour japonaise, en échange du soutien militaire de cette dernière contre les tribus mandchoues.
Cette arrivée massive de population aura des conséquences imprévues, dont la plus importante bouleversera les traditions japonaises, en introduisant sur le sol de l'archipel le bouddhisme.
Alors que l'ère Yamato s'achève, le Japon est un empire bien établi, reconnu par ses voisins, et ce, malgré une culture, et un système politique totalement différents, basés sur les traditions shinto. Mais c'est après l'arrivée du bouddhisme, et les réformes qui s'en suivront, que le Japon entrera véritablement dans sa période impériale, qui débutera par l'ère Asuka...
Née durant le Ve siècle, la cour de Yamato va, durant les six siècles qui suivront, devenir progressivement la cour impériale japonaise, puissante, respectée par ses voisins, et incontestée sur son propre territoire. Cela commence avec les vagues de réformes successives du VI e et VIIe siècles, qui vont révolutionner la manière de gouverner le pays. Pendant cette période impériale, les arts, les traditions culturelles et spirituelles, et même le système d'écriture se développent, tandis que les conflits restent marginaux, sporadiques, et de faible ampleur.
Sans hésitation, ces six siècles sont l'Âge d'or de l'Empire du Soleil Levant, qui gagnera d'ailleurs durant cette période, le nom de Japon (Nihon). Mais un Empire aussi puissant n'aurait pu se maintenir sans une vague de réformes, qui marquent la transition entre l'ascension de l'empereur et la consolidation de son pouvoir.
Les réformes de Shotoku Taishi (587-628)
La cour de Yamato est, au début du VI e siècle, le théâtre d'intenses intrigues politiques. Peu à peu, le clan Soga, grâce au mariage avec la famille impériale, parvient à s'imposer, écartant les clans Katsuraki, Heguri et Koze, et surtout au détriment des clans Mononobe et Nakatomi, qui contestaient l'implantation du bouddhisme. Mais nous y reviendrons. Le clan Soga, en 587, est suffisamment puissant pour permettre à son chef, Soga no Umako, d'installer son neveu sur le trône, et de régner à travers cet homme (enfant plutôt) de paille, avec l'aide du prince régent Shotoku Taishi (574-622). Par la suite, l'empereur, montrant trop de velléités d'indépendance, est assassiné et remplacé par l'impératrice Suiko (593-628). C'est Shotoku Taishi qui, le premier, introduit une réforme.
Bouddhiste pieux, et grand connaisseur de la littérature chinoise, il va s'inspirer des principes confucéens qui régissent le gouvernement de l'Empire du Milieu, pour les appliquer à la réalité japonaise. Le concept de Mandat du Ciel, selon lequel l'Empereur tient son pouvoir de droit divin, et règne selon la volonté des cieux, est introduit par Shotoku Taishi. Par ailleurs, il rédige une constitution de dix-sept articles, mettant notamment en avant la valeur de l'harmonie, de l'enseignement du Bouddha, l'absolue priorité des ordres impériaux sur tout autre considération, et louant les vertus confucéenne de dévouement et d'obéissance.
Cette « constitution », terme qui fait débat étant donné qu'elle ne pose pas véritablement les bases institutionnelles de l'Etat, mais plutôt ses principes directeur, en termes moraux et spirituels, est accompagnée d'une révolution dans le système des rangs et de l'étiquette, qui, aussi risible que cela semble vu de l'extérieur, a une importance majeure dans un système politique très ritualisé.
Pour parachever la « sinisation » du Japon, des temples bouddhistes sont construits, le calendrier chinois adopté, et une nouvelle unité administrative s'inspirant du modèle chinois entre en vigueur, le Gokishichido (5 cités, 7 routes)(est-ce que c'est trop lour d'expliquer un peu plus, parce que là je reste sur ma faim, à moins d'aller voir ailleurs). Des étudiants, et des missions diplomatiques sont envoyés en Chine, alors sous la domination de la dynastie Tang.
Cependant, bien que les relations soient plus suivies et intenses, notamment sur le plan culturel, que pendant la période Kofûn, c'est aussi à cette époque que la rivalité entre la Chine et le Japon se développe. En effet, les messages de l'Empereur du Soleil Levant à l'Empereur du Milieu sont désormais adressés d'égal à égal, le Japon ne se considérant plus vassal de son voisin chinois.
Lorsque Shotoku Taishi et Soga no Umako meurent, laissant le clan Soga tirer les ficelles d'un Empire, la culture chinoise a imprégné les usages et la politique japonaise. Considérée avec méfiance par le peuple, en particulier les rites bouddhistes, ces traditions venues d'ailleurs allaient néanmoins devenir une part importante de la culture unique développée par le Japon au cours des siècles qui suivent.
Les réformes Taika
Le clan Soga malgré sa période de succès, ne survécu pas longtemps à la mort de Shotoku Taishi. En l'an 645, les intrigues de palais aboutissent à un coup d'Etat destiné à mettre fin à la mainmise des Soga sur le pouvoir. Menée par Naka no Oe et Nakatomi no Kamatari (Clan qui deviendra à cet occasion le clan Fujiwara), cette révolte dénommée l'incident d'Isshi, marque le début des réformes Taika, qui signifie « Grand Changement ».
Tout d'abord, les terres sont confisquées par le pouvoir central, dans la mesure où leur contrôle n'est plus héréditaire. A chaque génération, les terres sont remises à l'administration impériale, qui se charge de les redistribuer. Bien sûr, cela signifie qu'une famille perdant la faveur impériale peut être réduite à néant d'un claquement de doigt. De la même manière, les titres héréditaires des chefs de clans sont eux aussi privés de la transmission héréditaire.
Ensuite, des taxes sur les récoltes, la soie, les tissus, le coton sont levées pour financer l'extension de l'administration tandis qu'une corvée permettant la création d'une milice et la construction d'édifices publics est mise en place. Enfin, la division en Gokishichido est abolie, le pays est divisé en provinces, dirigées par des gouverneurs ne répondant qu'à l'administration impériale. Des districts et des cantons sont créés, de manière à disposer d'un contrôle encore plus approfondis sur l'administration du pays.
Par ailleurs, l'Empereur et ceux qui le soutiennent, au premier rang desquels les Kamatari, s'attèlent à l'établissement du ritsuryo. Il s'agit d'un ensemble de règles pénales et administratives. Le ritsuryo a été écrit en plusieurs étapes : le code Ômi, la première version, a été completé en 668, le code Asuka Kiyomihara en 689, et la version la plus récente, le code Taihô, achevé en 701, et resté en application, à quelques détails près, jusqu'en 1868. Le code pénal se rapproche d'un code Confucéen, préférant des punitions légères aux peines lourdes.
Le code administratif établit le Jingi-kan, un organe dédié aux rituels de cour et aux traditions Shinto, et le Daijo-kan, crée les huit ministères des administrations centrales, des cérémonies, de la maison impériale, des affaires civiles, de la justice, de l'armée, des affaires du peuple, et du trésor. Cette outil très efficace renforce la capacité de la maison impériale à diriger le pays, participant à la stabilisation de son pouvoir.
