Ernest Meissonier Campagne de France croppedLa campagne de France de 1814, qui précède la chute de Napoléon, est généralement considérée par les amateurs de la période comme l'une des plus fantastiques. L'enchainement de victoires dans un contexte qui semble pourtant désespéré en fait en tout cas l'un des épisodes les plus tragiques de l'épopée impériale. Après les échecs en Russie et en Allemagne, la Grande Armée est forcée de se battre sur son propre territoire pour repousser les forces coalisées largement supérieures en nombre qui affluent sur toutes les frontières. 1814 marque le crépuscule du Premier Empire, combattant contre l'Europe liguée. 

 

La situation en janvier 1814

Du côté de l'opinion publique les revers meurtriers de 1812 et 1813 ont largement favorisés l'émergence d'une forte opposition au pouvoir, ou plutôt à la guerre. En 1813, pour se donner les moyens d'une contre attaque, Napoléon Bonaparte a augmenté les impôts et anticipé sur les classes de conscription (les soldats recrutés sont de plus en plus jeunes), attisant ainsi les mécontentements. Ce phénomène est aggravé par de mauvaises récoltes et une crise économique qui depuis 1812 entrainent fermetures d'entreprises et augmentation de la cohorte des miséreux. Certains prêtres n'hésitent pas à faire le lien entre les malheurs de la France et le différent violent qui oppose l'Eglise catholique à l'Empereur excommunié. Les campagnes manquent de plus en plus de main d'œuvre et les paysans n'ont pas confiance dans les bons qu'on leur donne en échange du fourrage réquisitionné. L'opinion, las des sacrifices, est de plus en plus ralliée à l'idée d'une paix rapide avec les coalisés. De faux traités de paix, avec des closes relativement précises, circulent dans le pays pour accentuer encore s'il le fallait cette impatience de la paix.

Gebhard von BLUCHERA ce pacifisme s'ajoute une certaine peur des habitants proches des frontières qui redoutent, à juste titre, l'arrivée des armées ennemies. A Paris même, les plus riches envisagent le départ et font fondre leur argenterie tandis que d'autres accumulent les vivres en vue d'un siège. Cette peur rend l'exigence de la paix d'autant plus urgente pour les Français qui sont prêts à de nombreuses concessions, certainement plus que leur souverain. Ainsi le préfet du Finistère fait-il remonter au ministère : « En lisant dans un article de la Gazette de France que la nation veut la paix et que le monarque la veut aussi, on se demande : la nation et le monarque sont-ils d'accord sur les conditions ? L'esprit public continue de se prononcer contre tout maintien de conquête de sorte que si, d'un côté on désire vivement que nos ennemis soient battus et repoussés loin de notre territoire, de l'autre on parait craindre les succès de l'Empereur qui pourraient encore, dit-on, se laisser entrainer trop loin et finirait par conduire la France à une perte véritable ».

L'opposition à la conscription est de plus en plus visible, les affiches pamphlétaires se multiplient, on cache les réfractaires... En novembre 1813, le préfet de la Seine-Inférieure rapporte que les conscrits « passent sous la toise comme s'ils allaient à la guillotine, la salle du conseil de recrutement est inondée de larmes ». C'est véritablement dans cette fin d'année 1813 que la légende noire de l'Ogre napoléonien atteint son apogée. L'union entre la Nation et l'Armée tend à se fracturer doucement. La propagande parvient de moins en moins à héroïser la guerre et les jeunes pensent plus à la balle ou au boulet qu'aux lauriers qui les attendent... L'opposition au régime se manifeste également par une abstention de plus en plus massive que les préfets remarquent lors des municipales.

Karel Filip SchwarzenbergDu côté militaire, après la désastreuse campagne de Russie, Napoléon a tant bien que mal réussi à recréer une armée digne de ce nom pour opposer une farouche résistance en Saxe. Mais l'échec des négociations et l'entrée en guerre de l'Autiche-Hongrie aux côtés de la Russie, de la Prusse, de la Suède et de nombreux Etats allemands occupés renverse à nouveau la situation géopolitique en faveur des forces anti-napoléonienne.

