RenaudotThéophraste Renaudot (1586-1653) était un médecin et journaliste français, fondateur de la Gazette de France. On lui doit aussi le Mont de Piété, les petites annonces, l’agence pour l’emploi, l’assistance publique, les journaux... Cet homme exceptionnel, chercheur et médecin qui soignait gratuitement les pauvres, a inventé la solidarité et le mutualisme. Longtemps oublié, il ressurgit dans nos mémoires par l’intermédiaire d’un prix littéraire créé par des journalistes français auquel il donnera son nom en 1925 : le prix Renaudot.

 

La vie de Théophraste Renaudot

Théophraste Renaudot nait en décembre 1586 à Loudun dans la Vienne. Protestant, il apprend le latin et le grec, puis en 1602 entreprend des études de médecine et de chirurgie à Paris. Alors qu’à Paris la médecine est trop traditionnelle avec ses trois « S » (le Séné, le Son et la Saignée), il opte en 1605 pour la célèbre université de Montpellier, réputée pour ses méthodes nouvelles et modernes utilisant des produits chimiques où il est reçu Docteur en Médecine à vingt ans.

Après des voyages en Espagne, en Italie, en Suisse et enfin en Angleterre, il s’installe en Ardèche, se marie, exerce la médecine et fait des recherches pour créer un médicament. Fréquentant le salon littéraire de Gaucher de Sainte-Marthe à Loudun, il fait la connaissance d’Armand Jean du Plessis de Richelieu ainsi que de François Joseph Le Clerc du Tremblay, communément appelé l’Eminence Grise de Richelieu. Ces deux grands personnages soutiendront Renaudot et favoriseront ses projets.

Après avoir publié le « traité des Pauvres » en 1612, il obtient un brevet royal pour le « Bureau d’Adresses » et un second de « Conseiller et Médecin Ordinaire du Roi » des mains de Louis XIII, ayant à peine vingt six ans, puis acquiert le titre de « Commissaire Général des Pauvres valides et invalides du Royaume » en 1618.

Finalement, il s’installe à Paris en 1626, se convertit au catholicisme et s’occupe des miséreux et des malades. Il établit un plan pour lutter contre la pauvreté, en créant un bureau de placement pour l’emploi des vagabonds à des tâches d’intérêt public, puis suggère d’occuper les très pauvres à ôter les boues des rues et enlever les ordures. Premier journaliste officiel en France, jouissant de la protection absolue du Roi et du Cardinal Richelieu, il fonde la « Gazette ». Ce journal hebdomadaire est une invention grandiose pour son temps, un organe d’information tout en étant un moyen de propagande pour l’état.

Les œuvres de Théophraste Renaudot

Le Bureau d’Adresses et de Rencontres

Le premier Bureau ouvre dans l’île de la Cité en 1630, à l’enseigne du Grand Coq. Rapidement, ce bureau fait office de lieu de placement, de dispensaire, d’enregistrement de demandes d’emplois, de propositions d’achat et de vente, de déclarations en tout genre, sachant qu’une annonce d’emploi, d’achat ou de vente coûtait seulement trois sous.

Selon son principe « l’expérience a appris que dans les affaires de la vie, un secours venu à propos avait toute l’importance d’un trésor », Renaudot édite la « Feuille du Bureau d’Adresses » permettant de mettre en relation les employeurs et les chercheurs d’emploi, les acquéreurs et vendeurs de biens, les fabricants d’artisanat et les clients ; en même temps, une ordonnance royale oblige les sans emplois à s’y inscrire à partir de 1633.

Devant ce succès, il ouvre un second bureau au Louvre en 1641 … qui marquera le début de ses problèmes avec la Faculté de médecine.

La Gazette

gazetteS’inspirant de la « gazetta » découverte à Venise lors de ses voyages, Renaudot, qui avait déjà instauré des conférences où l’on débattait de politique, de religion et de philosophie, propose le 30 mai 1631 les « Nouvelles, gazettes et récits de tout ce qui se passe au-dedans et au-dehors du royaume » sous le titre de « La Gazette ». Protégé par Richelieu et défenseur de ses idées, Renaudot peut ainsi diffuser officiellement les idées du gouvernement tout en annonçant les nouvelles parisiennes dans son grand hebdomadaire. Recevant le monopole d’exploitation, la Gazette absorbe son concurrent le libraire Martin et Vendôme. Le succès dû à la qualité du journal et la clarté des nouvelles, est tel que le tirage atteint huit cent exemplaires en 1640, de quatre à douze pages selon les semaines, au format quinze sur vingt trois centimètres et parait tous les vendredis.

A la mort de son Eminence Grise en 1638, Renaudot prend la direction du « Mercure de France », répertoire des principaux évènements annuels des années 1605 à 1610, créé en 1611. Il poursuit la publication jusqu’en 1643…c’est à ce moment qu’il perd ses protecteurs par la mort de Richelieu et Louis XIII…personne n’osant prendre partie pour lui, la Faculté interdit les consultations et conférences dans son Bureau qui fermera finalement en 1646.

Mazarin tente de prendre la suite de Richelieu et la Gazette poursuit ses publications très irrégulièrement pendant la Fronde. Laissant la rédaction du journal à ses fils (qui obtiendront d’ailleurs le monopole un peu plus tard), Renaudot accompagne la famille royale à Saint Germain pendant cette période bousculée. Bien que sa pension de Commissaire Général des Pauvres lui soit supprimée, il obtient le poste « d’historiographe du Roi » en remerciement pour sa fidélité.