L'introduction du bouddhisme au Japon
Le bouddhisme a probablement été introduit au Japon via l'immigration depuis la péninsule coréenne. Durant le VIe siècle, les relations entre la cour de Yamato et les royaumes coréens sont étroites, notamment après l'intervention japonaise pour soutenir le royaume de Baekje contre les envahisseurs mandchous. En 538, la première délégation est envoyée sur le sol japonais pour répandre la foi bouddhique. Rapidement adoptée par le clan Soga, et par conséquent transmise à toute l'aristocratie, le bouddhisme fut d'abord rejeté par le peuple, soutenu par les clans Nakatomi et Mononobe.
Cependant, alors que les traditions bouddhistes se font une place, les traditions shinto reculent. Les sépultures nommées « kofûn », sortes de tumulus en forme de serrure, sont interdits par décret impérial. La consommation de viande comme le cheval, les oiseaux, ou encore les chiens, est également interdite.
Par ailleurs, le bouddhisme n'a pas été la seule philosophie à se frayer un chemin jusqu'à l'archipel. Au milieu du VIIe siècle, le premier monastère taoïste japonais est bâtie sur le Mont Tonomine. Certaines sépultures impériales reprendront la forme octogonale, qui symbolise l'ordre universel selon le taoïsme, preuve de la solidité de cette implantation.
Alors que la période Asuka s'achève, l'empire est solidement établi, les clans comme le peuple lui sont attachés, la scène politique est calme, et nul conflit ne déchire l'archipel. Cette prospérité est telle que l'Empire Japonais se considère comme l'égal de l'Empire du milieu. Un véritable fleurissement culturel est sur le point de ce produire dans ce qui est désormais connu comme l'Empire du Soleil Levant.
L'ère Nara débute avec l'établissement, en 710 de notre ère, de la première capitale permanente du Japon, dans la ville de Nara, dans le centre du pays. Les réformes de l'ère Asuka ont entraîné le développement d'une bureacratie impériale, qui elle aussi s'installe à Nara. Rapidement, la ville devient le premier centre urbain japonais, avec une population de 200 000 personnes.
Cette urbanisation, qui rassemble les penseurs et les artistes de tout le pays, va permettre une véritable explosion culturelle, durant laquelle la culture chinoise importée avec le bouddhisme décline, et ce malgré le fait que la capitale soit bâtie selon le même plan que la capitale chinoise de la dynastie Tang, et est remplacée par une culture japonaise originale. Dans le même temps, cependant, la permanence de la cour impériale va multiplier les intrigues de palais et les luttes de pouvoir, et si les ères Nara et Heian sont synonimes de printemps culturel pour le Japon, elles sont aussi indissociables du déclin du pouvoir impériale et des premières guerres de clans.
Développement des arts et de la culture japonaise
Le premier indice de renouvellement culturel est l'abandon dès 710 des titres et habits de cour de la tradition chinoise. Les critères de beauté évoluent, et hommes comme femmes de l'aristocratie se poudrent le visage, pour blanchir leur peau, et se noircissent les dents. Les hommes prennent l'habitude de porter une fine moustache, tandis que les femmes se peignent les lèvres d'écarlate, tout ceci dans le but de se rapprocher de la « perfection » divine décrite dans les légendes sur le panthéon shinto. Les premières robes de cour complexes font aussi leur apparition. Appelées « junihitoe », elles se composaient de plusieurs épaisseurs de tissus, arrangées selon un code complexe en fonction de la saison et des fêtes sacrées.
Sur le plan artistique, le développement majeur de ces deux ères fut sans doute littéraire. Bien que le chinois demeure la langue de cour, l'apparition des « kanas » ces caractères destinés à exprimer des nuances, typiquement japonais, ont permis une explosion de la littérature. Les premiers grandes œuvres apparaissent au début de l'ère Nara, avec le Kojiki (712) et le Nihon Shoki (724), les premières chroniques impériales.
Plus tard, des œuvres de fiction, comme le célèbre Dit du Genji, premier roman japonais, et le Livre de l'Oreiller, de Sei Shonagon, l'une des premières femmes auteur, furent écrites. La poésie connu également un développement impressionant. Les poèmes japonais, nommés waka, fleurirent un peu partout durant cette époque, car être poète était la marque d'un esprit éclairé et serein. Fujiwara no Teika, Murasaki Shikibu, Saigyo, autant de poètes célèbres.
Pour rendre tout à fait claire la portée des créations littéraires de l'époque, l'hymne national actuelle du Japon, le Kimi Ga Yo, a été écrit durant le début de l'ère Heian, vers 800.
Le Bouddhisme dans l'Empire du Soleil Levant
Si les traditions chinoises tombent en désuétude, la cour de la dynastie Tang étant considérée comme décadente, ce n'est pas le cas du bouddhisme, pourtant importé de Chine. Bien implanté dans l'archipel, le clergé bouddhiste se lance plutôt dans un processus effréné d'adaptation à la réalité japonaise. Très proche des empereurs et impératrices de Nara, cela n'ira d'ailleurs pas sans poser quelque problèmes.
Au début de l'ère Nara, le bouddhisme à la vent en poure. Un immense complexe monastique, le temple Todaiji, est construit au début de l'ère, avec en son centre une immense statue de Bouddha en bronze, dites Daibutsu, qui mesurait plus de 16 mètres de haut. Assimilé à la représentation de la Déesse du Soleil, Amaterasu, cette statue faisait la synthèse entre le bouddhisme venu du continent et les traditions plus anciennes du shintoïsme, né au Japon. Elle est toujours visible à Nara, et constitue encore aujourd'hui un monument très apprécié des touristes japonais comme étrangers. Des temples provinciaux furent établis, appelés kokubunji, de manière à étendre l'influence du bouddhisme aux régions rurales, dans lesquels le shintoïsme était encore bien implanté.
Les monastères les plus anciens de l'archipel datent également de cette période, comme par exemple le grand monastère du Mont Hiei, construit par le courant bouddhiste Tendai, proche de l'empereur, et basant sa doctrine sur le sûtra du Lotus. Des réalisations culturelles et des œuvres d'art de tout le monde bouddhiste trouvèrent leur route jusqu'au Japon, notamment jusqu'au temple Shoso-in, qui archivait des textes sacrés venus d'aussi loin que les premiers caravansérail d'Asie Centrale, sur la Route de la Soie.
D'ailleurs, c'est aussi grâce au développement des œuvres d'art religieux que le bouddhisme gagna en influence au Japon, à travers les peintures sur soie, la statuaire bouddhiste, la décorations des temples (mandalas) la sculpture et la calligraphie.
Le bouddhisme, religion d'Etat ? Non, mais...
Le bouddhisme cessa d'être la religion d'Etat, mais resta néanmoins un moyen pour la famille impériale de conserver et augmenter son pouvoir et son influence. L'impératrice Kôken (749-758) invita durant son règne un grand nombre de prêtres bouddhistes à la cour. Même après ton abdication en 758, elle continua néanmoins à entretenir des liens très fort avec le clergé, notamment avec un prêtre nommé Dokyô, et lorsque son cousin Nakamaro de Fujiwara prit les armes contre elle, elle parvint à le vaincre et à déposer du même coup l'empereur régnant, remontant sur le trône en tant qu'Impératrice Shotoku (764-770).