Après leur victoire à Leipzig, les forces coalisées ont la voie libre pour entrer en France. Dans un même temps, dans la péninsule ibérique, les forces britanniques épaulées par les nationalistes espagnols sont victorieuses et s'apprêtent à franchir les Pyrénées. En Italie, la situation est également très dégradée : les Autrichiens progressent et Murat, maréchal d'Empire et roi de Naples, trahit Napoléon et se rallie à la coalition pour sauver sa couronne.

En ce début d'année 1814 la France est menacée par trois armées :

- L'armée de Bohême du feld-maréchal Schwarzenberg (commandant suprême des forces coalisées) avec 200.000 Autrichiens, Russes et divers Allemands.

- L'armée de Silésie de Blücher avec 150.000 Russo-autrichiens.

- L'armée de Bernadotte, ancien maréchal d'Empire lui aussi, et prince-héritier du royaume de Suède. Il est à la tête de 150.000 hommes mais n'en engagera qu'une partie. Bernadotte souhaite aider les coalisés sans trop s'impliquer dans l'invasion de la France car il espère toujours qu'on fera appel à lui pour remplacer Napoléon.

Pour faire face à ces armées d'invasion, Napoléon compte sur l'armée de Soult dans le Sud-Ouest avec 48.000 hommes, Suchet en Catalogne avec 35.000 hommes, Eugène en Italie avec 50.000 hommes, Augereau autour de Lyon avec 20.000 hommes, Maison dans le Nord avec 20.000 hommes plus les forces de garnisons maintenues dans plusieurs places d'Allemagne et de Hollande. Ces forces sont des forces défensives, pour mener la contre attaque Napoléon annonce qu'il dispose de 50.000 hommes (70.000 plus vraisemblablement) réunis dans l'urgence avec les restes des troupes engagées dans la campagne d'Allemagne et des troupes rapatriées de Belgique et d'Espagne. Armée bigarrée rappelant sur certains points le temps des armées révolutionnaires de l'amalgame où se retrouvent des vétérans et de tous jeunes conscrits. Napoléon compte également sur la Garde Nationale (qui combattra parfois avec l'armée de ligne) et sur des corps francs qui harcèlent l'ennemi. Comme pour rassurer ses troupes face à la disproportion des forces, Napoléon déclare : « 50.000 hommes et moi, cela fait 150.000 » !

Napoléon aurait espéré une trêve hivernale, mais fin décembre les forces coalisées pénètrent sur le territoire national Napoleon en route 2: violant la neutralité suisse Schwarzenberg fond sur la région lyonnaise, Blücher passe le Rhin et fait une percée au niveau de Mayence. Les maréchaux Marmont et Victor se replient sur Saint-Dizier.

Napoléon se prépare alors à entrer personnellement en scène après s'être assuré de la stabilité du pouvoir à Paris : il organise un conseil de régence autour de Marie-Louise et nomme son frère ainé Joseph (qui pourtant n'a jamais brillé militairement) lieutenant général de l'Empire. Leur mission est simple : assurer la continuité du pouvoir pendant que l'Empereur se consacrera à la guerre, défendre Paris autant que faire se peu et n'évacuer que si la situation est désespérée.

Pour insuffler l'élan de résistance, Napoléon dépêche dans les armées des commissaires choisis parmi les sénateurs et interdit aux préfets de quitter leurs départements même s'ils sont envahis : ces derniers sont invités à s'enfermer dans la place la plus proche et à tenir. Quant aux députés du Corps législatif, l'Empereur les accusant de défaitisme leur a violemment rappelé au début du mois : « Je vous avais appelés pour m'aider et vous êtes venus dire ce qu'il fallait faire pour seconder l'étranger. Le véritable représentant de la Nation, c'est moi. Le trône lui-même, qu'est-ce ? Quatre morceaux de bois dorés recouverts de velours ? Non ! Le trône, c'est un homme, et cet homme, c'est moi ! ». Une fois tout mis au clair dans la capitale, Napoléon peut rechausser les bottes de 93.

