Véritable mythe national aux Etats-Unis, la conquête de l'Ouest américain commence dès le début du XIXe siècle. Après avoir conquis leur indépendance, les colons américains tentent de rallier l’océan Pacifique, considérant qu'il s'agit la de leur « Destinée manifeste ». Les immenses territoires situés au-delà du littoral oriental permettent l’installation de millions d’immigrants européens en quête de fortune et d’une vie meilleure. Mais pour que s’établissent les colons blancs, les populations autochtones d’Indiens seront expulsées, déportées, massacrées, au mépris des principes fondateurs des Etats-Unis.
Conquête de l'Ouest et tragédie indienne
L’expansion territoriale des Etats-Unis et la conquête de l'Ouest commencent avec l'achat de la Louisiane à la France en 1805 sous la présidence de thomas Jefferson et de la Floride à l’Espagne, en 1819. Le Texas rejoint à son tour l’Union en 1845, après s’être affranchi du Mexique ; le reste du sud-ouest, dont la Californie, est repris au Mexique lors de la guerre américano mexicaine de 1846-1848 (traité de Guadalupe Hidalgo) ou obtenu par l’achat Gadsden en 1853. En 1846, le tracé de la frontière avec le Canada, au niveau du 49e parallèle, intègre le territoire de l’Oregon ; l’Alaska est ensuite racheté à la Russie pour plus de 7 millions de dollars en 1867.
Avant la colonisation, l’Amérique du Nord est très faiblement peuplée : un million d’Indiens répartis en une myriade de tribus, qui ne pèseront pas lourd face à la poussée européenne. Les Blancs américains considèrent en effet leur expansion à travers le continent comme leur « destinée manifeste ». Pour s’installer, des colons expulsent les tribus amérindiennes de leurs terres. En 1830, le gouvernement américain vote l’Indian Removal Act, une loi qui oblige les nations cherokee, creek et séminole à quitter le sud-est pour le territoire indien situé à l’ouest du Mississippi. Des milliers d’Indiens périrent au cours de ce périple, bientôt surnommé « la piste des larmes ».
Tandis que de plus en plus de fermiers viennent s’installer sur les prairies, les peuples semi-nomades comme les Sioux et les tribus métis du Manitoba, au Canada, sont obligés de quitter leurs terres. La construction de la la ligne de chemin de fer transcontinentale accélère le génocide indien en favorisant la colonisation à l’ouest. On ne respecte même plus les réserves, terres exclusivement dévolues aux Indiens par décret gouvernemental.
Dès 1830, des pans entiers du territoire indien sont ouverts aux colons. En 1874, l’arrivée des prospecteurs dans la réserve sioux des Blacks Hills, au Dakota, rencontre une résistance farouche ; la cavalerie américaine diligentée pour protéger les chercheurs d’or est totalement défaite par les Sioux et les Cheyennes lors de la bataille de Little Bighorn.
Les chefs sioux Sitting Bull et Crazy Horse sont traqués et finalement forcés de se rendre, ce qui met fin aux guerres indiennes. Au Nouveau-Mexique et en Arizona, le chef apache Geronimo mène une guérilla jusqu’en 1886. Désespérés par l’anéantissement de leur mode de vie, nombre d’Indiens se rallient au culte de la « danse des esprits » qui leur promet un affranchissement de la loi des Blancs.
Une tragédie tristement célèbre se déroule à Wounded Knee, Dakota du Sud, avec le massacre de plus de 200 "danseurs" sioux ou par les troupes américaines. La même année, en 1890, la frontière occidentale est officiellement abolie, et il ne reste plus guère que 200.000 Indiens en Amérique du Nord. L’ouest a bien été conquis mais à quel prix ?
La ruée vers l'or
Le 24 janvier 1848, le colon James Wilson Marshall découvre de l’or dans un ruisseau près de la future ville de Fort Sutter (Californie). La nouvelle se répand rapidement, d’autant que le message du président des États-Unis, James Polk, - dans lequel il évoque l’existence d’incalculables richesses en Californie (décembre 1848) - exacerbe la fièvre de l’or.
Par voie terrestre ou maritime (en doublant le cap Horn), environ 100 000 personnes — surtout des hommes célibataires en provenance de l’Est américain, mais aussi des immigrants venus d’Europe, d’Asie et d’Amérique latine — se rendent en Californie afin de faire fortune au plus vite. Résultat de la précarité des abris, de la sous-alimentation et du manque de médicaments, près de 10 000 personnes meurent de dysenterie et d’autres épidémies la première année. Dans les camps miniers aux noms révélateurs comme « le territoire de l’Enfer » ou « la cité des Pendus », les hommes vivent dans des conditions sommaires, sous le règne de la loi du plus fort ; aussi, pour faire face au fort taux de criminalité, les camps miniers sont-ils progressivement réglementés.
