Biographie courte - Général et homme d’État français, Charles de Gaulle a été le chef de la France libre durant la Seconde Guerre mondiale et le fondateur et premier président de la Ve République. Pénétré du sens de l’histoire et animé par une volonté farouche de défendre et d’incarner son pays, il aura eu à diriger la France au cours des deux crises majeures que furent la seconde guerre mondiale et la guerre d’Algérie. Son œuvre et son action ont fait depuis sa mort en 1970 l’objet de récupérations diverses qui tendant à prouver la profonde originalité du personnage, mais aussi une certaine difficulté à cerner les ressorts profonds de ses décisions les plus controversées. Il reste cependant considéré comme l'un des très grands hommes du XXe siècle.
Charles de Gaulle, un officier ambitieux et clairvoyant
Charles de Gaulle naît le 22 novembre 1890 à Lille au sein d’un milieu aisé (aux origines en partie aristocratiques), profondément catholique. Son père, Henri, professeur d’histoire, de mathématiques et de lettres, lui inculque comme à sa fratrie (3 frères et 1 sœur) des valeurs solides et chrétiennes. Très tôt Charles s’initie à la littérature et à l’histoire et fait preuve de grandes qualités intellectuelles. Attiré par le prestigieux métier des armes, il entre à l’école de Saint-Cyr en 1908 et en sort fort bien classé en 1912. Il choisit pour arme l’infanterie et se retrouve affecté au sein du 33e RI (situé à Arras) commandé par un certain colonel Pétain…
La Première Guerre mondiale trouve Charles de Gaulle lieutenant. Si dès les premiers combats il fait preuve de courage physique (il est d’ailleurs blessé dès le 15 août dans des combats à Dinant) son caractère ne fait pas l’unanimité. Nommé capitaine à la tête d’une compagnie, il est réputé cassant, intransigeant et n’entretient pas toujours de bonnes relations avec ses subordonnées. De Gaulle exige autant de ses hommes que de lui-même et de distingue par un sens tactique aiguisé. Le 2 mars 1916, lors de violents combats à Douaumont sa compagnie est anéantie par les allemands et il est fait prisonnier. C’est le début de plus de deux ans de captivité en Bavière, une période que le jeune et ambitieux officier vivra très mal. Par cinq fois il tentera de s’échapper, sans succès…
Revenu en France la guerre terminée, Charles de Gaulle entend bien se faire un nom dans l’armée. Après un passage remarqué au sein de la mission militaire française en Pologne (qui affronte des troupes soviétiques menées par Toukhatchevski, un ancien compagnon de captivité de et futur maréchal), il enseigne à Saint-Cyr puis intègre l’école supérieure de Guerre. Sur un plan personnel il épouse Yvonne Vendroux, qui accompagnera ses jours jusqu’à sa mort et dont il aura trois enfants.
Les années 20 et 30 voient de Gaulle, bien introduit au sein des cercles militaires, politiques et culturels mettre sur pied des théories militaires avant-gardistes. S’éloignant progressivement du Maréchal Pétain son mentor, il se fait l’avocat d’une armée professionnelle et rompue à l’usage de la force mécanique qu’il pressent comme l’outil essentiel de la victoire dans toute guerre moderne.
L'entre-deux-guerres: des appels inécoutés
Si les écrits de Gaulle vont intéresser certains spécialistes étrangers (de Guderian à Liddell Hart), ils ne remportent guère l’adhésion des autorités françaises, si ce n’est quelques hommes politiques comme Paul Reynaud. Politiquement, il est à l’époque difficile de situer de Gaulle (qui comme tout militaire est astreint à un devoir de réserve). S’il entretient des affinités intellectuelles avec des milieux proches de l’Action Française et n’a guère de sympathies pour les dérives parlementaires de la IIIe République, on le sait aussi proche de chrétiens sociaux.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, de Gaulle, qui milite toujours pour un développement drastique de la force mécanique française, est colonel et commande le 507e régiment de chars de combat à Metz. Tirant les leçons du succès allemand en Pologne, il adresse un mémorandum énergique aux plus hautes personnalités politiques et militaires en janvier 40 afin de conjurer une défaite française qu’il pressent possible. Cependant il se heurte une fois de plus au conservatisme des élites sûres de la valeur de la stratégie défensive française.