Dans la nuit du 24 au 25 janvier 1814, Napoléon prend la route de l'Est. Il ne reverra jamais plus sa femme et son fils... 

Carte 1814Fin janvier / février : la campagne de France

Le 25, Napoléon retrouve ses maréchaux à Châlons-en-Champagne, le lendemain il prend le commandement de l'armée à Vitry-le-François. Pour l'heure le plan de l'Empereur est simple : comme en Italie durant ses jeunes années il espère profiter de la dispersion des forces ennemies pour les battre séparément et leur imposer une paix.

Le 27 il rencontre et bat l'avant-garde de Blücher à Saint-Dizier. Les Français perdent 300 à 400 hommes, les Russes quant à eux compte environ entre 500 et 1.800 tués et blessés, 1.800 à 2.000 prisonniers et ont perdu 18 canons. Józef Grabowski témoigne : « Beaucoup de prisonniers tombèrent entre nos mains, ainsi que des canons, la caisse de l'ennemi et des voitures chargées de grands tonneaux ; ils étaient pleins de tabac à priser. Toute la chaussée en fut couverte. Les caisses du trésor russe furent aussi brisées et des paquets de billets de banque russe de différentes couleurs se répandirent partout sur la route. Pendant plus de mille pas, nous marchions sur le tabac et les billets de banque russes, dont les soldats français ne soupçonnaient pas la valeur ».

La victoire toutefois n'est que partielle. Le 29 par contre, à Brienne où il a passé sa jeunesse à l'école militaire, Napoléon remporte une grande victoire. Dans un premier temps, l'armée ennemie qui était au courant des intentions de Napoléon (un courrier a été intercepté) résiste de pied ferme, l'infanterie française a fort à faire avec la cavalerie russe. Mais dans la nuit, à 22h, les hommes de la division Huguet-Chateaux pénètrent dans le parc du château qui domine la ville... Blücher qui dinait dans la demeure doit l'évacuer précipitamment... Durant toute la nuit le combat de rues fait rage dans la ville en flammes et vers minuit Blücher ordonne de décrocher. On compte environ 3.000 morts côté français, 4.000 dans les rangs adverses. Napoléon s'empresse d'envoyer à Paris un communiqué sur sa victoire.

Les choses se gâtent quand Schwarzenberg marche vers le Nord pour secourir Blücher : sur un sol détrempé, dans la neige et le froid, Napoléon est battu à La Rothière le 1er février 1814 et doit se replier sur Troyes. L'armée retraite, couverte par la résistance de la Jeune Garde. Si on tente de minimiser cette défaite aux yeux de l'opinion, Napoléon sait que l'heure est grave. Quand le congrès de Chatillon s'ouvre le 3 pour négocier les conditions de la paix, l'Empereur aurait envisagé d'accepter les conditions des coalisés, à savoir le retour aux frontières de 1792. Blücher en profite pour marcher sur Paris en remontant la Marne. Sur de lui il écrit à sa femme « Dans huit jours, nous seront certainement sous les murs de la capitale et Napoléon perdra sa couronne ».

S'apercevant que ce dernier a encore dispersé ses forces, Napoléon décide de l'intercepter : le 10 février il anéantit le corps russe d'Olsoufiev à Champaubert : surpris pas les cuirassiers de Doumerc l'infanterie russe est dispersée avant d'avoir eut le temps de se former en carrés. Lors de cette bataille les tous jeunes Marie-Louise du 113e de Ligne se distinguent tout particulièrement. Témoignage de leur impréparation supplée par une volonté farouche, un jeune petit soldat de ce régiment aurait lancé au maréchal Marmont qui donnait ses ordres : « Oh ! Je tirerai bien mon coup de fusil, seulement je voudrais bien avoir quelqu'un pour le charger »...