Dans les années 1860, d’autres ruées vers l’or ont lieu après la découverte de filons dans le Colorado (1858), l’Idaho (1861-1864) et le Montana (1863). Aux abords des zones aurifères se créent des villes « champignons » qui, une fois le site exploité, sont désertées pour une autre vallée : vestiges de cette ruée passée, des « villes fantômes » (ghost towns) parsèment alors l’Ouest américain du XIXe siècle.
La parenthèse de la guerre de sécession
Les pères de la constitution américaine rêvaient de liberté, mais tous n'en avaient pas la même vision en fonction de la couleur de la peau, et la question de l'esclavage allait diviser la nation. Vers le milieu du XIXe siècle, le nombre des esclaves afro-américains, privés des droits les plus élémentaires, s’élève à quelque 4 millions d’individus. Les planteurs du Sud s’inquiètent : l'élection à la présidence d'Abraham Lincoln, un abolitionniste qui veut empêcher l'extension de l'esclavage dans les nouveaux territoires de l’Ouest, est pour eux le premier pas vers une abolition dans l’Union toute entière. Le problème de l’esclavage relance le débat sur le droit d’ingérence du gouvernement fédéral dans la juridiction des États.
En 1861, la guerre de Sécession éclate. Très tôt, la Confédération sudiste remporte plusieurs victoires, mais suite aux batailles de Gettysburg et Vicksburg en 1863, le conflit tourne bientôt en faveur de l’armée de l’Union nordiste. Le Sud, affaibli par la famine et la pénurie de ressources vitales, doit déposer les armes en avril 1865. Cinq jours à peine après avoir gagné son combat pour préserver l’Union et abolir l’esclavage, Lincoln est assassiné.
Le Nord sort de la guerre avec une industrie et un commerce tout-puissants. Par opposition, l’économie rurale du Sud est ruinée, et il faudra plusieurs décennies pour qu’elle s’en remette. En 1868, les anciens esclaves obtiennent leur citoyenneté américaine et un an plus tard le droit de vote ; les américains noirs sont cependant toujours persécutés principalement dans le Sud. Ils émigreront nombreux vers les villes du Nord en quête de travail.
Conquête de l'Ouest et croissance économique
Le chemin de fer joue un rôle déterminant dans l’expansion économique de l’Amérique du Nord. Il relie les exploitations agricoles aux grands centres commerciaux, permet d’exploiter les gisements de minerais et accélère la diffusion des produits manufacturés. La première ligne transcontinentale est achevée en 1869. Aux Etats-Unis comme au Canada l’expansion est stimulée par la ruée vers l’or à l’ouest.
Les Etats-Unis attirent ceux qui fuient la répression politique ou religieuse, veulent la liberté, trouver un travail stable et accéder à l’éducation. Au milieu du XIXe siècle, une première vague d’immigration massive déferle d’Irlande, de Grande-Bretagne et d’Allemagne ; plus tard, les rejoindront des Scandinaves, des Italiens, des Européens de l’Est et des Asiatiques. Les conditions de vie et de travail sont dures et les conflits finissent par déboucher sur la grande grève de 1877. En 1910, les Etats-Unis comptent quelque 90 millions d’habitants, soit 50 fois plus qu’en 1776 et constituent la toute première puissance industrielle mondiale.
Parallèlement leur politique s’affirme sur le plan mondial ; en 1898, le retour à la "doctrine Monroe", après trois décennies d'isolationnisme, permet d’affranchir Cuba de l’Espagne. En accédant au contrôle de Cuba, de Porto Rico et des anciens territoires espagnols des Philippines, mais aussi de Hawaii (annexé la même année), les Etats-Unis rejoignent le rang des nations impérialistes modernes.
Bibliographie
- De Bertrand Van Ruymbeke, Histoire des États-Unis T1: 1492-1919. Texto, 2021.
- De Henri Vernes , La hache de guerre - Quand les indiens résistaient à la conquête de l'Ouest. Jourdan, 2018..
Pour aller plus loin
- Terres Indiennes - Quatre siècles d'histoire des États-Unis racontés par les Indiens. Arte Editions, 2010.