La Gazette sera attribuée plus tard au ministre Choiseul qui la nommera « Journal Officiel » en 1762 ayant un caractère gouvernemental. Dénommée la « Gazette de France », elle paraitra deux fois par semaine puis aura un supplément publiant les débats et délibérations de l’Assemblée Constituante en 1787. Devenu quotidien en 1791, le journal prendra le titre de « Gazette Nationale de France » après l’exécution de Louis XVI et disparait en 1915. Et depuis 1925, personne ne l’oublie plus puisqu’un prix littéraire porte son nom.

Le Bureau d’Assistance ou « Mont de Piété »

Philanthrope, Renaudot soigne les pauvres et souhaite les aider. Il se base sur le modèle italien créé en 1462 à Pérouse par le moine Barnabé de Terni, légalisé par le pape Léon X en 1515, pour fonder son premier bureau d’assistance publique en 1637 sur Paris. Selon lui, c’est le meilleur moyen de répondre aux difficultés des pauvres et des nobles ruinés par les dépenses de cour et de guerres. On prête sur gages puis a lieu la vente aux enchères. C’est ainsi que nait le premier « Mont de Piété ».

Cette pratique est stoppée à la mort de Louis XIII et ce n’est que grâce à une ordonnance de Louis XVI en 1777 que le bureau sera rouvert, à l’angle de la rue des Blancs-Manteaux et rue des Franc-bourgeois, dans le quartier du Marais. Fermé en 1795, Napoléon Ier le relance en 1804 où il connaitra une période de prospérité. Rappelons que le surnom « Ma Tante » vient du Prince de Joinville, troisième fils de Louis-Philippe qui a du y déposer sa montre pour cause de dettes aux jeux. A sa mère, il prétexta l’avoir oublié chez sa tante…et l’expression « mettre au clou » remonte au temps où les objets étaient suspendus à des clous.

Cent ans plus tard en 1918, le Mont de Piété devient Crédit Municipal de Paris. Parallèlement aux prêts sur gage, l’établissement développe des activités bancaires. Sourions maintenant avec cette anecdote : en 2003, un lot de bijoux composé de deux colliers et d’une médaille était resté gagé pendant cinquante quatre ans, quatre mois et seize jours. Finalement, il a été récupéré par la famille de l’engagiste qui a payé pendant tout ce temps les intérêts du prêt !

Pour le deux cent trentième anniversaire en 2007, le Mont de Piété a fait sa Bonne Action en rendant un objet de trente euros à mille clients.

Les Consultations Charitables

RenaudotThéophraste Renaudot, désirant toujours aider les plus démunis, souhaite fonder une école libre de médecine à Paris. Soutenu par le Roi, il obtient les lettres patentes en 1640 pour son école et organise un laboratoire public pour les apothicaires. Là encore, la Faculté s’indigne et va sans cesse le persécuter. Un an après, le Roi lui accorde le privilège des Consultations Charitables. Organisées par les médecins, chirurgiens et apothicaires en lutte contre la Faculté, les consultations ont lieu d’abord tous les mardis, mais devant le nombre important d’indigents, elles deviennent quotidiennes. Renaudot imagine alors de créer un « hôtel des Consultations Charitables », une sorte d’hôpital où les étudiants apprendraient au chevet des malades…Louis XIII lui accorde alors un terrain dans le quartier du faubourg Saint Antoine en 1643.

La persécution de la Faculté de Médecine

Nous avons appris plus haut que la Faculté de Médecine, mécontente des actions de Renaudot le persécute sans cesse. A la mort du Roi et du Cardinal, ce médecin des pauvres se retrouve sans protecteurs. La Faculté va intenter un procès contre lui et ses collaborateurs au motif « d’exercice illégal de la médecine et utilisations de potions d’origine végétale à base d’antimoine ».

Comme première action, la Faculté s’en prend à ses enfants et leur refuse les diplômes mérités. Puis en mars 1644, le Parlement ôte tous les titres, monopoles et privilèges acquis par Renaudot. Il ne peut plus exercer la médecine, il ne lui reste que la Gazette et le Bureau d’Adresses. Révolté, il poursuit Guy Patin en justice. Tellement méchant et si fin, celui-ci est acquitté par les juges. Renaudot ne cesse de se battre et obtient la nomination de ses fils qui prendront sa défense et celle de l’antimoine, avec l’aide des étudiants.

Epuisé, malade, Théophraste Renaudot est frappé à plusieurs reprises d’hémiplégie. Il meurt le 25 octobre 1653, dans la misère, aux galeries du Louvre, là où il avait eu son logement en tant qu’historiographe du Roi. Enterré à Saint Germain l’Auxerrois, il ne verra pas que la Faculté de Paris adoptera à l’unanimité en 1666, le vin émétique à base d’antimoine ! De même que le musée installé en son honneur à Loudun, dans sa maison natale !

 

Pour aller plus loin

- Théophraste Renaudot : Journaliste et médecin du peuple – Pierre Roudy. Editions Bord de l'eau, 2006.

Théophraste Renaudot, créateur du journalisme en France, de Félix Roubaud. BNF, 2016.

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