Champaubert marque le début d'une fulgurante reprise en main de la campagne par Napoléon qui enchaine pas moins de quatre victoires en cinq jours : le 11 à Montmirail il culbute les forces deux fois supérieures en nombre de Sacken. Le 12 à Château-Thierry il surprend le général Yorck et enfin à Vauchamps Blücher lui-même est battu et contraint de se replier sur Châlons... Cette série de victoire donne du baume au corps aux troupes françaises et rassure quelques peu l'opinion.

Par exemple suite à la victoire de Montmirail le Moniteur annoncera « Après deux heures de combat, toute l'armée ennemie a été culbutée. Jamais nos troupes n'ont montrées plus d'ardeur. L'ennemi enfoncé de toute part est dans une déroute complète, infanterie, artillerie, munitions, tout est en notre pouvoir ou a été culbuté. Les résultats sont immenses, l'armée russe est détruite. L'Empereur se porte à merveille et nous n'avons perdu personne de marque... ». Napoléon lui-même pense que le court de la campagne est renversé, au congrès de Châtillon il ordonne à Caulaincourt de ne rien lâcher sur les frontières naturelles (les Pyrénées, les Alpes et le Rhin). Napoléon a alors un secret espoir, que ces victoires raisonnent son beau-père l'empereur d'Autriche et que ce dernier se retire de la coalition.

Dragons MontmirailMais pendant que l'armée impériale étripe l'armée de Blücher, l'armée de Bohême a les mains libres pour prendre Troyes, Nogent, Montereau... Certains éléments avancés atteignant même Fontainebleau et prenant le château pendant quelques heures. Constatant que l'ennemi n'est plus qu'à 75km de sa capitale, Napoléon fait volte face et marche sur Schwarzenberg. Le 17 février il bouscule les troupes de Wittgenstein à Mormant puis à Nangis, l'obligeant à se replier sur Nogent. Napoléon marche alors sur Montereau, point stratégique aux confluents de la Seine et de l'Yonne.

L'Empereur mise tout sur la vitesse car il veut prendre les ponts intacts. Furieux du manque de rapidité de Victor, il le remplace par Gérard. Schwarzenberg est totalement surpris par la vitesse à laquelle Napoléon est arrivé au contact, il propose un armistice mais Napoléon refuse, ayant en mémoire l'armistice de Pleiswitz qui lui a certainement couté la victoire lors de la campagne d'Allemagne. Après de très rudes combats l'armée napoléonienne parvient à reprendre la ville avec ses ponts intacts grâce aux furieuses charges de la cavalerie de Pajol ! S'en suit une marche rapide jusqu'à Troyes derrière l'armée de Schwarzenberg qui retraite vers l'Est.

Profitant à son tour que Napoléon soit en train de combattre Schwarzenberg, Blücher reprend la route de Paris... Une fois encore Napoléon doit faire volte face pour couper Blücher de ses arrières. Blücher est arrêté dans son avance par Marmont et Mortier à Meaux. Sachant ses troupes fatiguées, et apprenant que Napoléon vient à sa rencontre, le général prussien décide de se replier au Nord. N'arrivant pas à franchir l'Aisne, et sachant que le meilleur capitaine d'Europe arrive sur eux avec la ferme Route de Sézanneintention de les écraser, l'armée de Silésie est complètement démoralisée...

C'est alors qu'un événement vient au secours des coalisés : le 3 mars 1814 Moreau, encerclé à Soisson, capitule et permet à Blücher de s'abriter derrière l'Aisne. Hors de lui, Napoléon ordonne l'exécution de Moreau (ce qui ne sera pas fait). Napoléon rattrape néanmoins Blücher et le bat à Craonne, mais ce dernier peut librement se replier sur Laon. Napoléon le poursuit mais ne parvient pas à s'emparer de Laon, il constate amère : « la Jeune Garde fond comme neige au soleil ». Le 10 mars il se retire, prenant Reims le 13.

