Nommé surintendant des finances par Mazarin, Nicolas Fouquet s'employa de 1653 à 1661 à rétablir les finances du royaume, mises à mal par l'épisode de la Fronde. Il accumula grâce à sa charge une fortune considérable et se fit construire sur sa terre de Vaux un magnifique château. Fouquet, qui voulait devenir « duc de Bretagne et roi des îles adjacentes », invita le roi à Vaux-le-Vicomte, pour l’une des plus belles fêtes de l’époque. Ce fut la goutte d’eau qui « fit déborder le vase ». Louis XIV, jaloux et pour bien montrer qu’il est le maître, doit réussir un beau coup politique. Fouquet sera arrêté le 5 septembre 1661, jugé, puis condamné à la détention perpétuelle dans la forteresse de Pignerol, où il mourut quinze ans plus tard.
Nicolas Fouquet, l’homme des finances
Nicolas Fouquet est né le 27 janvier 1615, d’une famille de modestes commerçants d’Angers, intégrée dans la noblesse de robe au XVIe siècle. Après des études au collège de Clermont à Paris, il gravit les échelons (maître des requêtes, intendant de province…) pour devenir procureur général au Parlement de Paris à partir de février 1653 tout en étant surintendant des finances, administrant seul après la mort d’Abel Servien en 1659. Avant de mourir le 7 mars 1661, le cardinal Mazarin présente trois hommes de valeur à Louis XIV : Michel Le Tellier cinquante huit ans, parfait pour les grandes affaires politiques et militaires ; Hugues de Lionne cinquante ans, en charge des Affaires étrangères et Nicolas Fouquet, quarante six ans et surintendant des Finances.
Les temps sont durs, l’argent manque cruellement dans les caisses de l’Etat, le système monétaire est au bord de la banqueroute, les emprunts sont multipliés auprès de groupes financiers, des « billets d’épargne » sont instaurés et remboursés lorsque les affaires seront meilleures, ce qui entrainent des malversations et des faux…et en tant que surintendant des finances, Fouquet couvre ces pratiques peu catholiques.
Par le biais de sa seconde épouse, Marie Madeleine de Castille, Fouquet est lié aux milieux de la finance. Bon juriste, excellent orateur, amateur d’art, il reçoit et protège les artistes. Son hôtel de Saint Mandé, puis son château de Vaux le Vicomte deviennent les nouveaux salons artistiques et littéraires entre 1654 et 1661…Souhaitant parvenir au poste de Premier Ministre, il s’attache des parlementaires, des maréchaux et tout un réseau d’espions…
Mazarin, bien qu’ayant fait l’éloge de Fouquet, mentionne sa trop grande ambition « si on peut lui ôter de la tête le goût des bâtiments et des femmes, il sera capable de grandes choses ». Colbert, qui vient d’être nommé intendant sous la direction de Fouquet, serait à l’origine de ce fait…pour mieux surveiller le « chef » !!! Cela n’arrange pas les affaires de Fouquet, car ces deux hommes se haïssent depuis trois ans…
Devinant les intentions de Colbert, Fouquet demande audience au roi qui le reçoit au Louvres. Il lui fait d’abord des excuses sur les pratiques faites dans la gestion des affaires, en l’assurant qu’à l’avenir il n’agirait qu’en accord avec le roi….le roi le rassure par « des paroles nobles et dignes ». Il a gagné la première partie. Dès lors, le roi le charge de missions secrètes dans les affaires étrangères. Colbert veille aux grains et pointe du doigt des « chiffres et des remises scandaleuses » faites par Fouquet, mais se garde bien de montrer les pratiques du cardinal….
La colère du Roi de France
Louis XIVi se sent trompé, n’accepte pas et décide le 4 mai 1661 de renvoyer Fouquet après les moissons, c'est-à-dire après la dernière récolte des impôts. Chaque semaine, Colbert présente au roi un nouveau fait : il a entendu parler des travaux de fortification du domaine de Belle-Ile…il envoie un espion déguisé en marchand…qui lui ramène des nouvelles : Fouquet entretient une garnison de deux cent hommes et un armement impressionnant (quatre cent canons, trois ou quatre navires de guerre, etc). Mi juin 1661, Louis XIV décide que Fouquet sera arrêté à Nantes lors des Etats de Bretagne en septembre, puis jugé.
Malgré son réseau d’espions et d’espionnes, Fouquet est confiant, il ne voit rien venir ! Son poste de procureur général au Parlement de Paris le préserve de tout… Le roi lui tend alors un piège : il lui confie la réforme du Parlement et en échange d’un service (un prêt d’un million) lui propose le poste tant convoité de chancelier. Fouquet est prêt à vendre sa charge pour servir son roi…
Pendant ce temps, le roi et Colbert peaufinent l’arrestation, mais il faut convaincre Anne d’Autriche qui reçoit des fonds de la part de Fouquet pour le Val de Grâce. Colbert envoie Madame de Chevreuse, la grande conspiratrice du Grand Siècle. Fouquet est tenu au courant de ces intrigues, mais n’y croit pas…il fait une première erreur en essayant de s’allier Mademoiselle de La Vallière : il lui offre vingt mille pistoles ! Malheureusement, elle le dénonce auprès de son amant.
