« Vivez la plus grande catastrophe de l'histoire » nous informe l'affiche du film Pompéi ! Et elle n'a pas tord, malheureusement pas nécessairement dans le sens où nous aurions aimé l'entendre. Car Paul W.S. Anderson, réalisateur de génie dans le massacre d'adaptations, fait une nouvelle fois preuve de son indéniable talent en signant un film d'une rare et affligeante médiocrité où tout sonne affreusement faux. La catastrophe est bien devant nos yeux.
Synopsis du film Pompéi
À quoi bon résumer une histoire déjà vue et revue ? Allez, parce que le synopsis d'Allo-ciné raconte vraiment n'importe quoi, rappelons les faits ! Milo, esclave celte dont la famille a été massacrée par Rome, se retrouve gladiateur à Pompéi. Il y découvre l'amour et la vengeance. Enfin il croise le regard d'une jeune patricienne ainsi que celui du meurtrier de sa mère. C'est alors que le volcan, le Vésuve, entre en éruption. Et là, c'est le drame !
Numérisation et Histoire
Avouons le, nous n'attendions absolument rien quant au traitement de la réalité historique de la part de Paul W.S. Anderson. Souvenons-nous qu'en 2011, il avait littéralement violé Alexandre Dumas en accouchant d'un navet avec son adaptation des Trois Mousquetaires, où ces derniers combattaient comme des ninjas dans des bateaux volants équipés de lance-flamme... Et surprise, les premiers plans nous montrant Pompéi numérisée tiennent à peu près la route, si l'on excepte la géographie très douteuse plaçant la cité antique au pied du Vésuve. Le film débute avec des petits clins d'œil archéologiques comme les « passages cloutés » de l'époque, ces gros blocs de pierre permettant aux piétons de traverser les rues ou encore ce qu'on pourrait penser être la via dei sepulcri, cette route bordée de tombes et de mausolées. Encore qu'elle soit mal orientée géographiquement – le réalisateur a tendance à confondre le nord et le sud pour systématiquement représenter le Vésuve menaçant en arrière plan de la ville. Toujours est-il que le spectateur ayant déjà visité Pompéi se prend à reconnaître numériquement certains éléments comme l'amphithéâtre gardant son aspect ovale.
Malheureusement, la visite touristique s'arrête là et jamais Paul W.S. Anderson ne cherchera à approfondir le sujet, à présenter les richesses de la cité antique, son architecture, ses arts, ce que pourtant essayaient de faire ces péplums italiens des années 60 au visuel bien kitsch aujourd'hui. La numérisation de Pompéi est ainsi bien vague et sans grand intérêt, ce qui était à prévoir car l'éruption du Vésuve, la destruction de la ville, tout cela n'est qu'un prétexte historique pour faire un film catastrophe dans la lignée du Pic de Dante, arrosé d'action à la Gladiator ou Spartacus et saupoudré d'une romance à la Titanic. L'action se serait déroulée dans la cité voisine d'Herculanum que cela n'aurait strictement rien changé quant à sa représentation numérique. Enfin, quoi de plus normal de la part du réalisateur de la saga des Resident Evil, de Mortal Kombat, Alien versus Predator ou encore des Death Race ?
Un péplum boursouflé d'insignifiance
Par où commencer ? Nous pouvons légitimement nous le demander tant il y a matière à critiquer. Parler du manque total d'originalité quand Paul W.S. Anderson pompe presque intégralement dans l'arène un combat issu de Gladiator, les ralentis en plus ? Parler du ridicule des dialogues atteignant les sommets du monde des nanars du genre : « Je fais te tuer demain – Non, ce sera moi – Non, moi le premier – etc. » ? Ou encore évoquer la transparence des acteurs ? Kit Harington, le John Snow de la série Game of Thrones n'a absolument aucun charisme et ne doit son rôle qu'à sa belle gueule et ses abdos. On le croirait échappé d'une publicité pour un parfum ou une marque de rasoir. Kiefer « Jack Bauer » Sutherland cabotinant dans son rôle de sénateur romain vêtu d'une espèce de tenue de centurion toute noire (sic), tellement heureux de jouer un méchant vraiment méchant, fait parler le métier pour tenter de s'en sortir, ce dont Carrie-Anne Moss (Matrix) n'a nullement besoin, son temps d'apparition étant proche du néant. Quant à Emily Browning (Sucker Punch), il fallait bien une petite jeunette en tenue légère pour faire le pendant féminin de Kit Harington et nouer une intrigue amoureuse clichée, incohérente et encombrante au possible.
