Léon Blum était un homme politique et figure du socialisme français de l’entre-deux-guerres. Après la scission du congrès de Tours de 1920, il incarne le socialisme démocratique et légaliste. Suite à la victoire du Front Populaire aux élections législatives de 1936, il devient président du conseil et lance un vaste programme de réformes sociales. Confronté à un contexte international incertain et à des difficultés financières, il est contraint à la démission un an plus tard. Emprisonné par le régime de Vichy, on lui imputera la responsabilité de la défaite de 1940 lors du procès de Riom, sur fond d’antisémitisme.
Origines et premier pas en politique de Léon Blum
Léon Blum est né à Paris le 9 avril 1872, d'une famille de bourgeois israélites aisés. Il entra à l’École normale supérieure, qu’il abandonna rapidement pour faire son droit et devient auditeur au Conseil d'etat en 1895. Il fait, à la même époque, ses débuts comme critique littéraire à La Revue blanche et au Gil Blas. Il tient la chronique théâtrale à Comœdia et attire l’attention dès son premier livre Nouvelles Conversations de Goethe avec Eckermann (1901). Comme beaucoup d'hommes de sa génération, c’est à l’occasion de l’affaire Dreyfus qu’il commença à se mêler aux luttes politiques, et l'influence du bibliothécaire de l'Ecole normale supérieure, Lucien Herr, l’orienta vers le parti socialiste, auquel il apporta ses capacités de juriste.
En 1899, il participe pour la première fois à un congrès socialiste, et il sera, avec Jean Jaurès, un des fondateurs de L'Humanité. Cependant, de 1906 à 1913, il se tient pratiquement à l’écart de la politique, se consacrant à ses fonctions au Conseil d'État et à sa carrière littéraire. Maître des requêtes en 1907, il publie la même année son livre Du mariage, qui fît scandale en développant la thèse de l’instinct polygamique naturel et en préconisant l'expérience sexuelle pour les jeunes filles avant l’union légitime.
Chef de cabinet du ministre socialiste Marcel Sembat dans le gouvernement d’union sacrée (1914-1916), il est chargé en 1919 de rédiger le programme d’action du parti socialiste et il est élu député de la Seine (1919-1928).
Dirigeant du parti socialiste SFIO
Au congrès de Tours (1920), Blum fut un des leaders de la minorité hostile aux bolcheviques et, après avoir vainement essayé de maintenir l’unité du parti, il devint, sans occuper d’autres fonctions que celles de secrétaire du groupe parlementaire, le chef incontesté au nouveau parti socialiste, la Section Française de l'Internationale Ouvrière. Orateur écouté et respecté au Parlement, il reste cependant un intellectuel, porté vers les analyses abstraites, les attitudes morales et idéalistes.
Marxiste, il est surtout le disciple de Jaurès et il identifiera toujours le socialisme avec le sentiment de la solidarité humaine et les exigences profondes de la conscience. Enfin c’est un esthète, devenu chef de parti sans avoir été vraiment un militant, qui n’a eu que peu de contacts avec le monde ouvrier et que ses scrupules écarteront toujours des compromissions parfois nécessaires à l’homme d’action.
Détesté par la droite antisémite, qui aidera à sa défaite par Duclos aux élections de 1928, Blum rentre à la Chambre en 1929, à la faveur d’une élection partielle, et il restera député de Narbonne de 1929 à 1940. Dès 1924, lors de la formation du Cartel des gauches, il a orienté le parti socialiste vers la collaboration avec les radicaux, mais il s’en tiendra jusqu’en 1936 au « soutien sans participation ».
Tout en proclamant sa volonté révolutionnaire avec autant d’ardeur que les communistes, Léon Blum, dans les années 20, se séparait déjà nettement de ces derniers par son refus du centralisme et par sa thèse selon laquelle la conquête du pouvoir ne saurait être le fait d’une minorité révolutionnaire, mais doit être précédée par des réformes qui «accroissent non seulement le bien-être du prolétariat mais sa force d’extension, c’est-à-dire sa capacité révolutionnaire».
En 1926, notamment lors d’un discours au congrès extraordinaire de la S.F.I.O. à la Bellevilloise, il formula sa distinction célèbre entre la conquête et l’exercice du pouvoir. La conquête du pouvoir, c'est-à-dire la révolution, est indispensable pour la réalisation du socialisme, et Blum repousse l’idée que la S.F.I.O. puisse se contenter de gérer dans un sens réformateur et social l’État capitaliste. Cependant, les socialistes peuvent être aussi amenés à l’exercice du pouvoir, c’est-à-dire à la gestion, pour des objectifs limités, de l’ordre légal républicain ; en ce second cas, les socialistes, portés au pouvoir non par la révolution, mais par une majorité parlementaire, devront agir dans le respect des règles constitutionnelles établies, «légalement, loyalement, sans commettre cette espèce d’escroquerie qui consisterait à profiter de notre présence à l’intérieur du gouvernement pour transformer l’exercice du pouvoir en conquête du pouvoir».