Fouquet, sur les dents, se jette dans la gueule du loup : croyant bien faire, il avoue au roi que sa mère lui a demandé un prêt…le 11 août, il réussit à vendre sa charge de procureur…le 17 août 1661, il invite le roi à une fête à Vaux le Vicomte. La fête fut si somptueuse que le monarque s'en trouva contrarié et donna l'ordre de l'arrêter trois semaines plus tard pour détournement de fonds.
L'arrestation de Fouquet
Le 1er septembre, le roi arrive au château de Nantes, avec ses mousquetaires ; le 2 malgré une crise de paludisme Fouquet assiste à une première séance du conseil ; le soir même Louis XIV convoque un d’Artagnan fiévreux pour l’arrestation, le roi reporte alors l’opération au 4 septembre. Dans la nuit du 4, le mousquetaire appelle sa compagnie au motif de préparer une chasse pour le roi ; le 5 septembre, à la fin du conseil des ministres vers 11h, le roi retient Fouquet un petit instant afin de vérifier si tout est prêt dans la cour…puis laisse partir le surintendant…qui monte dans sa chaise à porteurs et s’en va !
D’Artagnan n’est pas intervenu de suite, attendant la confirmation de Le Tellier qui était occupé ! Lorsque ce dernier lui donne enfin l’ordre tant attendu, d’Artagnan accompagné de quinze hommes part à la suite de Fouquet qu’il retrouve place St Pierre…Fouquet est stupéfait et n’aura que ces mots « je ne m’attendais nullement à cela, je croyais être dans l’esprit du roi mieux que personne dans ce royaume ».
Fouquet est conduit vers Angers, dans un carrosse grillagé, escorté par les mousquetaires. Le roi averti du bon déroulement de cette opération, informe les courtisans…et tout va très vite : les membres proches de la famille de Fouquet sont exilés, d’autres sont arrêtés, la garnison de Belle-Ile se soumet, Colbert fait fouiller et inventorier les résidences de Fontainebleau et Saint Mandé…et tombe sur un document caché derrière un miroir, une sorte de « plan de défense », les mesures à prendre au cas où Fouquet serait arrêté…Beaucoup de Grands du royaume sont mentionnés (chef d’escadre, officiers généraux comme Créqui ou de La Rochefoucauld).
Le procès et la fin de Nicolas Fouquet
Le 12 septembre la surintendance des finances est remplacée par un Conseil Royal des finances, confié à Colbert. Une chambre de justice est mise en place présidée par Séguier pour juger Fouquet. Pendant ce temps, Fouquet, malade, est transféré à Vincennes. Le procès s’ouvre en mars 1662, Colbert organisant l’ensemble : choix de la chambre, des présidents et du procureur, installation de son oncle parmi les juges, intimidation, chantage et corruption…Fouquet tente de se disculper, souligne les détournements de pièces, des falsifications de procès verbaux…
Le roi presse les magistrats. Les amis de Fouquet se démènent. Le temps passe, Fouquet est embastillé. Le 14 novembre 1664, l’instruction écrite est close. Le prisonnier comparait au Grand Arsenal devant les juges, il est accusé de lèse majesté et de crime de péculat (malversation de fonds publics). Il se défend en prouvant que Mazarin était responsable des finances et en montrant qu’il y avait des cas de lèse majesté bien plus grave que le sien…l’opinion se retourne en sa faveur…
Le 12 décembre 1664, le rapporteur du tribunal donne son verdict : l’accusé n’a pas été un bon administrateur, mais n’est pas coupable du crime de péculat ; le crime d’état n’est pas fondé…le rapporteur demande le bannissement hors du royaume et la confiscation des biens. Treize voix sur vingt deux. Le roi mécontent, transforme le bannissement en emprisonnement à vie ! La fortune de Fouquet passe à l’état, le roi récupère ainsi de magnifiques pièces et œuvres d’art et…toute l’équipe composée de Le Nôtre, Le Vau et Le Brun pour Versailles.
D’Artagnan conduit son prisonnier à la forteresse de Pignerol. Fouquet restera sous la garde de Monsieur de Saint Mars, dans des conditions draconiennes : un logement de trois pièces, deux valets affectés à son service, interdiction de rencontrer du monde, d’écrire, de sortir… jusqu’en 1677 où ses conditions de détentions sont moins sévères. Il peut alors se promener sur les remparts, rencontrer Lauzun, puis en 1679 recevoir son épouse et ses enfants ! Mais Fouquet meurt d’une crise d’apoplexie le 23 mars 1680 dans sa geôle de Pigenrol… La Gazette de France mentionne sa mort sur deux lignes.
Un bouc émissaire ?
Après la mort de Mazarin, il fallait désigner un coupable pour endosser les fautes des précédents. Le roi a réussi une action politique d’envergure : Fouquet était arrivé à devenir un « centre », beaucoup trop de monde gravitait autour de lui, Louis XIV ne pouvait plus le supporter….Pour rompre avec le passé, il lui fallait quelque chose de grandiose afin d’affirmer sa supériorité et être le Maître, ce fut l’arrestation de Fouquet.
Bibliographie
- J.C. Petitfils - Fouquet. Perrin, 2008.
- Fouquet, biographie historique de Daniel Dessert. Fayard, 2014.
- Fouquet ou le Soleil offusqué, de Paul Morand. Folio, 1985.