Ces actions choquèrent tant la cour que les femmes furent par la suite évincées de la ligne de succession. L'implication du clergé est manifeste en ceci que l'impératrice, pour remercier le ciel de sa victoire, fit fabriquer près d'un million de charmes gravés sur bois.
Par la suite, au cours de l'ère Heian, les sectes bouddhistes Tendai et Kukai reçurent le soutien de nombreux aristocrates, notamment de l'empereur Kammu, qui était un grand admirateur du courant Tendai. Ces deux courants visaient d'ailleurs à connecter le clergé et l'Etat, considérant que la conduite de leur foi nécessitait de pouvoir influer sur les décisions politiques. C'est aussi durant cette période que les propriétés foncières du clergé grandirent en importance. Echappant aux impôts grâce à leur statut religieux, les monastères étaient aussi la cause de pertes financières suffisamment importantes pour menacer la stabilité financière de l'administration impériale.
Si l'ère Nara et le début de l'ère Heian furent le théâtre d'une véritable explosion culturelle, notamment grâce à l'invention de la forme moderne de l'écriture japonaise et au bouddhisme, les premières failles apparurent dans ce qui semblait pourtant être l'Âge d'or du pouvoir impérial. Des failles, qui tout au long de l'ère Heian, allait mener à la chute de l'Empire, et à l'apparition du shogunat.
La transition entre l'ère Nara et l'ère Heian passe presque inaperçu, au regard de l'importance des évènements qui sont à l'accoutumée à l'origine des changements d'ère. La capitale fut une fois de plus déplacée en 794, de Nara vers Kyôto (nommée à l'époque Heian-kyô). Bâtie sur le même plan que Nara, sur une plus grande échelle, Kyôto était un véritable monument à la floraison de l'ère impériale.
L'Empereur Kammu avait choisi cette ville pour renforcer le siège du pouvoir impérial : Kyoto disposait d'un meilleur accès à la mer, d'un accès fluvial, et surtout, était plus facile à atteindre depuis les provinces de l'Est. En plaçant le siège du gouvernement à cet endroit, Kammu espérait en faire un centre de pouvoir fort qui étendrait la domination impériale sur tout l'Archipel. Les victoires militaires qui firent du Nord Est de Honshu une terre japonaise étaient un premier pas vers le succès. Mais les ferments de la chute de l'autorité impériale étaient déjà présents...
La régence Fujiwara
L'Empereur Kammu, qui semblait mener l'Empire vers la puissance, mourut en 806, laissant derrière lui un trône puissant, mais à la succession disputée. Exactement à la même période, les grandes familles nobles commencèrent à retrouver leur pouvoir perdu lors des réformes du sixième siècle. Les fermiers et les paysans indépendants possédant leurs propres terres depuis ces réformes trouvèrent plus avantageux de vendre leurs titres de propriété à ces familles. Ils travaillaient ensuite sur ces terres en tant que métayers, en échange d'une fraction de la récolte. Le résultat de cette tendance était que l'étendue des terres contrôlées par les nobles allaient en s'acroissant rapidement. Ces terres formaient des « shoên », des parcelles de grande taille, dirigées depuis un manoir, ou un château.
On se rapprochait un peu du système existant dans l'Europe féodale, si ce n'est que les paysans n'étaient pas des serfs liés à leur terre. Par ailleurs, si les paysans ne pouvaient échapper aux contrôles de leur patrimoine et à la collecte des taxes, les grandes familles nobles étaient politiquement suffisamment puissantes pour obtenir des réductions substantielles de leurs impôts. La situation était d'ailleurs similaires pour les institutions monastiques. Les monastères commencèrent eux aussi à former des shoên, et eux aussi devinrent un poids important dans l'économie du pays.
Peu à peu, les empereurs perdirent le contrôle absolu qu'ils avaient sur l'administration, à mesure que les ressources financières de l'Empire diminuaient. La famille Fujiwara, l'une des plus puissantes familles nobles du Japon, qui possédaient entre autre d'immenses étendues cultivables dans le Nord du pays, se rapprocha peu à peu du siège du pouvoir, notamment par des mariages avec la famille impériale. Au cours du neuvième siècle, les Fujiwara prirent la tête du Cabinet impérial, puis plusieurs d'entre eux assumèrent la fonction de régent. La gestion des affaires de l'Empire passa peu à peu sous le contrôle de leur administration familiale qui gérait également leur patrimoine foncier. La famille Fujiwara doublait à tout les niveaux les fonctionnaires impériaux.
Si les autres clans n'avaient pas une machine administrative aussi tentaculaire que les Fujiwara, ils avaient tout de même développé leur propre administration. Les prémices du système féodal étaient déjà en place.
L'avènement de la classe militaire
A mesure que les finances de l'Empire s'effondraient, maintenir une armée impériale conséquente devint de plus en plus problématique. Peu à peu, la gestion des questions militaires devint autant, si ce n'est plus, du ressort des familles nobles que de l'administration impériale. D'ailleurs, les shoên étaient à la fois la raison et le moyen de développer des forces armées : ils permettaient de payer et de nourrir les troupes, qui, entre autres, les défendaient contre les pillards, et les incursions des Emishi (tribus du Nord du Japon). Les milices privées, qu'elles soient sous les ordres des familles nobles ou des ordres religieux, marquèrent l'émergence d'une nouvelle classe sociale, celle des guerriers (bushi), plus tard appelés samouraï (ceux qui servent).
Les plus grande familles, qui contrôlaient des terres plus importantes, avaient également les armées les plus nombreuses, et par conséquent reçurent des titres militaires et le prestige correspondant de la cour impériale. Les clans Taira, Fujiwara et Minamoto, en particulier, occupaient le devant de la scène militaire. Une situation tendu s'installa, chacun des clans se méfiant des deux autres, mais aucun ne prenant l'initiative d'un conflit ouvert. Finalement, l'équilibre fut rompu par l'Empereur Go-Sanjô (1068-1073).
Ce dernier, contrairement à plusieurs de ses prédecesseurs, parvint à réduire le pouvoir des Fujiwara. Il instaura un registre officiel des terres, et comme une grande partie des terres des Fujiwara n'avait pas été correctement enregistrées auprès des autorités après avoir été rachetées aux petits propriétaires, le clan Fujiwara perdit une grande partie de ses terres et de ses revenus.
La rebellion de Hôgen (1156), soutenue par les Taira et les Minamoto, acheva de déposseder les Fujiwara de leur position dominante, les forçant à se retirer dans leurs bastions du Nord. Ils conservèrent leurs positions officielles, mais l'Empereur reprit le contrôle de l'administration, instaurant l'établissement d'un conseil impérial composé d'empereurs ayant abdiqué. Les divisions internes au clan accélérèrent sa chute. Pour la première fois, une guerre avait mit fin au pouvoir d'un grand clan.