Lorsque les allemands passent à l’attaque à l’ouest le 10 mai 1940, Charles de Gaulle prend dans la précipitation le commandement de la 4e Division Cuirassée de réserve. Cette formation blindée, théoriquement puissante, est en réalité en cours de constitution et manque de la souplesse propre aux Panzerdivisionen allemandes. Le colonel a beau l’engager avec détermination et talent dans des contre attaques à Montcornet et à Abbeville, ces dernières n’en échouent pas moins en raison d’un manque criant de moyens (infanterie d’accompagnement notamment) et du peu de soutien aérien.
Le 6 juin, de Gaulle, devenu général de brigade à titre provisoire, est nommé sous secrétaire d’état à la défense nationale par le président du conseil Reynaud. L’ambitieux officier est notamment chargé de coordonner les efforts français avec ceux des britanniques, en vue de la poursuite de la guerre. Cela lui vaut de rencontrer le premier ministre Winston Churchill, qui perçoit rapidement le potentiel politique du général français.
Opposé à la signature d’un armistice avec les allemands (ligne défendue, entre autres, par le maréchal Pétain alors vice président du conseil) il entre en dissidence le 17 juin, lorsque Pétain nouveau chef du gouvernement annonce aux français qu’il faut cesser le combat. Dans son appel du 18 juin 1940 diffusé par la BBC, Charles de Gaulle qui s’est établi à Londres, enjoint ses compatriotes à poursuivre la lutte aux côtés des Britanniques et à la rejoindre. La France Libre vient de naître…
Le chef de La France Libre et combattante
Si fin juin 1940, de Gaulle se retrouve de facto à la tête d’un mouvement politico-militaire allié du Royaume-Uni, ses moyens sont extrêmement limités. Bien peu de militaires français se sont ralliés à sa cause (ne s’oppose t-il pas à un gouvernement légal ? ) et le soutien de Londres lui est mesuré. Faisant fi des difficultés, le général qui révèle là ses qualités, se met à la tâche avec enthousiasme tant il a conscience de participer à une œuvre historique. En incarnant l’esprit de résistance au nazisme, le "connétable" sent bien qu’il joue enfin le rôle de premier plan dont il a toujours rêvé. Quoi qu’il en soit les débuts de la France Libre sont difficiles. Condamné à mort par contumace par Vichy, le rebelle de Londres s’il obtient le ralliement de certaines parties de l’empire français échoue devant Dakar en septembre 1940.
A partir de la fin de l’année 1940, la situation des Français Libres s’améliore lentement et les FFL font parler d’elles que ce soit face aux Italiens à Koufra (qui voit la figure de Leclerc émerger) et aux allemands (comme à Bir Hakeim), voire en affrontant les troupes de Vichy (en Syrie). Alors que le gouvernement de l’état français s’engage dans une politique de collaboration, la France Libre se structure (politiquement cela aboutira à la création du Comité National Français) et s’attache à organiser la résistance intérieure alors très divisée. Jean Moulin en sera le principal artisan jusqu'à son arrestation et son excécution en juillet 43.
Avec le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord Française (Opération Torch du 8 novembre 1942), de Gaulle se retrouve confronté à toute l'ambiguïté du soutien anglo-saxon à la France Libre. En effet, Churchill et surtout Roosevelt entretiennent de nombreux doutes à l’égard du général, allié imprévisible et intraitable sur la question du maintien du rang de la France. D’autre part Washington (et Londres dans une moindre mesure) n’ont pas coupé tous les ponts avec Vichy, qui fait toujours figure d’allié potentiel face aux allemands.