Pendant ce temps Schwarzenberg avait repris la route de Paris, mais se repliant à nouveau vers l'Est par peur d'être coupé de ses arrières (d'autant plus que Bernadotte ne se résout pas à entrer en action en France), il tombe sur Napoléon à Arcis-sur-Aube. Mais Napoléon ne sait pas qu'il a en face de lui le gros de l'armée de Bohème, la bataille tourne en faveur des coalisés, il doit lui-même rallier une partie des troupes en déroute. Il doit rapidement abandonner le terrain. Schwarzenberg de son côté surestime le reste des forces de Napoléon et ne pousse pas son avantage. Passant après la bataille devant Arcis-sur-Aube, Narcisse Faucheur raconte le triste spectacle qui s'offre à ses yeux : « [Arcis-sur-Aube] nous offrit le lamentable tableau des malheurs de la guerre. Près de la moitié de la ville avait été brûlée. Dans ce pays les pierres sont rares, les maisons y sont généralement bâties en bois avec une sorte de clayonnage, il n'y a que les cheminées qui soient construites en briques ; or les cheminées avaient résisté au feu et formaient de lugubres obélisques au milieu des décombres de l'incendie ».

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Napoléon voit ses forces diminuer à chaque bataille, il sait pertinemment qu'il lui faut plus d'hommes pour vaincre Blücher et Schwarzenberg et va donc modifier son plan en conséquence. L'Empereur ordonne alors à ses maréchaux de tenir les routes de Paris, pendant ce temps lui marche rapidement vers l'Est pour rassembler les troupes des places fortes. Paris et ses alentours sera l'enclume résistant aux coalisés, lui sera le marteau revenant sur les arrières ennemis. Mais partout en France la situation semble désespérée : au Nord Maison est contraint d'abandonner la Belgique, au Sud les Anglais ont battu Soult à Orthez et arrivent à Toulouse le 24, Lyon (où la municipalité a refusé de faire construire des barricades) est occupée depuis le 20, en Italie seul le Milanais résiste encore. 

Mars : là où tout s'achève...

Le 8 mars, le ministre anglais Castlereagh ayant peur d'une dislocation de la coalition fait adopter le pacte de Chaumont qui interdit une paix séparée. Quelques jours plus tard les coalisés mettent un terme au congrès de Châtillon.

Le Tzar Alexandre Ier veut en finir au plus vite et profiter de l'éloignement de Napoléon vers l'Est, il convainc le commandement coalisé de sonner l'hallali sur Paris : le 25 mars Marmont et Mortier sont balayés à la Fère-Champenoise. Le 29 les armées de Bohême et de Silésie sont sous les murs de la capitale. Marie-Louise et Joseph se sont enfuis à Blois. Le 30 mars la bataille s'engagent, rude et désespérée vu le rapport de force indéniablement favorables aux envahisseurs. Parmi les épisodes bien connu de cette bataille, notons l'action des élèves de l'Ecole polytechnique qui avec 28 canons tentent de s'opposer aux troupes de Pahlen : chargés pas les Uhlans, les étudiants sont tués ou faits prisonniers, certains seront délivrés lors d'une attaque de Dragons et de Chevau-légers français.

Napoléon revient au pas de course pour défendre Paris, mais dans la capitale personne n'a de ses nouvelles depuis quatre jours. En deux jours pas moins de 9.000 hommes ont été tués ou blessés de part et d'autres aux portes de la capitale. Pensant la situation désespérée, le maréchal Marmont signe la capitulation de Paris.

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Napoléon apprend la nouvelle à Juvisy, il se replie alors à Fontainebleau. Ses maréchaux lui proposent de se replier au Sud, mais lui veut rallier autour de ce point toutes les forces disponibles pour reprendre Paris. Une grande partie de ses espoirs repose sur la garnison de Paris elle-même qui obtenu de se replier avec armes et bagages : le 6e corps de Marmont. 