Tels sont les principes qui devaient inspirer la conduite de Blum lors de son passage au pouvoir, en 1936-1937.
Léon Blum président du Conseil
Après la victoire du Front populaire aux élections de mai 1936, Blum, comme chef de la plus puissante des formations de gauche, accède à la présidence du Conseil. Son premier ministère (4 juin 1936 - 21 juin 1937) fut marqué par d'importantes réformes économiques et sociales : accords Matignon (7 juin 1936), institution des congés payés (8 juin) et de la semaine de 40 heures (12 Juin), instauration du contrôle direct de l’État sur la Banque de France (24 juillet), nationalisation des grandes usines de guerre (11 août), création de l'Office interprofessionnel du blé (15 août). Cependant, en raison de l’aggravation financière, Blum est contraint de procéder à une dévaluation du franc et d’annoncer une «pause sociale» (13 févr. 1937).
C'est le début de la dislocation du Front populaire, que l'attitude quelque peu hésitante de Blum en face à la guerre civile espagnole va précipiter : en effet, tout en proclamant sa sympathie pour les républicains, le président du Conseil socialiste a pris l'initiative, dès le 1er août 1936, d’inviter tes grandes puissances à pratiquer une politique de non-intervention qui ne tardera pas à tourner au profit de Franco, ouvertement aidé par l’Allemagne et par l’Italie.
L’alourdissement du climat social et l’hostilité des milieux financiers et industriels empêchèrent la poursuite de l’expérience Blum : le plan financier de juin 1937, qui devait se traduire notamment par un contrôle des mouvements de capitaux, se heurte à l’opposition du Sénat, où le président de la commission des Finances, Caillaux, porte l’attaque contre le gouvernement.
Blum songe un moment à demander au président de la République la dissolution de la Chambre et, pour les nouvelles élections qui suivraient, à réunir la majorité de Front populaire sur un programme de révision constitutionnelle qui diminuerait les pouvoirs du Sénat. Mais en raison de la gravité de la situation internationale et de l’opposition assurée des radicaux à un tel projet, Blum renonce et, dans la nuit du 20 au 21 juin 1937, démissionne, laissant déçu un immense espoir; s’appuyant sur une majorité hétérogène et limitée, il n’avait pu réaliser qu’un certain nombre de réformes sociales tout en restant dans un contexte d’économie libérale.
Fin de carrière
Vice-président du Conseil dans le cabinet Chautemps de juin 1937 à janv. 1938, il tente, en mars 1938, en face des périls extérieurs grandissants, de former un grand ministère d’union nationale allant «de Thorez à Louis Marin », mais, devant l’hostilité des modérés, il ne peut mettre sur pied qu’un dernier gouvernement de Front populaire, qui durera moins d’un mois (13 mars/8 avr 1938) : devant l'hostilité du Sénat à son projet d’impôt sur le capital, il remet à nouveau sa démission. Blum ne fera plus partie d’aucun gouvernement de la lIIe République. Après avoir autorisé deux socialistes à participer au premier ministère Pétain (juin 1940), il fait partie des quatre-vingts parlementaires qui refusent les pleins pouvoirs au maréchal (10 juillet 1940).
Peu après, le gouvernement de Vichy le fait interner administrativement au château de Chazeron, puis à Bourassol et le 15 octobre 1941, il est emprisonné au fort du Portalet. Traduit au début de 1942 en justice au procès de Riom, il fait face avec courage à l’accusation et contraint le gouvernement à suspendre le procès. De nouveau détenu au Portalet, il est livré par Vichy aux Allemands après l’invasion de la zone Sud et transféré avec sa femme en Allemagne, où il sera libéré par les Américains en mai 1945.
Rentré en France, il renonce à se présenter aux élections, mais continue à diriger le parti socialiste S.F.l.O. et à écrire dans Le Populaire, tandis que son livre A l’échelle humaine (1945) souligne tout ce qui sépare sa conception du socialisme de celle des communistes. A la fin de 1946, à la demande de Vincent Auriol, il forme un gouvernement provisoire, qui ne sera qu’un cabinet de transition (13 déc. 1946 - 16 janv. 1947), et cessera ses fonctions après l’élection de Vincent Auriol comme premier président de la IVe république.
La principale mesure prise par Blum lors de ce dernier passage à la tête des affaires fut une baisse autoritaire de 5% sur tous les prix industriels, agricoles et commerciaux (2 janvier 1947). Il reprit ensuite son poste d’éditorialiste au Populaire, où il dénonça notamment les dangers que le R.P.F., fondé par le général de Gaulle, faisait courir au régime parlementaire. La maladie le tiendra ensuite à l’écart du pouvoir jusqu’à sa mort le 30 mars 1950 à Jouy en Josas.
Bibliographie
- Léon Blum, biographie de Jean Lacouture. Points Histoire, 1979.
- Léon Blum - La morale et le pouvoir, de Frédéric Monier. Colin, 2016.