La guerre de Genpei 1180-1185
Peu après la chute des Fujiwara, relégués à l'arrière plan, le poids de la puissance militaire dans l'arène politique allait de nouveau durement se faire sentir au cours de la première véritable guerre civile de l'histoire japonaise : la guerre de Gempei. Celle ci opposa les rivaux Taira et Minamoto, à partir de 1180. Les signes avant coureur d'un conflit d'envergure étaient déjà présents durant les décennies précédentes. En 1160, au cours de la révolte de Heiji, les Minamoto se soulèvent pour la première fois contre la mainmise des Taira sur la Cour impériale, et sont rapidement vaincus.
A l'époque, le clan Taira domine la politique impériale grâce à un leader qui resta dans l'Histoire : Taira no Kiyomori. Chef du clan, il a eu l'audace de prendre le contrôle de la région de l'actuelle Kobe, qui était à l'époque la plus grande route commerciale entre la Chine des Song et la capitale impériale de Kyoto. Ce faisant, il a acquis à sa famille une richesse et une influence considérable. Nommé Daijo Daijin (Ministre en chef du gouvernement, seconde autorité après celle de l'Empereur), et administrateur de l'Empire, Kiyomori était le chef de facto du pays, au point qu'il faisait et défaisait les empereurs (Nijo, Rokujo, Takaku,...).
Ce faisant, les Taira s'attirèrent la haine d'une large part de la Cour, qui jalousait leur puissance. Le frère de l'ancien Empereur Gosanjo, le prince Mochihito, lança la guerre avec l'aide du clan Minamoto, espérant renverser la domination des Taira. Ces derniers réagir à l'appel aux armes de Mochihito en déplacant la capitale à Fukuhara (Kobe), au cœur de leur fief.
Les armées des deux clans se rassemblèrent durant l'été 1180, et le premier choc eut lieu à la bataille d'Uji, une catastrophe pour les Minamoto. Le prince Mochihito fut tué, de même que le chef du clan Minamoto, Minamoto no Yorimosa, et ce malgré l'aide des moines-guerriers des monastères du Mont Hiei. Les armées Taira firent par la suite le siège de ces monastères et en détruisirent la plus grande partie. Après une seconde défaite le 14 Septembre 1180 à Ishibashiyama, les Minamoto battirent en retraite vers leur forteresse de Kamakura, sur la côte de la mer du Japon. En Février de l'année suivante, Taira no Kiyomori mourut, laissant la succession à son fils cadet. A partir du printemps 1181, la guerre se figea, alors que les deux camps, séparés par plusieurs centaines de kilomètres, et confrontés à des problèmes de ravitaillement à cause de mauvaises récoltes, refusaient l'engagement.
Finalement, après deux ans d'impasse, les troupes se remirent en mouvement durant le printemps 1183. Les Taira furent complètement écrasés par les Minamoto à Kurikara, alors qu'ils étaient mal préparés et leurs soldats mal entraînés. Peu à peu, les Taira furent piégés à Kyoto, et furent contraints de fuir vers leurs terres de l'Ouest de Honshu et de Shikoku. Malgré les conflits internes au clan Minamoto, entre Yoshinaka et son frère Yoshitsune, qui se disputaient la direction du clan, les Taira ne se remirent jamais des désastres de l'année 1183.
Après le siège de Ichi no Tani et de Dan no ura, ils furent finalement vaincus à la bataille navale de Shimonoseki, dans la mer intérieure. Le clan Taira fut complètement détruit, et le Shogunat de Kamakura fut mis en place. Le chef du clan Minamoto obtint le titre de Shogun, chef militaire du Japon. Après cette guerre, les shogun allaient détenir le pouvoir effectif et réléguer les empereurs au rang de symboles pendant près de 5 siècles. Le Japon entrait dans sa période féodale, et les samouraï devinrent la classe dominante.
1185. Le clan Taira a été défait, et le clan Minamoto se trouve désormais le plus puissant de l'archipel. La toute-puissance du clan Taira et sa mainmise sur les affaires de l'Etat ne sont plus qu'un souvenir. Néanmoins, le conflit a démontré la prééminence que le pouvoir militaire avait pris sur l'autorité impériale. Longtemps considérés comme de simples serviteurs du pouvoir, les samouraï commencent à former une sorte de caste guerrière, jouant un rôle de plus en plus important. Cet état de fait est consacré par une décision impériale peu après la victoire des Minamoto: accorder à Minamoto no Yoritomo le titre de Seii Tai Shogun, lui confiant ainsi les rênes du pouvoir.
Emergence des samouraï : l'ère Kamakura (1185-1333)
L'ère Kamakura débuta en 1185, lorsque Minamoto no Yoritomo, premier shogun depuis des siècles, établit le siège de son gouvernement dit du bakufu (gouvernement de la tente, en référence au fait que les chefs militaires y détenaient le pouvoir) à Kamakura, à une cinquantaine de kilomètres de l'actuelle Tokyo. Comme pour tout nouveau régime, la première chose que fit Yoritomo fut de consolider sa puissance. Il créa trois ministères essentiels à la gouvernance de l'état. Le premier gérait les finances et l'administration. Le second rendait ala justice en tant de paix et organisait la levée des troupes chez les vassaux du shogun entemps de guerre. Le denier s'assurait de la bonne application des decisions du shogun.
L'autre source de pouvoir du shogunat de Kamakura venait des terres sous son contrôle. Après la défaite des Taira, de nombreuses terres dans le centre et l'Ouest du Japon passèrent sous le contrôle des Minamoto, via confisquation. Les Minamoto distribuèrent ensuite ses terres parmi ceux qui allaient devenir leur vassaux, s'assurant ainsi leur loyauté. Ce fut la naissance du système féodal, et de la caste des samouraï, composée des propriétaires terriens et de leurs vassaux ayant juré fidélité, et combattant pour leur seigneur.
Alors qu'il établissait ce nouveau système, Yoritomo se trouva contraint de lutter contre ceux qui resistaient à ces changements. Le clan Fujiwara, possédant la majeure partie des terres du Nord du Japon, etait très ancré dans les valeurs traditionnelles, . Ils considéraient considérait les Minamoto comme des arrivistes qui mettaient en danger le pouvoir impérial lui même. Par ailleurs, les Fujiwara refusaient de devoir rendre des comptes à ceux qu'ils voyaient comme des rivaux. Finalement, la situation dégénéra jusqu'à l'éclatement d'une nouvelle guerre civile, bien plus rapide que la précédente, qui se solda en 1189 par la défaite de Fujiwara no Yasuhira et la fin du pouvoir des Fujiwara, qui ne s'en relevèrent jamais.
A la mort de Yoritomo, dix ans plus tard, en 1199, le paysage politique du Japon était méconnaissable. Si la vieille cour impériale se tenaient toujours à Kyoto, les nouvelles familles de propriétaires terriens vassales des Minamoto s'étaient regroupées à la cour de Kamakura. Pour la première fois, il y avait deux véritables centres de pouvoir au Japon.
Néanmoins (je crois que l'adverbe est mal choisi, j'aurais dit "Mais"), la mort de Yoritomo est également le début de la fin pour les Minamoto. Les dissenssions internes qui s'étaient déjà manifestées durant la guerre contre les Taira reprirent avec virulence. Son fils Yoriie lui succède à la tête du clan, mais il se révèle incapable de maintenir la mainmise des Minamoto sur le shogunat. Un clan guerrier, les Hôjô, mit alors la main, dans les premières années du 13e siècle, sur le poste de Régent (Shikken), et créa les postes de Tokuso et Renshô, des titres normalement honorifiques, mais qui leur servirent à dépouiller les shogun Minamoto de leurs prérogatives. Les Hôjo étaient de facto les nouveaux maîtres du pouvoir shogunal.