Ainsi après l’occupation du Maroc et de l’Algérie et en pleine campagne de Tunisie, les anglo-saxons imposent au chef de la France Libre un partage du pouvoir avec le général Giraud, officier compétent mais aux affinités maréchalistes. Cette diarchie censée diriger un Comité Français de Libération Nationale (CFLN) ne va pas durer longtemps, le général de Gaulle habile manœuvrier politique mettant Giraud sur la touche rapidement.
Juin 1944, voit le CFLN se transformer en Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF), institution qui (malgré les plans anglo-saxons) va présider à l’établissement d’une autorité politique et administrative française au sein du territoire métropolitain peu à peu libéré. Symbole de la renaissance française qu’incarne Charles de Gaulle, la participation des armées françaises à cette entreprise de libération, qu’il s’agisse de la 2e DB de Leclerc (qui s’est vu assignée très tôt les missions hautement politiques de libérer Paris et Strasbourg) ou de la 1ére armée française de de Lattre.
Revenu en métropole le 14 juin, de Gaulle devient une figure très populaire au sein de la population française (alors très attachée au maréchal Pétain) qui jusque là ne connaissait guère ce personnage. Avec un solide sens des réalités et beaucoup de détermination il établit un gouvernement républicain à la fois ouvert aux diverses forces de la résistance (dont il appliquera l’ambitieux programme social) mais ferme quant à l’unité de la direction politique du pays. La libération de Paris, et la descente des Champs Elysées le 26 août 1944 consacrent Charles de Gaulle comme la figure emblématique de la république française, dont l’épisode Vichyste est sciemment nié et qualifié d’illégitime.
Lorsque la guerre cesse en Europe le 8 mai 1945, le général jouit d’un prestige immense (et pas seulement en France) mais doit faire face au défi du retour à la paix, dans un pays ravagé par plus de 4 ans d’occupation allemande, par les combats et les bombardements. D’autre part le président du GPRF se confronte rapidement aux autres responsables politiques du régime qui souhaitent pour beaucoup le retour à un régime parlementaire classique. Le général qui est depuis longtemps partisan d’un exécutif fort, y voit là le retour des dérives de la IIIe République qu’il a tant déploré et démissionne de son poste le 20 janvier 1946.
La traversée du désert du général de Gaulle
Dans son discours de Bayeux de juin 1946, de Gaulle expose ses vues en faveur d’un régime républicain censé éviter les écueils du parlementarisme. Ces conceptions vont se retrouver à l’opposé de la constitution de la Ive République adoptée quelques mois plus tard par référendum.
Le général n’en renonce pas pour autant à jouer un rôle politique de premier plan et finit par fonder son propre parti : le Rassemblement du Peuple Français (RPF). Cette formation de droite à l’anticommunisme marqué se retrouve pourtant plusieurs fois aux côtés du PCF dans son opposition frontale au régime. Après un certain succès dans ses premières années, le mouvement va vite décliner. Il faut dire que la Ive République malgré ses imperfections, mène activement une politique de modernisation politique et sociale de la France qui s’accompagne d’une forte reprise de l’activité économique. La posture d’opposition quasi systématique du RPF, lui vaut la méfiance de beaucoup de français qui lui préfèrent les partis de gouvernement. A partir de 1953 le parti gaulliste entre en sommeil pour disparaître deux ans plus tard.
Cette période de désillusion pour le général de Gaulle n’en est pas moins fructueuse en ce qui concerne sa pensée. Dans son refuge familial de la Boisserie, le général rédige ses fameuses Mémoires de guerre, qui sont pour lui l’occasion de revenir sur les heures glorieuses de la France Libre et de présenter sa vision de ce que devrait être la France. Le grand succès de cet ouvrage prouve toute la popularité de la figure de Charles de Gaulle, qui met à profit cette « traversée du désert » de cinq ans pour préparer son retour en grâce.
