Les 16 et 17 juillet 1942, lors de la rafle du Vel d'Hiv, la police française procéda à l'arrestation massive de milliers de Juifs, sur ordre du gouvernement de Vichy. Hommes femmes et enfants furent bientôt ramenés au sein de l'enceinte du Vélodrome d'Hiver, à Paris, lieu du commencement. Non le commencement d'une vie, mais plutôt le début d'une mort. Il faudra attendre 1995 et un discours du président Jacques Chirac pour que soit reconnu la souillure que représente ces heures noires de l'histoire de France.
La modification des rapports de force et le retour de Laval
Si l'Axe ne subit encore que des revers limités et peu nombreux, les rapports de force tendent pourtant à évoluer. Depuis juin 1941, Hitler s'était de facto embourbé, dans le cadre de l'opération Barbarossa, en URSS où il rencontrait une vive résistance du peuple pratiquant notamment la politique de la terre brûlée. De plus, les Etats-Unis étaient entrés en guerre contre les forces de l'Axe après l'attaque de Pearl Harbor (7 décembre 1941) et dans le même temps, la résistance continuait à s'amplifier autour de la personne du général de Gaulle et connaissait ses premiers succès (Bir Hakeim).
C'est pourquoi Hitler, depuis décembre 1941, s'était convaincu de l'importance de la mise en place d'une solution finale, visant à annihiler la "race juive" (Mein Kampf), pour laquelle il nourrissait une haine incommensurable. Aussi la collaboration s'accentua-t-elle considérablement après le retour de Pierre Laval (1) qui reçut le titre de "chef du gouvernement" et employa tout son zèle à la collaboration d'Etat. Jugeant Xavier Vallat, commissaire général aux questions juives, trop inactif, il le fit remplacer par un homme encore plus antisémite, Louis Darquier de Pellepoix, dont l'inclination pour les nazis ne faisait alors aucun doute.
La rafle du Vel' d'hiv (16-17 juillet 1942)
En juillet, le collaborationnisme vichyste de Philippe Pétain se manifesta dans une répression envers les étrangers. Le secrétaire général de la police de Vichy, René Bousquet, s'accorda pour livrer les Juifs étrangers de la zone occupée aux Allemands. Le 16 juillet débuta donc à Paris l'arrestation massive de ces Juifs. Cette opération, dite « vent printanier », concerne les quartiers de Paris où vit une importante communauté israélite (IIIe, Xe, XIe, XIIe arrondissements). Elle a été préparée par le commissaire aux questions juives nouvellement désigné, Darquier de Pellepoix. 900 équipes sont constituées pour procéder aux arrestations. 12 884 personnes, hommes et femmes (dont 4 115 enfants), sur un total de 28 000 prévues, furent ainsi arrêtées par près de 9 000 policiers français et amenées au Vélodrome d'Hiver, dans le XVème arrondissement, en attendant d'être internées au camp de Drancy pour la majorité, dans la région parisienne ou encore à Beaune-la-Rolande.
C'est dans des conditions déplorables que vécurent ici pendant cinq jours ceux qui y avait été parqués. Les parents furent contraints de partir les premiers, laissant des enfants désemparés, livrés à eux-mêmes, lesquels ne tardèrent pas à partir à leur tour: au total, un tiers des personnes qui foulèrent le sol du Vél d'Hiv se retrouvèrent in fine à Auschwitz-Birkenau, en Silésie (2).
Les suites de la rafle du Vel d'Hiv
Ce n'était là que le prélude à la déportation de plusieurs autres dizaines de milliers de Juifs. Apogée dans la collaboration, la rafle du Vel’d’Hiv n’en est qu’un épisode : des rafles se sont succédé depuis 1941, vivement souhaitées par Dannecker (représentant des SS à Paris) et les autres dirigeants nazis. Des camps de transit ont été organisés partout en France (Drancy, Pithiviers, Beaune-la-Rolande par exemple) dont partent, à partir du printemps 1942, les trains de la mort vers les camps de concentration. Les autorités françaises livrent aux nazis les élites juives (Léon Blum, Georges Mandel) par centaines dès 1941, les lois antijuives de Vichy ayant précédé les vœux nazis. Après la rafle du Vel’d’Hiv, d’autres interventions ont lieu partout en France, Pierre Laval offrant son aide pour les opérations menées en zone libre.
Au total, on estime qu'environ 80 000 Juifs de France trouvèrent la mort dans les camps d'extermination nazis, soit 20% de la population juive vivant en France en 1939 (3). Face à cette politique raciste et collaborationniste de l'Etat Français, certains ne tardèrent pas à protester et à pourfendre l'antisémitisme d'Etat, à l'instar de l'archevêque de Toulouse, Mgr Saliège, d'abord maréchaliste, qui déplora que "des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue" (Et clamor Jerusalem ascendit) ou encore le cardinal Gerlier à Lyon et Mgr Théas à Montauban. Les rafles, quantitativement moins importantes, n'en continuèrent pas moins: pour la seule année 1942, 42 600 Juifs quittèrent ainsi la France pour les camps d'Europe centrale.
Depuis 1993, le 16 juillet est devenu journée nationale en hommage aux personnes victimes des persécutions antisémites commises sous la responsabilité de Vichy. Le 16 juillet 1995, le président Jacques Chirac reconnait dans un discours la responsabilité de l’État français dans la politique de persécution des juifs menée en collaboration avec l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale.
(1): Laval avait été évincé du pouvoir le 13 décembre 1940, non seulement car sa puissance était montante et qu'elle pouvait amoindrir celle du maréchal mais aussi car Weygand s'opposait à cette collaboration d'Etat que Laval souhaitait mettre en place.
(2): Une très grande majorité des raflés trouvèrent la mort à Auschwitz.
(3): On considère généralement qu'entre 300 000 et 350 000 Juifs vivaient en France à cette date.
Bibliographie non exhaustive
- La Grande Rafle du Vel d'Hiv : 16 juillet 1942 de Claude Lévy. Texto, 2004.
- La France de Vichy, 1940-1944 de Robert O. Paxton. Points Histoire, 1999.
Pour aller plus loin
- La Rafle. Fiction de Rose Bosch, 2010. En DVD et BR.