Dans les coulisses de la Chute de Napoléon

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Dans les coulisses de la Chute de l'empereur, un homme est au cœur de l'intrigue : Talleyrand. Le « Diable boiteux » n'a plus alors de ministère, mais il est vice-grand-électeur de l'Empire (« le seul vice qui lui manquait » dira Fouché) et membre du conseil de régence. Ce grand expert dans l'art de survivre à tous les régimes depuis les débuts de la Révolution est généralement vu comme l'être le plus opportuniste de la période. Emmanuel de Waresquiel, historien spécialiste de ce personnage, souligne qu'au contraire et paradoxalement la ligne de conduite de Talleyrand est restée relativement stable.

Du début à la fin, Talleyrand œuvre pour une monarchie constitutionnelle relativement libérale et pour se faire il soutiendra le coup d'Etat du 18 Brumaire, comme il œuvrera pour la chute de l'Empire... Finalement, Talleyrand reste fidèle à ses idées tout en trahissant ses maitres... Sentant proche la fin de l'Empereur, Talleyrand se veut aux premières loges pour organiser la Restauration. Bernadotte est rapidement écarté, maintenir Marie-Louise au pouvoir si Napoléon venait à être tué est une possibilité, le Duc d'Orléans est envisagé car cette branche de la famille royale est bien impliquée dans la Révolution (le père du duc a voté la mort de Louis XVI), mais c'est finalement la branche aînée des Bourbons qu'il va soutenir.

Dans ce choix la prise de Bordeaux a joué un rôle important : la ville portuaire a beaucoup souffert du blocus continental imposé sous l'Empire, elle accueille avec joie la défaite des armées de l'Empereur et acclame le duc d'Angoulême (neveu du futur Louis XVIII) débarqué clandestinement à Bayonne. Talleyrand va alors jouer la carte de Louis XVIII, être l'instigateur de son retour devrait lui permettre de garder une bonne place en se rachetant d'avoir manigancé l'assassinat du duc d'Enghien et orchestré la spoliation des biens d'Eglise...

Pour convaincre les coalisés de jouer la carte de Louis XVIII il s'appuie sur deux arguments : premièrement la dynastie est légitime et devrait être stable à long terme, deuxièmement remettre sur le trône la dynastie de Louis XVI est un signe de solidarité fort au sein des monarchies européennes qui peuvent toutes êtres menacées par les mouvements révolutionnaires. Pour négocier directement avec les coalisés, Talleyrand joue très fin : il fait mine de fuir comme Marie-Louise et Joseph (ce qui montre sa bonne volonté en cas de retour de Napoléon...) mais s'arrange pour qu'un ami dans la Garde Nationale l'arrête et le « contraigne malgré lui » à rester à Paris... Quand le Tzar entre dans la capitale, Talleyrand prétexte un risque d'attentat à l'Elysée pour que le monarque russe soit hébergé chez lui...

Talleyrand créé alors un gouvernement provisoire dont il prend bien entendu la tête... Il s'entoure de deux sénateurs, Beurnonville et Jaucourt, l'ancien ambassadeur allemand Dalberg et l'abbé de Montesquiou. Ce nouveau gouvernement va de paire avec une nouvelle constitution dont la rédaction est confiée au Sénat. Les sénateurs étaient les fidèles soutient de l'Empire, mais à l'heure de la défaite ils ont là une opportunité de sauver leur carrière. Les sénateurs acceptent de travailler sur une nouvelle constitution mais imposent leurs conditions : leur place imminente dans le futur régime, mais aussi préserver les grades et pensions de l'armée, la dette publique, les biens nationaux, la liberté de culte et celle de presse.