La fondation de la Ve République
L’occasion lui en sera donnée par l’aggravation de la situation en Algérie au printemps 1958. La IVe République qui souffre d’une grave instabilité ministérielle, se révèle incapable de maitriser la situation qui menace de tourner à la guerre civile. Lorsqu’à la mi mai se crée à Alger un comité de salut public, de Gaulle est perçu comme un recours à la fois par les putschistes (dont beaucoup d’anciens FFL et vétérans de la seconde guerre mondiale) mais aussi par une partie du personnel politique parisien, qui l’estime seul capable d’éviter une dictature militaire.
Charles de Gaulle se dit alors prêt à « prêt à assumer les pouvoirs de la République« . Le 29, le président Coty l’appelle à former un nouveau gouvernement. Le général est revenu au pouvoir (dans des circonstances troubles) et va y rester près de onze ans.
D’emblée le général s’attelle à faire rédiger une nouvelle constitution répondant à ses vues politiques favorables à un exécutif fort. Ce sera celle de la Ve République approuvée par référendum le 28 septembre 1958 à une large majorité (79, 2%). Inspirée par les principes gaulliens énoncés à Bayeux le 16 juin 1946, la Constitution consacre la prépondérance de l’exécutif tout en maintenant le cadre parlementaire du régime républicain.
Le pivot du régime est le président de la République élu, à l’origine, par un collège de grands électeurs. Il est rééligible et irresponsable. Chef de l’État, il signe les traités, nomme aux emplois civils et militaires, il est chef des armées et dispose du droit de grâce ; il nomme le Premier ministre, Il peut dissoudre l’Assemblée, soumettre un projet de loi au référendum; enfin, l’article 16 lui permet, dans des circonstances graves, d’exercer les pleins pouvoirs. L’Assemblée nationale ne tient plus que deux sessions dans l’année, elle vote les lois, mais le gouvernement peut faire procéder au « vote bloqué » ; elle ne peut renverser le gouvernement qu’en adoptant une motion de censure.
Cette nouvelle constitution donne au général, les pouvoirs qu’il estime nécessaire pour mener à bien les tâches pressantes qui l’attendent : décoloniser, moderniser la France et surtout lui donner une place de premier plan dans le concert international.
Prestige de la France
Sa position sur la question Algérienne, que beaucoup ont qualifiée d’ambigüe évolue progressivement vers l’acceptation de l’indépendance de ce pays. De Gaulle a fini par percevoir le conflit algérien (une guerre qui ne dit pas son nom) comme une entrave au développement de la France et comme un obstacle à la réalisation de son programme de politique étrangère. Ainsi, après quatre années supplémentaires d’affrontements sanglants, l’Algérie accède à l’indépendance en juillet 1962. Parallèlement, il aura présidé au démantèlement de l’empire colonial en Afrique Noire, qui ne signifie pas loin s’en faut la fin de l’influence française dans la région.
Sur le plan intérieur la Ve République reste marquée par le renforcement de l’institution présidentielle (le président de la République sera élu au suffrage universel direct après la réforme de 1962) qui entraine une mutation profonde du fonctionnement des partis politiques. De Gaulle qui se veut modernisateur, lance la France dans de vastes projets d’infrastructures et de réformes économiques.
La France d’alors, vigoureuse sur le plan de la croissance, s’achemine sur la voie d’une société individualiste et de consommation, qui bouleversent les structures d’autorités et les repères moraux traditionnels. L’expansion économique sert aussi les grands desseins du général de Gaulle. De la mise en service de la Caravelle en 1959 au lancement du Redoutable en mars 1969, en passant par le lancement du France (1960), les bombes « A » (1960) et « H » (1968), la fusée Diamant (1965), l’adoption du « Plan Calcul » pour doter la France d’ordinateurs (1966), et le premier vol du Concorde en mars 1969, l’industrie fait preuve de sa haute technologie.