Bien que la position de shogun ait été créée en l'honneur de ceux qui défendaient le pouvoir impérial, le shogun en était venu peu à peu à empiéter sur le pouvoir de l'empereur. En 1221, L'empereur Gô-Toba déclara le second régent Hojo, Yoshitoki, hors la loi, et partit en guerre contre le pouvoir shogunal. Le clan Hojo et ses alliés écrasèrent les forces impériales en moins d'un mois, exilant Gô-Toba et ses fils. Cette révolte porte le nom d'incident de Jokyû, et marque la fin du pouvoir impérial, l'empereur étant réduit à un rôle symbolique.
Fort de leur succès, les dirigeants Hojo établirent un nouvel instrument politique en 1225, le Conseil d'Etat, où siégeaient les autres seigneurs, partageant le pouvoir judiciaire et législatif. Ce partage de pouvoir ne diminuait en rien l'importance du shogun et du régent, et leur permettait de donner aux autres clans la possibilité d'exercer une partie du pouvoir, réduisant les risques de coup d'état. En 1232, un nouveau code légal fut établi: contrairement aux règles en vigueur jusque là, entièrement basée sur les théories de Confucius, ce code, le Goseibai Shikimoku, était focalisé sur la création de lois et de peines précises en fonction des crimes, et dépourvu de toute portée philosophique, tout en étant bien plus clair et plus pratique d'usage.
Pendant environ un demi-siècle, les régents Hojo conservèrent le pouvoir sans que rien ne menace de les en déposséder. Jusqu'à ce que débute en 1274 la première invasion du Japon par les armées mongoles. . Depuis 1268, une nouvelle dynastie s'était établie en China, la dynastie Yuan, fondée par les mongols de Kublai Khan. Ce dernier entendait ajouter le Japon à la liste de ses vassaux, et leur envoya un ultimatum les sommant de se soumettre et de payer tribut. Ultimatum immédiatement rejeté par les régents Hojo. En 1274, une flotte de 600 navires, transportant environ 23000 mongols, chinois et coréens, équipés d'armes inconnues au Japon, telles les grenades, les fusées à combustibles,...débarquèrent dans le Nord de Kyushu.
Les samouraï perdirent rapidement du terrain, peu habitués aux formations de groupe employées par les officiers mongols. Mais moins d'une journée après le débarquement, la flotte mongole fut ravagée par un typhon. Kublai Khan lança une seconde invasion en 1281, mais après un débarquement apparemment réussi et quelques semaines de combat à Kyushu, une nouvelle fois la flotte fut détruite par un typhon. Les prêtres shinto japonais appelèrent ces typhons les kamikaze, les vents divins, venus défendre le Japon contre les envahisseurs étrangers.
Il est cependant probable que les typhons ne soient pas la seule cause de la défaite de Kublai. Les restes de navires retrouvés sur les lieux montrent de nombreux défauts...on estime en fait que les contructeurs navals chinois et coréens, espérant secouer le joug mongol, on construit des navires adaptés à la navigation fluviale, et non à la haute mer, encore moins à la tempête. De nombreux navires ont donc coulé là où des navires à coque plus adaptée auraient résistés.
Les invasions n'avaient pas laissé l'archipel indemne. Le coût financier de la levée des troupes et des préparations de défense avait mené à de nouvelles taxes, et la régence Hojo était de moins en moins populaire. Pour aggraver la situation, des bandes de rônin, des samouraï sans maître qui tombaient dans le brigandage pour survivre, commencèrent à semer le trouble à travers tout le pays. Pour tenter d'éviter le pire, les Hojo affaiblirent plus encore le pouvoir impérial en créant une seconde cour. La Cour du Nord et la Cour du Sud, issues de deux branches différentes de la famille impériale, étaient censées regner en alternance, ce qui aurait réduit davantage l'influence restante de l'empereur.
Si cette solution fonctionna pendant quelques décennies, en 1331, l'Empereur Go-Daigo de la Cour du Sud monta sur le trône, avec la ferme intention de se débarasser des régents Hojo et du shogunat. Les Hojo affrontèrent les forces loyales à l'empereur, mais furent défaits suite à la trahison de la famille Ashikaga, menée par Takauji, qui conduisit à la dispersion puis à la débandade des forces shogunales. En 1333, l'Empereur Go-Daigo rétablit le pouvoir impérial, pour une courte période appelée Restauration Kemmu.
La Restauration Kemmu (1333-1336)
Le succès de sa révolte permet à Go-Daigo d'atteindre son principal objectif: reprendre le pouvoir au shogunat et pouvoir véritablement gouverner sans avoir à tenir compte des militaires de Kamakura. Mais la restauration Kemmu fut de courte durée, principalement à cause d'une erreur stratégique de la part de l'empereur.. Ce dernier s'était cru soutenu par une grande partie de la classe des samouraï, et par les clans et famille militaires dites "loyalistes". En fait, les samouraï et clans loyalistes ne s'étaient pas tant engagés dans la révolte en soutient à l'empereur que pour mettre fin à la domination des Hojo. Résultat, après le rétablissement de l'empereur en tant que véritable dirigeant, Go-Daigo négligea de récompenser ses alliés, qu'il pensait acquis à sa cause. En omettant de rétribuer les samouraï, il perdit leur soutien, et bientôt de nouveaux troubles secouèrent le pays.
Par ailleurs, la majeure partie la classe guerrière est mécontente de ce qu'elle voit comme de l'ingratitude, les grandes familles militaires s'inquiètent des initiatives de l'empereur, qui souhaite rétablir un pouvoir purement composé de civils. On assiste à de violents affrontements politiques, particulièrement entre le prince Morinaga, descendant de l'empereur, et Takauji, chef de clan Ashikaga, chacun essayant de placer ses fidèles à des postes stratégiques. Peu à peu, Takauji parvint à se démarquer, et à se présenter comme le leader, le représentant des samouraï. Finalement, il fait emprisonner Morinaga sous prétexte de trahison et le fit emprisonner à Kamakura en 1335.
Cette année là, un évènement innattendu lui donna l'occasion dont il avait besoin. Un survivant de la régence Hojo, Tokiyuki, se révolta et parvint à reprendre temporairement le contrôle de Kamakura. Avant de devoir quitter les lieux, le gouverneur nommé par les Ashikaga ordonna l'exécution de Morinaga, de manière à faire retomber la faute sur les Hojo. Takauji demanda alors à l'empereur de lui accorder le titre de shogun pour qu'il mette fin à la révolte. Malgré le désaccord de Go-Daigo, Takauji quitta tout de même Kyoto pour Kamakura, et mit fin à la révolte Hojo. Lorsque l'empereur le somma de revenir, il répondit qu'il n'en avait aucune intention. A ce moment, il était clair que Takauji et les Ashikaga refusaient d'appliquer les ordres de l'empereur, et avaient prit la direction de la région de Kamakura, entrant en secession.
