La « Nuit des Longs Couteaux » a été le cadre d'une épuration sanglante effectuée au sein du parti nazi par le chancelier Adolf Hitler dans la nuit du 29 au 30 juin 1934. Elle a principalement visé des opposants internes du parti, mais aussi et surtout les Sections d'Assaut (SA) d'Ernst Röhm, qui avaient pourtant largement contribuées à la prise du pouvoir par Hitler un an auparavent. Les SA et leur chef représentant désormais une menace pour les chefs de l'armée allemande comme pour le nouveau régime hitlérien, leur élimination est décidée lors de cette fameuse nuit.
Les SA, l’armée brune de Röhm
Depuis leur création en 1921, les SA (Sturmabteilungen : Sections d’assaut) ont joué un rôle ambivalent au sein de la constellation d’organisations gravitant autour du parti National-Socialiste. Ses premiers membres, souvent d’anciens combattants, s’étaient vus à l’origine confier la mission d’assurer la sécurité des rassemblements du parti. Avec la montée en puissance de ce dernier et sous l’impulsion de leur ambitieux chef : Ernst Röhm, la SA devient peu à peu une force de plusieurs centaines de milliers d’hommes. Ses miliciens, revêtus de leur chemise brune font bientôt régner la terreur parmi les opposants à Hitler, affrontant régulièrement les autres formations paramilitaires que connait la République de Weimar.
Se réclamant de l’esprit socialisant de la camaraderie des anciens du front les SA ont pu se développer grâce à un afflux de chômeurs désœuvrés et de déçus des mouvements socialistes traditionnels. Lorsqu’Hitler accède à la chancellerie en janvier 1933, nul doute qu’ils forment une manière d’aile gauche du nazisme. D’ailleurs Ernst Röhm, affiche publiquement ses préférences plébéiennes. Il critique ainsi les concessions que le Führer a faites aux conservateurs et aux industriels, réclamant un volet purement socialiste à la révolution nazie. D’autre part, lui l’ancien capitaine bavarois, se rêve en chef d’une armée populaire dont la SA formerait l’ossature et qui verrait disparaître l’armée d’inspiration prussienne d’alors.
L’ultimatum de l’armée et le coup d’Hitler
Hitler a son habitude a longtemps hésité avant de prendre des mesures à l’encontre de cet homme, qui lui fut si utile pour sa prise de pouvoir. D’autre part il redoute, avec raison, la capacité de nuisance de la SA. Ce sont les milieux conservateurs et l’armée qui vont le pousser à l’action. Au printemps 1934, le vice chancelier Von Papen dénonce dans un discours à Marburg la menace de la « seconde révolution » voulue par Röhm. Hitler est alors en mauvaise posture après l’échec de sa visite à Mussolini (le 15 juin) et redoute qu’une nouvelle provocation de la SA puisse convaincre les conservateurs qu’il n’est plus l’homme de sa situation. Cette crainte devient certitude le 21 juin 1934.
Ce jour là Hitler rencontre le chef de l’armée Von Blomberg, qui lui affirme que l’armée est prête à s’emparer du pouvoir en accord avec le président Hindenburg afin de mettre un terme au péril SA. Hitler n’a plus le choix et conforté dans son choix par Goering, prend sur lui d’éliminer Röhm et de conjurer une hypothétique « seconde révolution ».
A l’aide des services de renseignement de la SS d’Himmler (qui voit là l’occasion de se débarrasser d’un rival, même si Röhm fut son mentor), il fait mettre sur pied un dossier de preuves démontrant la préparation d’un coup d’état par le chef de la SA et son entourage. La constitution de ce dossier, est aussi l’occasion de dresser des listes d’opposants à abattre, pour certains totalement étrangers aux hypothétiques manigances de Röhm.
La nuit des longs couteaux
L’action est fixée pour la nuit du 29 au 30 juin et sera assurée par la SS (initialement la garde du Führer et jusque là statutairement dépendante de la SA) avec le concours logistique de l’armée. Une réunion des responsables SA prévue à Bad Wiessee (à 50 km de Munich) sera l’occasion de décapiter la milice. Il y a d’ailleurs urgence, car les « chemises brunes » se doutent du coup qui se prépare et manifestent violemment leur mécontentement le 29 en plein Munich.
Lorsqu’Hitler arrive dans la capitale Bavaroise le lendemain, il fait preuve d’une détermination sans failles. Faisant irruption dans les suites des chefs SA encore abrutis par les excès alcooliques de la veille, il les fait mettre aux arrêts par des SS. Röhm lui-même n’échappe pas à ce réveil brutal. Comme ses hommes il connait le sort qui lui est réservé. Refusant le suicide qu’on lui propose, il est exécuté le lendemain.
Avec lui ce sont près d’une centaine de personnes qui vont disparaitre. Des SA bien sûr, mais aussi des opposants d’obédience politique diverse, de l’ancien chancelier et général Von Schleicher à Gregor Strasser tenant du nazisme de gauche. Les séides d’Hitler ont frappé autant en Bavière, que dans le reste du pays, notamment à Berlin ou Goering a fait preuve d’un zèle à toute épreuve.
Un pas de plus vers le totalitarisme
Avec la Nuit des Longs Couteaux le chancelier nazi parvint à décapiter la SA, qui ne serait bientôt plus qu’un instrument docile entre ses mains. Rassurant de nombreux allemands inquiets de l’agitation perpétuelle entretenue par les chemises brunes, elle permit aussi à Hitler de retrouver la confiance des milieux d’affaires et de l’armée. Cette dernière ne tarderait d’ailleurs pas à s’aligner servilement sur le régime, à l’occasion de la mort d’Hindenburg un mois plus tard.
Les militaires ne soulèvent pas d’objection lorsque Hitler propose de cumuler les fonctions de chancelier et de Führer, ce qui est confirmé par le plébiscite du 19 août. Mais la victoire de l’armée de métier sur la milice du parti est trompeuse, car les SS d’Himmler, maintenant débarrassées des SA, deviennent une menace encore plus grande pour les institutions allemandes que ce qu’auraient pu l’être les SA désordonnées de Röhm.
Bibliographie
- La Nuit des longs couteaux : 29-30 juin 1934, de Max Gallo. Texto, 2020.
- La nuit des longs couteaux : histoire d'une intox , de Jean Philippon. Armand Colin, 1995.