Sur le plan international le général, bien qu’ancré dans le camp occidental, mène une politique de prestige et d’équilibre entre les deux blocs. La France qu’il dote de son indépendance stratégique en la retirant du commandement intégré de l’OTAN et en lui donnant une force de dissuasion nucléaire, fait entendre sa voix sur les grandes questions du temps (guerre du Vietnam, conflit israélo-arabe etc..).
La politique étrangère gaullienne est aussi marquée par la réconciliation avec l’Allemagne Fédérale, étape clé d’une construction européenne dont de Gaulle perçoit l’intérêt mais à sa manière (refus de la supranationalité par exemple). Il appuie également la revendication indépendantiste des Québécois lors d’un voyage au Canada en 1967 (le fameux "Vive le Québec libre"). La même année, de Gaulle refuse l’entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté européenne, la jugeant trop proche des États-Unis.
De Gaulle à Versailles
Depuis son accession au pouvoir en 1958, le Général de Gaulle se sent à l'étroit au Palais de l'Elysée et rêve d'un endroit plus vaste. Il visite alors Vincennes, Fontainebleau, Compiègne tout en conservant un très bon souvenir de Versailles depuis plusieurs années. En effet, lorsqu'il fait ses études à Saint Cyr, il apprend l'épisode de la proclamation de l'Empire allemand dans la Galerie des Glaces en 1871, puis la signature du traité en 1919. Il participe au bal à l'Hôtel des Réservoirs en 1920 où il invite sa future épouse Yvonne. Enfin en 1945 alors qu'il est chef du gouvernement provisoire, il envisage de s'installer dans le Pavillon de la Lanterne.
Devenu Président de la République, ses fonctions l'amènent à recevoir des chefs d'état étrangers. Il cherche alors un site adéquat, un lieu pouvant accueillir des réunions européennes, éventuellement devenir la résidence du chef d'état français. Accompagné d'André Malraux ministre des Affaires culturelles, il fait une visite impromptue au château de Versailles en 1961. Le Général sent qu'il faut utiliser ce domaine. Après deux heures de promenade, tombant sous le charme du Grand Trianon, il choisit cet endroit et demande des travaux d'agrandissement et de restauration. Ses premiers hôtes sont le Roi des Belges Baudouin 1er et la reine Fabiola en mai 1961 pour un déjeuner dans la Galerie des Glaces, puis quelques semaines plus tard John F. Kennedy.
Alors que les travaux commencent en 1962, avec création de salon de réception, salon de musique, salon des Malachites, le Général ne conçoit pas d'accueillir ses hôtes sans avoir lui-même un appartement sur place ! L'architecte en chef Marc Saltet saute sur l'occasion : l'aile nord de Trianon-sous-bois deviendra Résidence du chef d'état français. Les travaux démarrent dès 1964 avec bureaux, salon, salle à manger au rez-de-chaussée et chambres à l'étage. Gérald Van Der Kemp conservateur en chef du domaine surnommé le « Commandeur » s'occupe du remeublement.
Diplomatie et prestige
Après l'inauguration qui a lieu en avril 1966, le Général visite le palais pendant plus d'une heure, félicitant André Malraux, puis l'architecte en chef du domaine Marc Saltet et le conservateur Gérald Van Der Kemp. Mais bien avant cette date, le Général accueillait déjà certains chefs d'état étrangers, tout en modifiant le protocole immuable (repas dans la Galerie des Glaces, café dans le salon de la Pendule et dans les Petits Appartements, spectacle à l'opéra Gabriel, sortie et visite du parc avec les Grandes Eaux).
Il fit construire des cuisines provisoires dans la Cour des Cerfs, puis en fonction de l'invité, le lieu du repas et les visites annexes changeaient. Ainsi le Roi des Belges Baudouin Ier et la reine Fabiola sont invités pour un déjeuner dans la Galerie des Glaces, le Chah d'Iran prend son repas dans la galerie basse au rez-de-chaussée, la Grande Duchesse du Luxembourg a droit a un déjeuner dans la Galerie des Glaces puis un gala à l'opéra, alors que les Kennedy bénéficient d'un dîner d'Etat dans la même Galerie puis d'un spectacle à l'opéra.