Talleyrand 01Le 1er avril le conseil municipal de Paris demande la restauration de Louis XVIII ce qui incite les sénateurs à aller en ce sens. Le 2 avril le Sénat déclare Napoléon et sa famille déchus du trône et délie l'armée et le peuple de son serment. Le 3, le sénateur Lambrechts, opposant de longue date de Napoléon, rédige la proclamation de déchéance sans toutefois préciser le retour des Bourbons. Une commission constituante est formée en hâte, on propose en vain un retour à la constitution de 1791 mais on la rejette, on tergiverse...

Dans un même temps, Talleyrand envoie régulièrement des émissaires à Fontainebleau pour tenir l'État-major de Napoléon informé de l'évolution politique à Paris. Caulaincourt quant à lui continue de négocier autant que faire se peut une sortie honorable pour l'Empereur. Napoléon envisage un temps l'abdication en faveur de son fils, mais un événement vient changer encore la donne politique au détriment de l'Empereur des Français : le 4 avril, le 6e corps se retire derrière les lignes ennemies, Marmont vient de négocier sa sortie avec les coalisés.

La situation devient difficile pour Caulaincourt qui doit convaincre Napoléon d'abdiquer sans condition. Dans la journée une discussion a lieu entre l'Empereur et les maréchaux présents à Fontainebleau : Ney, Oudinot, Lefebvre...Ils savent tout de la situation politique, ils savent aussi que militairement il est à présent impossible de reprendre Paris, ils insistent auprès de leur souverain pour qu'il accepte l'abdication. Napoléon cède, il rédige avec Maret et Caulaincourt son acte d'abdication. Dans les jours qui suivent Ney, Oudinot et Lefebvre quittent Napoléon pour se rallier au gouvernement provisoire.

L'abdication de Napoléon clarifie les choses pour le Sénat, le retour de la royauté leur apparait alors comme une évidence. Un texte est élaboré pour garantir une monarchie constitutionnelle où eux-mêmes garderaient leurs postes et leurs dotations...
Le 29 avril, Talleyrand reçoit enfin Louis XVIII, mais le 2 mai celui-ci refuse de ratifier la constitution des sénateurs, acceptant néanmoins l'idée d'un régime représentatif. Ce sera le compromis de la Charte, octroyée par le roi au Peuple français et qui fait de la France un des régimes les plus libéraux d'Europe. 57 sénateurs d'Empire perdent leur poste, dont Lambrechts qui avait rédigé l'acte de déchéance de Napoléon...

Quant à Napoléon, le traité de Fontainebleau du 11 avril lui octroyait le petit royaume d'Elbe. Vaincu et abandonné de tous, l'Empereur déchu tente alors de quitter la scène comme un héros tragique et tente de se suicider dans la nuit du 12 au 13 avril 1814. Mais la Mort ne veut pas de lui, son valet alerté par les souffrances de son maitre alerte Bertrand, Caulaincourt, Maret, Fain et le chirurgien Yvan. En le faisant vomir, ce dernier sauve Napoléon du poison qu'il avait ingurgité. Nul ne le sait encore, mais l'épopée napoléonienne n'est pas encore finie...

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La légende impériale commence

Bien que perdue, la campagne de France est généralement présentée comme une heure relativement glorieuse de l'épopée napoléonienne... Pourquoi ? Tout simplement car la série de victoires remportées par Napoléon est inattendue, certains iront jusqu'à dire miraculeuse. En infériorité numérique évidente, Napoléon inflige de cuisantes défaites à ses ennemis et l'on croit revivre par moment les grandes heures du général Bonaparte en Italie. Le tragique de l'invasion de la France, la mobilisation générale qui en découle a aussi quelques relents des grandes heures de la Révolution française quand on déclarait la Patrie en danger.