Rapidement, une armée impériale fut assemblée pour mettre à bas les Ashikaga, tandis qu'une seconde armée marchait vers Kamakura pour aider à la défendre. Le 17 Novembre 1335, le frère de Takauji envoya une série de missive à traver tout le pays, appelant tous les samouraï à venir défendre les Ashikaga contre la tyrannie de l'empereur. Au même moment, la cour impériale sommait les samouraï d'aider à vaincre les rebelles Ashikaga.
Lorsque la guerre proprement dite débuta, la plus grande partie des samouraï était convaincu que Takauji Ashikaga était le leader dont ils avaient besoin pour faire valoir leurs intérêts. Largement supérieures en nombre, les forces Ashikaga défirent les armées impériales, et le 25 Février 1336, Takauji entrait dans Kyoto et mettait fin à la restauration de Kemmu.
L'ère Muromachi (1337-1573)
Après plus d'un an de débats et de dissenssions, Takauji Ashikaga est finalement nommé Shogun en 1337. Les shoguns Ashikaga maintinrent leur règne pendant près de 250 ans, jusqu'en 1573. Cette période fut nommée Muromachi, d'après le nom du quartier où se trouvait le palais des shoguns, déplacé de nouveau à Kyoto en 1378 par le troisième shogun Ashikaga. Ce rapprochement géographique avait pour but de maintenir un contrôle bien plus étroit sur la cour impériale. Si le shogunat de Kamakura n'avait jamais véritablement éradiqué le pouvoir impérial, les Ashikaga allèrent jusqu'à détruire l'idée que l'Empereur devait régner directement, de manière à rendre la position de Shogun indispensable au bon fonctionnement de l'Empire.
Sous les shogun de Kamakura, la position de gouverneur était simplement celle d'un agent qui agissait au nom du shogun, mais au début de l'ère Muromachi, elle devint synonyme de pouvoirs étendus, obtenant quasiment tous pouvoirs sur les terres qu'ils dirigeaient, ne répondant qu'au shogun. Ces seigneurs, appelés daimyôs, devinrent rapidement les personnages politiques les plus puissants de l'Empire directement après la cour shogunale.
Les Ashikaga réunifièrent également, en 1392, la Cour Impériale séparée sous la régence Hojo, autre mesure pour contrôler le pouvoir impérial plus facilement.
Finalement, c'est la montée en puissance des shoguns qui amènera le déclin des Ashikaga...au point que les daimyôs purent soutenir directement certains des candidats à la succession impériale, facilitant ainsi l'accession au trône d'empereurs favorisant leurs intérêts, en général au détriment de celui du Shogun. A partir du quatrième shogun Ashikaga, l'influence des shoguns décline lentement, de même que leur prestige.
Officiellement, les Ashikaga demeurèrent au pouvoir jusqu'en 1573, mais longtemps avant leur chute, les signes de leur décadence se firent de plus en plus visibles. La guerre d'Ônin, entre 1467 et 1477, déclenchée par une querelle de succession impériale, débutant une période de troubles jusqu'alors inconnue au Japon. Une période de guerre civile où chaque famille, chaque clan ne défendait que ses propres intérêts, plongea le pays en plein chaos.
Cette période troublée est connue sous le nom de Sengoku-jidai, l'âge des pays en guerre.
1477. Le Japon est en plein chaos. La guerre d'Ônin vient de s'achever, mais les troubles ne s'apaisent pas. La dynastie Ashikaga, qui gouverne le pays au nom de l'Empereur, sous le titre de Seishi Taishogun depuis 1337, perd de son emprise, et se révèle incapable de mettre fin aux conflits qui émergent partout dans le pays entre les dizaines de familles et de clans de la noblesse. Le Japon perd peu à peu de sa cohésion, sombrant dans l'une des périodes les plus troublées de son histoire, le Sengoku-jidai, l'ère du pays en guerre. Une époque de bouleversement et de transformations sans précédent.
Les Nanban et la poudre
Le plus important de ces bouleversements est l'arrivé dans l'archipel nippon de marins portugais détournés par une tempête, sur l'île de Tanegashima, au Sud du pays, au cours de l'année 1543. Le choc fut profond, les japonais n'avaient jamais eu de contact avec les civilisations européennes, et les échanges furent au départ très limités. Les japonais appelaient les portugais « Nanban », ce qui signifiait « barbare du Sud ».
En quelques années, les portugais se mirent à importer au Japon des produits chinois, en particulier la soie, contournant un embargo imposé par l'Empereur de Chine en représailles aux actes de pirateries des japonais. Rapidement, le commerce s'intensifia. En 1571, le port de Nagasaki servait de comptoir commercial, et l'intensité du commerce avec les portugais explosa. Peu après, en 1578, le port fut cédé à perpétuité aux jésuites, suite à l'aide portugaise pour repousser une attaque contre le daimyô du clan Sumitada.
En 1600, ce fut au tour des Hollandais d'atteindre le Japon. Leurs rivalité avec les portugais mena à une compétition féroce pour obtenir le monopole du commerce avec l'archipel du Soleil Levant.
L'arrivée des occidentaux exposa le Japon a deux changements majeurs. Le premier était d'ordre technologique. En 1543, les usages militaires de la poudre à canon étaient presque inexistants au Japon. Cette simple invention allait considérablement modifier l'équilibre des forces. Soudain, les clans ayant accès aux arquebuses portugaises étaient en mesure de tenir tête à des voisins bien plus puissants.
Et l'accès à ces armes était aussi source de conflits. L'arrivée des portugais entraîna l'île méridionale de Kyushu dans un conflit féroce, jusqu'à ce que l'usage des arquebuses ne s'étende au reste de l'archipel. Elles étaient appelées tanegashima, en référence au nom de l'île où le premier contact avec les Nanban avait eu lieu. En 1560, les arquebuses étaient utilisées en masse sur les champs de bataille.
Outre les arquebuses, les occidentaux introduirent une seconde source conflit : la religion chrétienne. Six ans après le premier contact, une église était bâtie à Nagazaki. Saint François Xavier, patron de l'ordre des jésuites, entrepris de convertir les japonais. En 30 ans, plus de 130000 japonais, incluant la plupart des daimyo de Kyushu s'étaient convertis.
Malgré les verrous sociaux séparant les différentes castes sociales japonaises, le christianisme se répandit dans toutes les couches de la société, des plus pauvres aux nobles. Mais certains daimyos refusèrent de remettre le bouddhisme en cause, voyant cette nouvelle religion avec suspicion, comme un outil utilisé par les Nanban pour s'infiltrer au Japon. Des conflits en résultèrent, entre les daimyos pro-chrétiens et anti-chrétiens.
Gekokujo : l'humble vainc le puissant
Les guerres claniques qui déchirent le pays sont le théâtre d'événements jusque là inédit. Les clans anciens, puissants, respectés, les chefs de clans qui selon le système social japonais sont les maîtres de leurs vassaux perdent peu à peu du terrain, au profit de nouveaux clans dynamiques, et de chefs ambitieux. L'ordre établi est brisé par les rivalités internes, et ceux qui en temps de paix n'auraient pu que se soumettre à la volonté des familles dominantes luttent à présent pour en prendre la tête. Ce phénomène est appelé Gekokujo, qui peut se traduire plus ou moins par « l'humble vainc le puissant ».