Finalement, le Général reçoit peu ; il faut attendre l'arrivée de Georges Pompidou, puis de Valérie Giscard d'Estaing pour que Versailles ait enfin un vrai rôle de Résidence et lieu de réception pour les hôtes de la France. On peut noter parmi leurs invités : la reine Elizabeth II en 1971, le roi Fayçal d'Arabie Saoudite en 1973, Jimmy Carter en 1978. Comme le Roi Soleil, Charles de Gaulle s'est bien vite rendu compte qu'une visite ou un séjour dans cette demeure pouvait grandement impressionner les visiteurs...
«Dix ans, ça suffit!»
En 1968, Charles de Gaulle dont la position n’est plus aussi assurée que 10 ans auparavant (rappelons qu’il a été mis, à sa grande surprise, en ballotage à l’élection présidentielle de 1965) ne perçoit pas que le développement économique et la croissance (inégalement partagée) n’entraine pas pour autant l’adhésion de la population à son politique. La crise de mai 1968, révèle tout son désarroi face aux mutations de la société française, dont une partie importante de la jeunesse et des milieux populaires ne se reconnait plus dans l’homme du 18 juin.
Politiquement mai 1968, profite surtout au premier ministre Pompidou , à qui l’on doit la gestion quotidienne de la crise. Malgré le succés gaulliste des élections législatives de juin 68 (le pays aspirant à un certain retour à l’ordre), le général estime devoir mettre en jeu une fois de plus son autorité lors d’un référendum sur la réforme du Sénat de la régionalisation en avril 1969. Le projet timidement soutenu par une majorité de plus en plus indocile est repoussé par les français. Le général, conformément à ses annonces, démissionne alors (28 avril 1969) de ses fonctions de Président de la République.
Réfugié une fois de plus à la Boisserie (si l’on excepte un voyage en Irlande et un autre controversé en Espagne), Charles de Gaulle s’attelle à la rédaction du second volet de ses mémoires : Mémoires d’Espoir. Une rupture d’anévrisme l’emportera le 9 novembre 1970…aux dires du président Pompidou sa mort « laisse la France veuve ».
Charles de Gaulle - Entre mythe et désillusions
Le général de Gaulle reste encore aujourd’hui un personnage complexe aux multiples facettes dont il n’est pas facile de tirer le bilan. Si la geste de la France Libre ne soulève que peu de critiques, c’est loin d’être le cas pour son retour au pouvoir après 1958. La question algérienne et les changements d’attitude du général (certains parleraient plutôt de reniements, voire de trahison) révèle les ambiguïtés d’un homme, dont les racines se rattachent à la fois à a droite nationaliste et au christianisme social. Chef d’état, Charles de Gaulle aura fait passer ce qu’il estimait être l’intérêt supérieur de la France avant le respect de certaines fidélités et valeurs, avec ce que l’on pourrait qualifier de cynisme.
L’homme de 1958, aurait donc t-il été différent de celui de juin 1940 ? C’est certainement méconnaitre l’action du rebelle du 18 juin, qui à l’époque s’était refusé à se soumettre aux autorités militaires et politiques de son pays et ce malgré ses devoirs d’officier. Toute sa vie il aura gardé à l’esprit une certaine idée de la France, qu’il s’estimait devoir incarner et y aura sacrifié beaucoup, dont de nombreuses amitiés. A sa manière prophète parfois incompris de ses contemporains, il aura choisi une voie solitaire et originale de l’exercice du pouvoir.
En 1986, la France honore Charles de Gaulle en donnant le nom de ce dernier à son premier porte-avions à propulsion nucléaire.
Biographie
- De Gaulle, biographie en 3 volumes de Jean Lacouture. Seuil, 2010.
- Charles de Gaulle, de Éric Roussel. Tempus, 2020.
- De Gaulle: Une certaine idée de la France, de Julian Jackson. Points, 2021.