Résultat d’une longue et patiente construction, l’Union européenne rassemble aujourd’hui 27 pays d’Europe qui coopèrent sur les plans économique, monétaire et politique, et qui partagent des valeurs communes comme la démocratie, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Unir les pays européens est une idée très ancienne. Elle est d’abord formulée au XVIIe siècle, puis au XIXe siècle des philosophes et des écrivains, comme Victor Hugo, évoquent la nécessité d’unifier l’Europe afin qu’elle vive en paix. Cette ambition ne se concrétise qu’après la Seconde Guerre mondiale, avec l’espoir que grâce à la construction européenne un conflit aussi meurtrier ne pourra plus jamais se reproduire...
La conférence de La Haye lance le mouvement européen
L'idée d'une Europe unie est née avant le XXe siècle. Cependant, c'est au cœur de celui-ci que la construction européenne prend véritablement forme. Elle grandit sur les ruines des deux guerres mondiales, et Winston Churchill déclare dès 1946, qu'il faut construire « une sorte d'Etats-Unis d'Europe ».
Du 7 au 10 mai 1948, le congrès de l’Europe se tient à La Haye. Il regroupe 800 personnalités favorables à l’unification européenne. Ce rassemblement profite, en effet, de la chute du IIIe Reich, et avec lui de son idée particulière de l’Europe. Cette conférence est à l’origine de deux réalisations : tout d’abord la création d’un mouvement européen, présidé, entre autres, par Winston Churchill et Léon Blum et, ensuite, d’une Assemblée européenne proposée par Georges Bidault.
La proposition de ce dernier tend à proposer d’une part la création d’une union économique et douanière ouverte à toutes les nations européennes et, d’autre part, à créer une assemblée européenne. C’est donc en juillet 1948 que l’Europe prend son premier vrai tournant, alors que la menace soviétique voit le jour et avec elle le rideau de fer et que les États-Unis gardent toujours une influence prépondérante par le biais du plan Marshall.
Cette proposition d’Assemblée européenne aboutit, sous l’impulsion de Robert Schuman, à la création, le 28 janvier 1949, d’un Conseil de l’Europe, composé de deux organes: le Comité des ministres et l’Assemblée consultative européenne. La première séance se tient à Strasbourg, le 8 août 1949.
La Ceca, fondation de la construction européenne
Face à une réconciliation franco-allemande difficile, et dans le cadre de la querelle portant sur la Sarre, pays minier et grand centre métallurgique, Robert Schuman, inspiré par Jean Monnet, propose de placer les productions française et allemande de charbon et d’acier sous une autorité commune à laquelle les autres pays européens peuvent se joindre. Cette proposition aboutit, finalement, le 18 avril 1951, au traité constituant la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (Ceca), est signé à Paris par la France, la République fédérale d’Allemagne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg.
Le texte met en place un marché commun du charbon et de l’acier. Il supprime les droits de douane, les restrictions quantitatives et toutes les mesures discriminatoires ainsi que les aides ou les subventions. La Ceca, embryon d’Europe, est donc constituée d’une Haute autorité présidée par Jean Monnet, composée de neuf membres nommés, d’un Conseil des ministres dont le but est de coordonner l’action de la Haute autorité, d’une Assemblée de la communauté et d’une Cour de justice. Face à cette Europe naissante, on espère très vite ajouter une nouvelle structure aux côtés de la Ceca.
L'ambition avortée d'une Communauté européenne de défense
L’idée d’une communauté européenne de défense naît du constat du réarmement nécessaire de l’Allemagne. Celui-ci apparaît inévitable lorsque la guerre de Corée éclate et, avec elle, l’éventualité d’un conflit entre les deux Allemagnes (en l’occurrence la guerre de Corée oppose la Corée du Nord à la Corée du Sud). Dès lors, afin de faire face à une attaque du Bloc de l’Est, le réarmement de l’Allemagne de l’Ouest devient une nécessité aux yeux de tous. Hostile à ce réarmement, la France propose d’adopter, dans le cadre de l’Union naissante, un réarmement allemand au sein d’une armée européenne.
Ainsi, le 27 mai 1952, un traité instituant la Communauté européenne de Défense (CED) est signé à Paris. Il autorise le réarmement de l’Allemagne de l’Ouest dans le cadre de la constitution d’une armée européenne en période de guerre froide. Cependant, et bien que cette initiative soit française, l’opposition la plus vive à ce projet vient de France. En effet, le pays, alors en pleine guerre de décolonisation en Indochine, craint notamment que la CED ne détruise l’armée française. Le projet de CED, mort-né, est finalement rejeté le 30 août 1954 par un vote de l’Assemblée nationale.