Par conséquent, la guerre dégénère très rapidement, puisqu'elle a lieu non seulement entre les clans, mais aussi à l'intérieur des clans, entre les diverses familles et branches familiales pour prendre le contrôle des autres. Dans la région d'Echigo, au Nord de Kyoto, sur la côte de la mer du Japon, les paysans et roturiers se soulèvent, suivant le mouvement religion dit Ikko-ikki, (école bouddhiste de la « Terre Pure »), et prennent leur indépendance, avec l'aide de la petite noblesse et de rônins, des samourais laissés sans mettre par la guerre.
Dans la province d'Iga (la vallée du Crâne), les villageois se libérèrent de l'emprise des seigneurs féodaux, établissant une ligue (ikki), composée des paysans, des rônins et du clergé pour se défendre contre les agresseurs extérieurs. La région était notamment célèbres pour ses clans de ninjas.
En bref, ce phénomène qui accélérait la décomposition du pays en faction rivales fournissait aussi une occasion unique de mettre fin à l'immobilisme social qui avait conduit à la décadence de la dynastie Ashikaga.
L'unification du Japon : Oda Nobunaga (1534-1582)
De cette période troublée, trois hommes ambitieux et habiles émergèrent, pour unifier à nouveau le Japon sous une seule bannière. Le premier d'entre eux pris, en 1551, la tête du clan Oda, un clan mineur de la province d'Owari, dans le centre du Japon. Il s'appelait Oda Nobunaga.
A cette époque, le clan Oda était dans une situation délicate, vassal de Shiba Yoshimune, le gouverneur de la province, et divisé en plusieurs factions. Avec le soutien de ce dernier et d'un de ses frères cadet, Oda Nobumitsu, et malgré l'opposition de Nobutomo, un autre de ses frères, qui assassina Yoshimune pour priver Nobunaga de soutien. Celui ci finit par se débarrasser de son frère et rival à Kiyosu, avant de se servir du fils de Yoshimune comme marionette pour conclure une alliance avec un puissant clan voisin, les Imagawa. Au bout de huit années de conflit et après avoir abattu un autre de ses frères, Oda Nobunaga était finalement parvenu à unifier la province d'Owari sous sa direction en 1559.
L'année suivante, il du se défendre contre une incursion des Imagawa, qui marchaient avec 25 000 hommes vers Kyoto, alors que Nobunaga n'avait pu en rassembler que 3000. Contre toute attente et l'avis de ses conseillers, Nobunaga attaque les forces Imagawa, usant de mannequins de paille et du couvert d'un orage providentiel pour semer le chaos dans les rangs de ses ennemis. Ce fut la bataille d'Okehazama, durant laquelle le général Imagawa fut tué. Les Imagawa perdirent ensuite rapidement leur position, et Nobunaga en profita pour s'allier à l'un de leurs anciens vassaux, les Mitsudaira en 1561.
Entre 1561 et 1567, il employa ses efforts à s'emparer de la province voisine de Mino, détournant les vassaux du clan Saito de leur maître avant de finalement lancer une campagne-éclair qui balaya les Saito en quelques mois. C'est après cette victoire qu'il changea son sceau personnel en « Tenka Fubu », ce qui signifie : Le monde par la force des armes.
En 1568, à la demande d'un membre de la famille Ashikaga, Nobunaga se lança à la conquête de Kyoto, boutant rapidement le clan Miyoshi hors de la ville, et faisant de Ashikaga Yoshiaki le 15e shogun Ashikaga. Presque immédiatement, Nobunaga commença à restreindre les pouvoirs du shogun, augmentant du même coup sa propre puissance, et rendant clair aux yeux des daimyo qu'il entendait employer le shogun comme une marionnette.
Ce coup d'éclat est de trop pour les rivaux de Nobunaga. Mené par les Asakura, anciens maîtres des Oda, les Asai et les Ikko-ikki se lancèrent dans une agression concertée du clan Oda , leur infligeant de lourdes pertes. Finalement, avec l'aide de leurs alliés Tokugawa (anciennement Mitsudaira), les Oda contre-attaquèrent brisant les armées Asai et Asakura à la bataille d'Anegawa. Ensuite, Nobunaga, célèbre à l'époque pour ses sympathies chrétiennes, s'en prie aux bouddhistes qui s'étaient soulevés contre lui. Il brûla le temple Enryaku-ji en 1571, et mit le siège devant la forteresse de Nagashima. Finalement, la lutte contre les bouddhistes Ikko-ikki lui coûta plusieurs milliers de soldat et deux frères, et il finit par incendier le château en 1574, mettant fin à la résistance.
Dans le même temps, alors que Nobunaga était embourbé sur son flanc Ouest, le clan Takeda saisit l'occasion de l'attaquer depuis l'Est, en commençant par envahir les terres des Tokugawa, défaits à la bataille de Mikatagahara en 1573. Les Tokugawa parvinrent à ralentir les Takeda en organisant des raids nocturnes, et après la mort du chef de clan Takeda Shingen, ces derniers battirent en retraite. Dans le même temps, les Oda achevèrent les clans Asai et Asakura.
En 1574, Nobunaga se tourna vers l'Est, et avec les Tokugawa envahit les terres du clan Takeda, réduisant l'intégralité des forces Takeda à néant lors de la bataille de Nagashino, notamment grâce à un usage inventif des arquebusiers, disposés en triple ligne de feu pour permettre un feu continu. Les Takeda ne se remettront jamais de cette défaite.
Pendant trois ans, Nobunaga consolida ses positions, mais les Mori à l'Ouest brisèrent le blocus naval du château survivant des bouddhistes à Igashiyama, aussi le futur Toyotomi Hideyoshi, lieutenant de Nobunaga, fut envoyé à l'assaut du clan Mori. Cette même année 1577, le clan Uesugi mené par Uesugi Kenshin rassembla les clans du nord pour attaquer les Oda, leur infligeant une brutale défaite à Tedorigawa. Seule la mort de Kenshin mit fin à la seconde coalition anti-Oda.
En 1582, Nobunaga contrôlait la moitié du Japon, incluant Kyoto. La conquête des Mori se poursuivait, et les clans du Nord ne pouvaient plus opposer de résistance crédible. C'est en route vers le front Ouest que Nobunaga fut victime d'un coup d'état orchestré par Mitsuhide, un de ces lieutenants. Les troupes de Mitsuhide encerclèrent le temple Honno-ji où il séjournait, tuant Nobunaga et son fils ainé, semant le doute sur la succession.
Toyotomi Hideyoshi (1536/37-1598)
Après la mort de Nobunaga, la situation était confuse. Hashiba Hideyoshi se dressa pour mettre fin au chaos qui menaçait à nouveau. Cet ancien lieutenant de Nobunaga, fils d'ashigaru (la classe paysanne), avait commencé à servir Nobunaga en tant que porteur de sandales, un rang de serviteur très bas.
