Le jouet existe de tout temps, depuis que l'homme a utilisé des petits cailloux pour s'amuser. Mais ce n'est qu'au Moyen-âge que l'artisanat du jouet débute réellement. Grâce aux archives des métiers et corporations, aux Mémoires, aux comptes royaux, aux inventaires après décès, on en apprend un peu plus sur cet objet de convoitise réservé aux enfants.
Le rôle éducatif du jouet
Le mot jouet existe dans la langue française en 1523, écrit « jué » dans l'inventaire de Marguerite d'Autriche, mais entre seulement et définitivement dans la langue française vers 1690. En effet, les protestants ont depuis longtemps accepté ce mot et son usage, ayant un rôle éducatif pour l'enfant, alors que les catholiques refusent cet objet, pris comme frivole et pervers dans l'éducation et la morale. On trouve également le terme « bimbelot », devenu bibelot, mais dont l'origine est italienne avec les termes « bambo » ou « bimbo ».
Les représentations sont nombreuses dans l'art : les marionnettes représentant des chevaliers armés dans le « Hortus deliciarum » au XII è siècle ; Brueghel et ses « Jeux d'enfants » en 1560 ; Chardin qui retransmet admirablement la concentration dans « le château de cartes » ou de « l'enfant au toton » ; le graveur Le Bé réalisant un album regroupant une centaine de jeux et trente-un jouets ; en 1657, la nièce du peintre Stella propose « les jeux et plaisirs de l'enfance », gravés sur cuivre, composés de 50 planches, regroupant 69 jeux dont des nouveaux comme les fléchettes, la sarbacane, les carrosses avec poupées.
A chaque âge son jouet : le hochet pour le bébé, le cheval bâton et le moulinet à vent pour les gamins qui courent et le sabot pour les plus grands. Le jouet prend de plus en plus de place et d'importance chez l'enfant ; des publicités apparaissent vers 1760 et des listes avec plus de 90 jeux et 20 jouets différents. Rousseau conseille d'utiliser l'amour que la fillette porte à sa poupée pour lui apprendre la couture et démontre ainsi son rôle éducatif. A la fin de l'Ancien régime, le jouet est présent dans presque tous les milieux sociaux.
Fabrication des jouets en bois, en terre cuite, en os...
Dès le Moyen-âge, les colporteurs passent dans chaque village avec des hottes pleines de jouets variés. Les vanniers-tourneurs de Paris reçoivent le privilège de fabriquer des jouets qui sont vendus par les bimbelotiers et les merciers, principalement des poupées, quelques jouets en bois comme les flutes, les sifflets, les billards pour le palmail, les balles, des objets fabriqués en terre cuite. Les deytiers fabriquent des dés et travaillent l'ivoire ; on les trouve surtout près des tripots et du marché Saint-Ger ; d'autres vendeurs sont installés aux abords des églises, spécialisés dans les hochets pour les nourrissons faits avec de l'os ou des dents de loup.
Mais les artisans de Paris sont limités dans leur fabrication. Ils laissent le monopole aux jouets fabriqués par les tablettiers du Limousin, les sculpteurs et tourneurs de bois du Jura et les mécaniciens de Nuremberg en Allemagne. Le buis, vendu peu cher à l'étranger, est travaillé afin d'obtenir de beaux objets revendus très chers en France. Les jouets à mécanisme proviennent eux aussi d'Allemagne (moyennant un droit d'entrée en France de 2 livres du cent en 1692), dénommés « hambourgeries et clincailleries », avec entre autre les toupies, les figurines sur ressort sortant de petites boites après avoir pressé sur le bouton magique, les crécerelles, les moulinets garnis de perles. Au XII è siècle, les beaux jouets sont en verre de Venise, en cyprès d'Irlande. Les pingniers et lanterniers du Limousin assurent la fabrication de peignes en ivoire, de bilbouquets, d'échiquiers mi-ivoire mi-ébène réservés aux seigneurs et aux rois, comme en attestent les comptes royaux de 1385 et les lettres de Charles VI en 1407.