Enfin, en 1814, Napoléon mène une guerre purement défensive, défendant son pays, ce qui lui offre une aura certaine. De nombreuses scènes émouvantes ou héroïques viennent édulcorer ce chant du cygne : c'est par exemple Napoléon combattant à Brienne où il avait passé une partie de sa jeunesse et où il manque d'être tué par une troupe de cosaques, ou encore Napoléon pointant lui-même les canons à Montereau comme dans ca2ses jeunes années au siège de Toulon... Des scènes réelles devenues des mythes repris et largement diffusés par les images d'Epinal et les gravures qui se diffusent dans toute la France. Un autre thème graphique récurent, inspiré d'une chanson de Beranger, celui de Napoléon hébergé quelques heures dans une famille de paysans français : l'Empereur est souvent pensif, auprès de l'âtre, entouré de ses généraux et la légende de conclure sur ces heures tragiques « - On parlera de sa Gloire sous la chaume bien longtemps ».

L'ennemi est également stigmatisé par la presse, sur le moment puis lorsque l'on écrira la légende. Ces envahisseurs venus de l'Est sont peints comme les nouveaux barbares aux portes de l'Empire : massacrant, brulant, violant... Les exactions sont réelles et il ne faut les minimiser. Elles sont le fruit de toutes les armées d'invasion. Toutefois une figure emblématique est mise en avant : celle du cosaque. Représenté sur son cheval avec sa lance, habillé de loques, la barbe hirsute, le cosaque est l'archétype du sauvage de l'Est, aux frontières de l'Europe et de l'Orient, venu saccager ce cœur de la civilisation qu'est la France.

Ce portrait très exagéré et stéréotypé aura la vie dure bien que les Parisiens découvrent avec étonnement lors de l'occupation que ces hommes ne sont pas tous ce qu'on a bien voulu leur faire croire. Les Russes deviennent même à la mode, on les retrouve dans les salons, les clubs, les théâtres... Il faut dire que le Tzar Alexandre, auréolé de la victoire, veille à ce que ses troupes se comportent bien dans la plus belle ville d'Europe. Toutefois, les vétérans des campagnes de 1812, 1813 et 1814 garderont toujours dans leurs écrits une vision très noire de ces troupes indisciplinées et violentes. Il faut dire que ce qu'ils ont connu des cosaques pendant ces guerres n'est pas ce que les royalistes ont pu connaitre en allant voir leurs bivouacs sur les bords de la Seine...

Enfin, la campagne de France apparait comme une suite de victoires militaires. C'est relativement vrai, même si la propagande impériale accentue les succès et minimise les revers. On remarque en effet que Napoléon enchaine les victoires, succès tactiques, mais à l'échelle nationale force est de Le Marin de la Garde pendant la campagne de France en 1814 par Louis Frégierconstater que l'étau ne cesse de se resserrer. Néanmoins, Napoléon ne subit aucune défaite cuisante, sa réputation militaire n'est pas ébréchée et, à Fontainebleau encore, on veut croire que tout est possible. Les responsables désignés de la défaite se sont les « traitres » : Talleyrand à Paris qui accueille les coalisés, retourne le Sénat contre Napoléon et prépare le changement de régime, et dans l'armée les maréchaux qui refusent de continuer le combat et espèrent sauver leur position.

Finalement nous ne sommes pas très éloignés du thème du coup de poignard dans le dos qui aura le succès que l'on sait au siècle suivant. Si une partie de la population, notamment dans le Midi, accueille avec joie la fin de l'Empire, les désillusions de la Restauration inciteront bientôt les regards à se porter vers l'île d'Elbe... En 1814, les coalisés ont mis à bas l'Empire mais finalement pas l'aura de l'Empereur. 

Bibliographie

- Jean-Paul Bertaud, Napoléon et les Français, Armand Colin, 2014.
- Jacques-Olivier Boudon, Napoléon et la campagne de France, 1814, Armand Colin, 2014.
- Jacques Jourquin, Souvenirs de campagnes du sergent Faucheur, Editions Tallandier, 2004.
- Alain Pigeard, Dictionnaire des batailles de Napoléon, Editions Tallandier, 2004.
- Marie-Pierre Rey, Un Tsar à Paris, Flammarion, 2014.
- Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand, le prince immobile, Fayard, 2002.

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