Nous savons les films hollywoodiens généralement peu respectueux de la véracité historique tout particulièrement lorsqu’ils abordent des périodes comme le Moyen Âge. Le Dernier des Templiers réalisé par Dominic Sena n’y fait pas exception. Bien au contraire, il nous embarque dans un film fantastique oscillant entre horreur et heroic fantasy dépourvu du moindre templier.
Synopsis
L’action se situe au XIVe siècle. Suivant le synopsis français, Nicolas Cage campe un templier, ayant perdu la foi envers Dieu et rongé par le remord des actes commis pendant les croisades. Il déserte ainsi suivi de son compagnon joué par un toujours sympathique Ron Perlman et rentre dans une Europe dévastée par la peste. L’épidémie aurait pour source les malédictions et sortilèges d’une sorcière. Capturé par les forces d’un cardinal, notre dernier templier se voit chargé d’une ultime mission, celle d’escorter ladite sorcière dans un lointain monastère afin de la juger et qu’un rituel purificateur soit accompli sur elle.
Marketing, communication et templier
Le Dernier des Templiers n’est pas un film historique, il n’en a d’ailleurs aucunement la prétention. Il n’en demeure pas moins qu’on ne peut légitimement laisser l’histoire ainsi bafouée. La première grande vague de peste frappe l’Occident entre 1348 et 1352, date où l’action principale du film se déroule plus ou moins. Préalablement, ce sont les croisades que nous montre le film à travers des scènes de guerre : le siège de Tripoli en 1334 ; la bataille d’Imbros en 1337 ; la bataille de Artah en 1339. Pour autant, toutes ces batailles sont fictives et pour cause ! La dernière croisade date de 1270-1271 et la perte définitive de la Terre sainte remonte à 1291, année généralement prise en compte comme fin « officielle » des croisades.
L’ordre même du temple n’existe plus, dissous suite au célèbre procès en hérésie se terminant en 1312. Notre héros apparaît donc bien seul pour défendre un ordre dont il ne fait d’ailleurs pas partie. Ne vous laissez pas abuser par le titre français du film, très éloigné du titre original Season of the Witch – littéralement la saison de la sorcière – car il ne s’agit sans nul doute que d’une simple question de marketing et de communication : hormis les 10 premières minutes du film se passant en Orient, il n’y a aucun templier dans ce film. Nicolas Cage joue dans la version originale un simple chevalier croisé en quête de rédemption et aucunement un membre de l’ordre du Temple.
Tout ceci peut être néanmoins considéré comme de simples égarements historiques et surtout commerciaux dirons-nous avec euphémisme par rapport aux nombreux et intolérables clichés sur le Moyen Âge dont les deux principaux sont tout naturellement la justice médiévale et la sorcière.
Sorcellerie et justice
Ils nous avaient d’ailleurs manqué ces deux clichés, la justice aveugle, inhumaine et la sorcière qu’il convient d’éradiquer. A ce titre, la scène d’ouverture montrant l’exécution de sorcières d’une façon peu commune au début du XIIIe siècle frise un rare ridicule. Sans être exhaustif, revenons rapidement sur les conditions judiciaires du traitement de la sorcellerie au Moyen Âge. Ce n’est que très tardivement dans le deuxième quart du XVe siècle qu’apparaissent les premières chasses aux sorcières, chasses qui connaitront leur apogée à l’époque moderne entre la seconde moitié du XVIe et la première moitié du XVIIe siècle. C’est en effet à la Renaissance et au cours du Grand Siècle que l’on persécute, torture et brûle des femmes accusées de sorcellerie. A l’époque médiévale, la sorcellerie n’est pas nécessairement mauvaise, elle est tout autant affaire de bien que de mal tout comme elle concerne autant les hommes que les femmes. Si la sorcière existe dans les croyances populaires depuis l’Antiquité, son existence est niée chez les lettrés jusqu’au XIIIe siècle et donc par l’Eglise qui la rapporte à un culte païen autour de la lune et de sa déesse Diane. Les premiers signes de répression commencent dans la seconde moitié du XIIIe siècle mais demeurent marginaux jusqu’à la fin du XIVe siècle.
La sorcellerie populaire est alors loin d’être la priorité des tribunaux d’Eglise qui s’ils punissent tout de même, évitent la plupart du temps les peines sévères et donc de mort, le recours à la torture n’est d’ailleurs pas encore présent. Ce qui importe à l’Eglise, c’est la cohésion de la société et elle ne remet des condamnés au bras séculier que lorsqu’ils troublent la société. Les personnes diseuses de bonne aventure, guérisseuses et sages-femmes qui seront qualifiées de sorcières à la fin du Moyen Âge et pendant l’époque moderne ne sont pas encore véritablement visées au XIVe siècle. Elles sont intégrées dans la communauté, lui rendant service et pratiquant des rituels incluant des prières à Dieux et aux saints plus souvent qu’à un démon. L’image véhiculée du film apparaît ainsi bien éloignée d’une quelconque réalité historique d’autant qu’il n’a jamais appartenu à des moines vivant en reclus dans leur monastère de juger les accusées de sorcellerie.
N’oublions enfin pas le discours final du film sous entendant que la peste est une maladie somme toute médiévale, elle était pourtant là avant, continuant à frapper jusqu’au XVIIIe siècle en Europe. Nous essayerons donc d’oublier au plus vite cette vision d’un Moyen Âge définitivement sombre et cruelle où règne l’obscurantisme religieux.
Un banal film fantastique
Si le film accumule tous les clichés historiques possibles, il accumule également tous les clichés du film d’action et du film d’horreur comme le traditionnel franchissement d’un pont suspendu aux cordes usées et aux planches de bois vermoulues. Démons, zombies, loups mutants complèteront un scénario souffrant d’illogismes autour de scènes d’action souvent assez mollassonnes mais néanmoins distrayantes pour un film à mi chemin entre L’Exorciste, Le Nom de la Rose et Van Helsing.
Ainsi que retenir ? Qu’il ne s’agit pas d’une histoire autour de l’ordre du Temple ? Qu’il s’agit d’un banal film fantastique à prendre pour ce qu’il est : un banal divertissement ? Une chose demeure néanmoins certaine, ce film est une insulte à l’Histoire et en particulier à la période médiévale.
Le Dernier des Templiers de Dominic Sena, au cinéma depuis le 12 janvier 2011.
La bande annonce du film
{dailymotion}xfz85f{/dailymotion}