Traités de Rome, CEE et Marché commun : la relance de la construction européenne
Malgré la tourmente de la CED, l’élan européen continue de progresser. Les six membres de la Ceca choisissent d’aller plus loin dans leur coopération naissante et de renforcer leur coopération économique. L’objectif est d’établir un « marché commun » permettant la libre circulation des personnes, des marchandises, et des capitaux. Jean Monnet, qui crée, dès 1955, un comité d’action pour les Etats-Unis d’Europe, préconise qu’il faut « européaniser les problèmes d’énergie atomique non militaire » et certaines « branches de l’économie », alors qu’à la réunion des six pays, à Messine, il est décidé, en octobre 1954, de « franchir une nouvelle étape de la construction européenne ».
Finalement, le 25 mars 1957, les traités de Rome sont signés par les différents pays. Ils constituent une Communauté économique européenne (CEE ou Marché commun) et une Communauté européenne de l’Énergie atomique (Euratom), qui entrent en vigueur le 1er janvier 1958 pour ensuite être opérationnelles à partir de 1959. L’objectif de cette communauté économique est d’établir un marché commun basé sur une union douanière, ce afin de rapprocher progressivement les politiques économiques des États membres et d’établir un certain nombre de politiques communes.
Les traités de Rome instituent également un Parlement européen, un Conseil des ministres, une Commission, une Cour de justice et une Cour des comptes. Le Parlement et la Cour de justice sont communs aux trois communautés (CEE, Ceca et Euratom) et, dès 1967, il n’y a plus qu’une seule commission et un seul conseil pour celle-ci. La ville de Bruxelles, en Belgique, est finalement choisie comme siège de la CEE et de l’Euratom, tandis que la Ceca et la Cour de justice se trouvent, elles, à Strasbourg.
De l'élargissement à l'acte unique
A partir de la signature des traités de Rome, s’ouvre pour la CEE une phase d’élargissement avec l’accueil progressif de nouveau pays. Ainsi, dès le mois de juillet 1961, le Royaume-Uni pose sa candidature au marché commun afin de bénéficier des avantages économiques de la Communauté, et malgré sa réticence perpétuelle à la supranationalité politique.
Malgré une opposition permanente du général de Gaulle à cette intégration, le Royaume-Uni, le Danemark et l’Irlande rejoignent le Marché commun le 1er janvier 1973. Suivent la Grèce, en 1981, puis l’Espagne et le Portugal cinq ans plus tard. Dans le même temps, l’Europe continue sa transformation. Ainsi, les 7 et 10 juin 1979 les premières élections au suffrage universel du Parlement européen ont lieu et, le 14 juin 1985, les accords de Schengen qui instaurent la libre circulation des personnes au sein de la Communauté sont signés.
Après le couple de Gaulle-Adenauer, un autre duo marque cette construction européenne. Durant la dernière phase des années 1970, les relations franco-allemandes se resserrent. L’association entre le jeune président français Valéry Giscard d’Estaing et le chancelier social-démocrate allemand Helmut Schmidt est excellente. L’axe Paris-Bonn devient la pierre angulaire de l’édifice européen. Cette collaboration aboutit notamment à la mise en place de réunions régulières des chefs d’Etat et de gouvernement, dans le cadre d’un conseil des communautés, dans lesquelles ils organisent une coopération politique européenne.
Elle débouche, enfin, sur la création du système monétaire commun en 1979. Profondément européen, Valéry Giscard d’Estaing est l’un des artisans de cette construction « supranationale ». Cette passion le mènera, d’ailleurs, jusqu’à la présidence de la Convention sur l’avenir de l’Europe en décembre 2001. Dans cette optique, il aura pour mission de réfléchir à une architecture élargie de celle-ci et présidera à la rédaction d’une constitution.
Finalement, la construction européenne est redynamisée par François Mitterrand avec l’Acte unique signé le 28 février 1986. L’intérêt pour l’Europe du président français est réel, sa poignée de main historique avec le chancelier Helmut Kohl, à Verdun, en témoigne. L’Acte unique complète les traités de Rome en élargissant la compétence des institutions communautaires à la politique étrangère, à l’environnement et à la recherche technologique. Il consacre, également, l’existence d’un Conseil européen regroupant les chefs d’État et de gouvernement.
Le traité de Maastricht
Ces efforts d’intégration européenne ne cessent pas avec l’Acte unique. En effet, dès 1988, ceux-ci reprennent pour aboutir, le 7 février 1992, à la signature, à Maastricht, d’un nouveau traité. Avec celui-ci, le Marché commun disparaît au profit d’une Union européenne, et la Communauté économique européenne laisse la place à la Communauté européenne. Avec ce traité, l’union est de plus en plus étroite.
Il prévoit, en effet, des liens économique et monétaire, des droits civiques européens, et notamment une citoyenneté européenne (faculté de circuler et de résider librement dans les pays de la Communauté, droit de voter et d’être élu dans l'État où l’on réside pour les élections européennes et municipales), un accroissement des compétences communautaires et le renforcement des politiques étrangères et de sécurité communes.