A la bataille d'Okehazama, il est dit que Nobunaga le remarqua, et se prit d'intérêt pour son serviteur à l'esprit vif. En 1564, il l'envoya rallier des déserteurs du clan Saito à la cause des Oda. En 1567, la bataille d'Inabayama fut emportée grâce à l'idée de Hideyoshi d'inonder la vallée dans laquelle le château était construit. En 1573, Nobunaga le fait daimyo d'un fief dans le Nord d'Omi, et par la suite Hideyoshi continuera à servir loyalement Nobunaga, menant pour lui une guerre contre le clan Mori entre 1577 et 1582.
Lorsqu'il apprit la nouvelle de la mort de la trahison de Mitsuhide et de la mort de Nobunaga, Hideyoshi conclut immédiatement un traité de paix avec les Mori, et retourna ses troupes contre celles des traîtres à la bataille de Yamazaki. Une fois son maître vengé, il fut temps d'organiser la succession de Nobunaga, lors de la rencontre de Kiyosu. Son fils aîné étant mort avec lui, plusieurs candidats à la succession étaient en lice : Oda Nobutaka, Oda Nobukatsu, et Oda Hidenobu. Hideyoshi choisit de soutenir ce dernier, avec l'aide de deux des trois conseiller du clan Oda. Par deux victoires rapides, il se débarrassa de Shibata Katsuie, avocat de Nobutaka, et parvint à instaurer un statut quo avec les Tokugawa défendant Nobukatsu.
Une fois son candidat installé à la tête du clan Oda, Hideyoshi commença à renforcer son emprise sur ce dernier, démarrant en 1583 la construction de sa propre forteresse, le château d'Osaka. Pendant cette période de calme relatif, il fut officiellement adopté par la famille régente des Fujiwara, recevant le titre de Kampaku (« régent »), et le nom de Toyotomi.
Profitant de sa position dominante, Hideyoshi se lança à la conquête du Sud, achevant de prendre le contrôle du Sud de Honshu, et renversant la domination du clan Chokosabe sur l'île de Shikoku. En 1587, il débarqua à Kyushu et, complètement opposé à la propagation du christianisme, bannit les missionnaires de l'île. Pour éviter la formation de nouvelles ligues (ou ikki), il interdit aux paysans et aux roturiers de porter des armes, et commença ce qui fut plus tard appelé la chasse aux sabres. Une fois son emprise établie sur le Sud, Hideyoshi se tourna vers l'Est une nouvelle fois, abattant le clan Hojo, le dernier grand clan indépendant, à la bataille d'Odawara. Ensuite, il offrit leurs terres du Kanto à Tokugawa Ieyasu si ce dernier acceptait de se soumettre, ce qu'il fit. Hideyoshi devint à cet instant le maître d'un Japon unifié.
Malheureusement, ses ambitions ne s'arrêtaient pas là. A présent que le pays était sous son contrôle, il songea à envahir la Chine des Ming, en s'assurant d'abord le contrôle de la Corée (Joseon à cette époque). Lorsque les gouverneurs de Corée, vassaux de l'Empereur de Chine, refusèrent les accords de libre-passage qu'il proposait, il élabora des plans d'invasion à partir d'août 1591.
En avril 1592, les troupes japonaises débarquaient sur le sol coréen, prenant Séoul sans réelle difficulté, et entreprenant la prise de contrôle des points stratégiques du pays, se divisant pour remplir cet objectif aussi rapidement que possible avant que la Chine ne réagisse. En quatre mois, ils avaient commencé à forcer une route vers la Mandchourie pour le printemps 1593. Mais une armée chinoise contre-attaqua, et repoussa les japonais jusqu'à Séoul, où la guerre s'enlisa.
Le bourbier de l'expédition coréenne déstabilisa Hideyoshi, et la naissance de son premier fils la même année entraîna une querelle de succession avec son neveu, tandis que la répression féroce du christianisme causait d'autres troubles. Une nouvelle invasion de la Corée lancée en 1598 échoua lamentablement, tandis qu'une épidémie de peste ravageait le pays, emportant Hideyoshi lui même le 18 septembre 1598. Le Japon était une fois de plus privé de chef.
L'ère Tokugawa Leyasu (1543-1616)
Allié de longue date des Oda, Tokugawa Ieyasu en était venu aux armes contre Toyotomi Hideyoshi, qu'il ne voyait pas comme un allié mais comme un rival. Cette rivalité de Tokugawa Ieyasu et de son clan avec Hideyoshi durait depuis quen 1584, les Tokugawa avaient pris le parti de Oda Nobukatsu à la succession de Nobunaga, contre le candidat de Hideyoshi. Finalement, leur conflit s'était soldé par un statut co et des négociations, faisant du fils de Ieyasu le fils adoptif de Hideyoshi.
La situation resta bloquée tandis que Hideyoshi s'assurait la maîtrise du reste du pays, jusqu'à ce qu'il propose en 1588 l'ancien fief des Hojo, la région du Kanto, au clan Tokugawa. Ieyasu s'empressa d'accepter, et là ou Hideyoshi espérait affaiblir son rival en le transplantant dans une région qu'il ne contrôlait pas Ieyasu y à vu l'occasion d'agrandir son domaine (passant de 5 à 8 provinces). Ieyasu parvint finalement sans difficulté à s'assurer la loyauté des anciens membres du clan Hojo, et entreprit de bâtir un nouveau fief dans la ville d'Edo, attendant son heure.
Celle ci vint lorsqu'en 1598, Hideyoshi mourut après l'avoir désigné, lui et quatre autres conseillers, régent de son fils Hideyori. Pendant un an, Ieyasu conclut des alliances avec les anciens ennemis de Hideyoshi, et après la mort de Maeda Toshiie, le plus respecté des cinq régents, il marcha sur le château d'Osaka où vivait Hideyori.
Les trois autres régents s'opposèrent à lui sous la direction de Ishida Mitsunari. Deux clans se formèrent rapidement, l'armée de l'Ouest, celle des pro-Hideyoshi, et l'armée de l'Est, les alliés du clan Tokugawa. En juin 1600, les Tokugawa se mirent en marche vers le Nord, contre le clan Uesugi, puis vers l'Ouest pour contrer l'armée marchant vers Fushimi, divisant ses forces sous le commandemant de son fils Hidetada, mais cette force secondaire pris du retard le long de la route du Tokaido, et ne fut pas présente lors de la plus grande bataille de l'histoire du Japon.
Le 21 octobre 1600, plus de 160000 s'affrontèrent dans la plaine de Sekigahara. Le combat est serré, mais les Tokugawa parviennent finalement à enfoncer le flanc droit de l'armée de l'Ouest, menant finalement à la déroute générale, éliminant d'un seul coup tous ses rivaux et prenant le contrôle du Japon. Le 24 avril 1603, une fois sa position consolidée et incontestable, il fut nommé shogun, débutant le dernier shogunat japonais qui durera plus de 250 ans...
Bibliographie
- Histoire du Japon médiéval, de Pierre-François Souyri. Tempus, 2013.
- Histoire du Japon: Des origines à nos jour, de Gérard Siary. Texto, 2022.
- Histoire du Japon et des Japonais. Des origines à 1943, d' Edwin o. Reischauer. Points Histoire, 2014.