Les poupées
L'ancêtre de la poupée est le pantin, tenu et manié par des fils, qui sera très à la mode en France vers 1746. Les Arabes d'Espagne étaient maîtres dans ce genre, mais rapidement le procédé et la technique consistant à fabriquer des figurines en carton pâte, en mélange de terre, papier et plâtre, sont repris par les artisans de Nuremberg puis par les bimbelotiers de Paris pour en faire des poupées.
Les poupées parisiennes étaient déjà célèbres et vendues très chères en 1529. Réservées le plus souvent aux enfants nobles, elles étaient en bois et en chiffon. Quelques années plus tard, elles font office de mannequin et servent à promouvoir la mode française à l'étranger, lorsque Claude de France, duchesse de Lorraine et fille de la duchesse de Bavière en reçoit quelques unes ; de même, de belles poupées sont envoyées à la reine d'Espagne en 1696.
Elles sont de plus en raffinées, conçues en cire, avec les yeux en verre, les cheveux teints, mais deviennent de plus en plus fragiles
Les métiers des jouets
En 1137, les merciers vendent de la dentelle, des étoffes, des broches, puis quelques babioles pour les enfants à partir du XIV è siècle, mais surtout des objets peu chers. Hormis les fabricants spécifiques cités plus haut, l'industrie du jouet ne progresse pas, les ouvriers et les marchands ont donc des activités annexes comme le modelage de corniches des hôtels particuliers !
Au XVII è siècle, les merciers se spécialisent et deviennent des marchands joailliers, marchands quincailliers, marchands bimbelotiers afin de montrer qu'ils ne fabriquent pas mais revendent uniquement. En 1608, des arrêtés autorisent les poupetiers à fabriquer, enjoliver et vendre des poupées. Peu nombreux, ils disparaissent et les merciers reprennent ces activités.
Cent cinquante années après, la vente de jouet devient un commerce à part entière et la corporation des merciers obtient le monopole de la fabrication et de la vente de tous les jouets au XVIII è siècle, comme on peut le lire dans l'Almanach de Roze de Chantoiseau confirmant qu'en 1769 « nombre de merciers sont devenus fabricants dans des domaines très divers » ou encore dans l'Almanach du Dauphin de 1777, racontant que le marchand en vogue était le sieur Juhel, rue Saint-Denis qui tenait « un des plus fameux magasins de jouets d'enfants, de poupées à ressort et autres joujoux ». Il était le marchand de jouets des Enfants de France. Dans son inventaire après décès, on constate que les jouets formaient 86% de la valeur de ses marchandises, qu'il avait des clients dans 38 villes et plus de 230 000 jouets en stock.
Les gros vendeurs détrônent ainsi les anciennes petites merceries de la galerie du Palais de justice à Paris. Les boutiques sont belles, possèdent des meubles à tiroirs, des vitrines pour les objets précieux et des tapis au sol. Là, on trouve des jouets très variés pour toutes les bourses : de un sou à neuf livres ; deux deniers pour une trompette en bois tourné, un sou six deniers pour un carrosse avec un cheval.
Les jouets des enfants rois
Charles VI jouait en 1383 avec un canon de bois, un « petit engin à traire », des vessies de bœuf servant de ballon. Louis XIII reçut des automates, des jouets en argent considérés comme les premiers soldats en plomb. On offrait à Louis XIV une armée entière de petits soldats avec infanterie, cavalerie et armes de guerre pour une valeur de 50 000 écus. Pour son fils, ce fut une petite armée sous forme de cartes, ornées de fines peintures, valant 29 000 livres, la moitié de ce qui était nécessaire pour équiper une compagnie de vrais soldats à la fin du XIX è siècle !
Pour aller plus loin
- Jeux et jouets à travers les âges, de Catherine Breyer. Safran, 2010.
- Histoire Des Jouets Et Des Jeux D'Enfants, d' Edouard Fournier. Nabu press, 2011.