En effet, niveau scénario, Paul W.S. Anderson s'emmêle un peu les pinceaux à trop vouloir en faire dans un film assez court. Car Pompéi n'est pas seulement un film catastrophe. Bien au contraire, l'éruption volcanique et la destruction de la cité s'en suivant ne durent qu'une grosse demi-heure sur 1h45 de film. Le réalisateur nous fait donc patienter avec une banale histoire de vengeance et une insipide romance à laquelle nous ne pouvons croire un seul instant. Et quand enfin éclate le Vésuve, nous nous disons qu'enfin nous allons pouvoir nous réjouir et en avoir plein les yeux. Néanmoins, c'est bien mal connaître Paul W.S. Anderson.
Y-a-t-il un vulcanologue pour sauver le film ?
Nous n'allons pas faire un cours de vulcanologie mais tout de même, il convient d'observer que le réalisateur donne l'impression d'avoir consciemment abandonné toute tentative de se rapprocher d'une quelconque façon à une réalité scientifique ou historique en rasant Pompéi en une poignée de minutes. Et c'est là encore dommage car il y avait des signes encourageants. La date même de l'éruption est controversée et Paul W.S. Anderson la place malignement pendant une fête de la vigne sans plus de précision mais en accord avec les dernières découvertes archéologiques. De même, avec la répétition de secousses les jours et les heures précédant l'éruption, il la préfigure avec intelligence selon la réalité scientifique. Puis, quand enfin l'éruption débute réellement, tout fout à nouveau le camp.
L'éruption du Vésuve comporta plusieurs phases dont la première est dite plinienne, ce que semble totalement ignorer le réalisateur. Elle doit son nom à Pline le Jeune, témoin et rapporteur auprès de Tacite de la destruction de Pompéi. Et alors nous direz-vous ? C'est un constat simplement assez désespérant quand justement le film débute par une citation de Pline le Jeune sur ce sujet. Quand on veut faire preuve d'un peu de culture et de réalisme, autant le faire jusqu'au bout. L'éruption du Vésuve s'effectua pendant de nombreuses heures, enfouissant la cité antique sous plusieurs mètres d'une pluie de cendres et de pierres ponces. Il ne s'agit donc nullement de gros blocs de lave en fusion tombant avec fracas ou d'un tsunami qui détruisirent Pompéi. De même, les nués ardentes dévalant les pentes du volcan n'arrivèrent que le lendemain de l'éruption et ne pétrifièrent nullement les personnages. Car les corps pétrifiés retrouvés à Pompéi, l'ont été en faisant couler du plâtre liquide afin d'en récupérer de saisissants moulages. Donc non, une nuée ardente ne pétrifie pas, elle consume avec ses plusieurs centaines de degrés dévalant à plusieurs centaines de km/h. Inutile donc de fuir sur un cheval.
Une avalanche d'incohérences
Oh tiens, le cheval ! Nous l'avions oublié ! Ah splendide compagnon qui au milieu du cataclysme ne fuit pas et reste fidèle au côté de son maître quand météorites de lave et nuée ardente fondent sur lui. Mais par contre, quand il y a une petite secousse au début du film, il s'emballe, panique, renversant tout sur son passage. Rassurez-vous, c'est tout à fait crédible, entre temps est intervenu Kit Harington, le seul et véritable homme murmurant à l'oreille des chevaux. Robert Redford, va donc postuler à pôle emploi ! Sinon, sachez qu'à Rome on fournit une excellente éducation aux jeunes patriciennes de province, l'une d'elle est dès lors capable d'ouvrir des cadenas à l'aide d'un bout de bois arraché à un char lancé au gallop, toujours au cœur d'une pluie de rochers en fusion. Par contre, on ne lui a pas appris que quand on croise furtivement le regard d'un gladiateur, on ne tombe pas amoureuse, prête à donner immédiatement sa vie et à se sacrifier pour qu'il vive. Mais bon, à quoi bon relever les incohérences scénaristiques du film, à ce stade de l'éruption, tout le monde ne devrait-il pas déjà être en train de s'asphyxier sous les retombées de cendre ? Et après tout, on est dans un bon gros blockbuster américain, peu importe la réalité historique ou scientifique, autant profiter un peu des effets spéciaux et de la 3D. Ah non, les premiers semblent avoir une décennie de retard et la seconde ne sert à rien.
Par vulcain, que peut-il rester alors au film ? Nous cherchons encore. Peut être que des archéologues découvriront dans le futur les raisons d'une telle catastrophe cinématographique ? Nous pourrons seulement nous rassurer, Paul W.S. Anderson devrait laisser le genre du film historique quelque temps de côté, occupé à diriger sa femme sur le tournage de Resident Evil 6.
Pompéi, de Paul W.S. Anderson, en DVD et Blu-Ray le 25 juin.