Les compétences de la Communauté sont étendues à l’éducation, à la formation professionnelle, à la culture et à la santé publique. Mais la décision la plus importante de ce traité de Maastricht est la décision de doter l’Europe d’une monnaie unique, l’euro. Ce traité rencontre de vives oppositions, notamment au Royaume-Uni et au Danemark, mais la France le ratifie, le 20 septembre 1992, après une courte victoire du « oui » au référendum.
Le passage à l'euro
Le 1er janvier 1999, dix monnaies européennes, parmi lesquelles le franc, le mark ou la lire, perdent leur existence propre au profit de l’euro. Cependant, ce n’est que trois ans plus tard, le 1er janvier 2002, que la nouvelle monnaie devient effective. L’euro achève le long processus d’unification monétaire entamé par le traité de Maastricht. Cependant, d’autres traités suivent le passage à l’euro.
Ainsi, celui d’Amsterdam, signé en octobre 1997, affirme les principes de liberté, de démocratie et de respect des droits de l’homme et propose la mise en place d’un espace de liberté, de sécurité et de justice. Il envisage également la future intégration de nouveaux pays. De même, le traité de Nice, de février 2001, donne au Parlement européen un rôle de colégislateur renforcé.
La France reste, tout au long de ce processus, un membre très actif. Elle contribue à l’apparition et au développement de la monnaie unique et participe à la réalisation d’initiatives particulières en compagnie de l’Allemagne et en dehors de l’Union européenne. Ainsi, sont créés une brigade franco-allemande, l’Eurocorps qui est basé en Allemagne, la chaîne de télévision Arte ainsi qu’un manuel d’histoire commun.
Vers un grand élargissement : l’Europe des 28
Dès le passage à l’euro, en 2002, l’Europe envisage l’adhésion de huit pays de l’Europe de l’Est. En 1995, 3 pays rejoignent l’UE : la Suède, la Finlande et l’Autriche. En 2004, l’Union européenne intègre 10 pays supplémentaires, ce qui porte à 25 le nombre de pays membres. La Roumanie et la Bulgarie les rejoignent en 2007, la Croatie en 2013 L’adhésion de la Turquie, qui pose entre autres le problème des contours géographiques de l’Europe, fait encore l’objet de négociations.
Dans un ensemble si vaste et disparate, il faut trouver des règles pour que les institutions européennes continuent de bien fonctionner, pour que des décisions efficaces soient prises tout en permettant à tous les pays, les grands et les petits en termes de population, de faire valoir leur point de vue.
L’échec du projet de « Constitution européenne »
Avec l’arrivée de ces nouveaux membres dans l’Union européenne, il convient, selon la Convention européenne et le Conseil européen, de proposer à l’ensemble des Européens un projet de Constitution.
De nouveau, c’est un Français qui a la responsabilité de cette mission. C’est, en effet, à Valéry Giscard d’Estaing qu’est confiée la direction de la rédaction de ce qui doit constituer la future Constitution européenne. Le projet est adopté en juin 2004 par le Conseil européen, avant que les différents pays de l’Union européenne ne le ratifient.
Le 29 mai 2005, la France, acteur déterminant de la construction européenne, décide par référendum de ne pas ratifier le projet de Constitution. Les 28 doivent donc se mettre d’accord sur un nouveau texte et les négociations aboutissent à la signature du traité de Lisbonne (2007), qui porte pour l’essentiel sur les institutions européennes. Il est complété en 2013 par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) qui a pour but la convergence des politiques économiques et monétaires des États membres, en particulier dans la zone Euro.
L’Union européenne face aux crises
En 2014, un afflux sans précédent de migrants en provenance d’Afrique et du Moyen Orient provoque de graves dissensions au sein de l’Union. Si l’Allemagne se déclare favorable à leur accueil, de nombreux pays, notamment en Europe centrale, affichent une franche hostilité qui va jusqu’à la fermeture temporaire des frontières.
Le second coup de tonnerre est provoqué par le référendum du 23 juin 2016 au Royaume-Uni lors duquel une majorité se prononce pour quitter l’Union. Après de longues et laborieuses tractations, ce départ devient effectif le 31 janvier 2020.
Depuis 2019, L’Union européenne est confrontée à de nombreux périls (crise sanitaire, guerre en Ukraine…) et par la montée dans de nombreux pays de partis politiques nationalistes/conservateurs et souvent anti-européens.
Pour aller plus loin
- Histoire de la construction de l'Europe depuis 1945, de Sylvain Kahn. PUF, 2021.
- Les dates-clés de la construction européenne: Du plan Schuman au Brexit, de Christophe Réveillard. Ellipses, 2020.