Parmi les châteaux de la Loire, Blois est probablement l’un des plus originaux. En effet, sa singulière histoire nous permet de découvrir trois styles architecturaux distincts : gothique flamboyant, Renaissance et classique. Le château est également célèbre pour son remarquable Grand escalier, construit au milieu de l’aile François Ier durant le règne de ce dernier. Résidence des comtes de Blois, puis des rois de France de Louis XII à Henri III, théâtre d’événements décisifs comme l’assassinat du duc de Guise, il s’avère un monument remarquable pour aborder l’histoire de France durant des périodes troubles comme les guerres de religion.
Les comtes de Blois au Moyen Âge
Placé sur une position stratégique, au sommet d’une butte dominant la Loire, Blois est un lieu de pouvoir depuis les comtes de Blois, dès l’époque carolingienne. L’influence de ces comtes, au départ désignés par Charlemagne pour contrôler des territoires, augmente à partir du XIe siècle, quand leurs possessions s’agrandissent avec l’acquisition de la Touraine et du pays chartrain, puis du comté de Champagne, enserrant ainsi le petit domaine royal, et s’opposant au puissant Anjou.
Toutefois, il ne reste rien aujourd’hui de leurs constructions, sauf la grande salle des Etats, édifiée au début du XIIIe siècle, sous le règne de Philippe Auguste.
Au même moment, la lignée s’éteint et le comté de Blois passe à la maison de Châtillon-sur-Seine jusqu’à la fin du XIVe siècle, période où est construite l’enceinte, dont il reste quelques vestiges de nos jours (dont la tour du Foix). Il est ensuite acheté par Louis d’Orléans, frère du roi de France Charles VI. En 1407, le duc d’Orléans est assassiné sur ordre de Jean sans Peur, et sa veuve, Valentine Visconti, meurt à Blois un an plus tard. Lui succède son fils, Charles, qui est capturé à la bataille d’Azincourt (1415) et emprisonné en Angleterre jusqu’en 1440. C’est là qu’il commence à composer ses poèmes nostalgiques, devenant le « duc-poète ». De retour à Blois, il développe les arts à sa cour, invitant et protégeant des poètes comme François Villon (1431-1463 ?), organisant des concours de poésie.
Pendant la captivité de Charles d’Orléans, en 1429, Jeanne d’Arc passe à Blois et y fait bénir son étendard, avant d’aller libérer Orléans du siège anglais.
Le château de Blois à la Renaissance
Le roi de France, né à Blois en 1462, garde évidemment un lien fort avec le château. Il entreprend donc des travaux de rénovation, et fait construire l’aile en brique et pierre, dite aile Louis XII (par laquelle les visiteurs entrent aujourd’hui dans le château), ainsi que la galerie, la chapelle, et une autre aile qui a disparu depuis, tout comme les jardins. L’œuvre a lieu entre 1498 et 1501, et Louis XII peut ainsi y accueillir Philippe le Beau et Jeanne la Folle, parents de Charles Quint, lors de leur passage en France. Quelques années plus tard, c’est Machiavel qui réside à Blois, comme ambassadeur de Florence.
En 1515, François Ier succède à son cousin Louis XII, alors qu’Anne de Bretagne est morte à Blois l’année précédente. Inspiré par le style italien, le nouveau roi de France continue les travaux de son prédécesseur, en faisant rénover une autre aile, tout en gardant les murs du château médiéval. C’est contre cette aile François Ier qu’est construit le Grand escalier. Le style des deux façades (celle de la cour d’honneur, et celle dite des Loges) montre l’évolution du goût architectural sur à peine une quinzaine d’années, passant du Moyen Âge (l’aile Louis XII) à la Renaissance (l’aile François Ier). Un style qui mélange le goût français et l’italien.
Le lieu reste un endroit important pour le royaume et les arts, même après le départ de François Ier, comme le montre l’exemple fameux de Pierre Ronsard (1524-1585), qui aurait rencontré sa muse Cassandre lors d’un bal à la Cour de Blois, en 1545.
Dans le tumulte des guerres de Religion
A la mort de François Ier, son fils Henri II monte sur le trône. Comme son père, il séjourne moins à Blois (le comté est intégré au domaine royal), mais la vie artistique y est toujours active, plus encore quand la Cour est de passage, grâce à l’influence de Catherine de Médicis.
Celle-ci prend encore de l’importance à la mort de son mari (1559) et suite au décès prématuré de François II. Le deuxième fils du couple royal, Charles IX, devient roi alors qu’éclatent les guerres de religion. En 1562, les catholiques prennent Blois, où sont pendus des protestants sur ordre d’Anne de Montmorency. Sous l’impulsion de la reine-mère, le traité d’Amboise est signé en 1563, et l’amiral de Coligny accueilli à Blois par Catherine de Médicis. Ainsi, jusqu’à la saint Barthélémy (1572), le château de Blois demeure un lieu de rencontres et de négociations durant la guerre civile, et Charles IX y séjourne régulièrement. C’est également à Blois qu’est négocié le mariage entre Henri de Navarre et Marguerite de Valois.
Henri III, qui accède au trône en 1574, séjourne plus souvent à Blois que ses prédécesseurs. Surtout, c’est au château même, dans sa propre chambre, que le roi fait assassiner son rival et leader de la Ligue, le duc de Guise, en 1588. Un an plus tard, il est tué à son tour, et Henri de Navarre devient roi sous le nom d’Henri IV. La même année, Catherine de Médicis est morte à Blois.
Blois au Grand Siècle
Avec la fin des Valois intervient la fin du château de Blois en tant que résidence royale, surtout après Henri IV, qui y séjourne un peu au milieu de son règne. Blois devient alors une sorte de résidence pour les rivaux ou ennemis du roi. Ainsi, Louis XIII y fait surveiller sa mère, Marie de Médicis, en 1617. Deux ans plus tard, elle s’évade et finira par être exilée à Cologne.
On le sait, le règne de Louis XIV et de ses successeurs se concentre sur Versailles, et Blois –tout comme les autres châteaux de la Loire- est très peu fréquenté, presqu’abandonné. Si bien qu’en 1788, Louis XVI décide de vendre Vincennes, la Muette, le château de Madrid et Blois pour renflouer les caisses du royaume. Ne trouvant pas d’acquéreur, le château de Blois est transformé en caserne, statut qu’il conserve par la suite, y compris sous la Révolution.
Le château de Blois sauvé au XIXe siècle
Le destin du château de Blois manque de tourner au tragique dans la première moitié du XIXe siècle. Un décret de 1810 en fait, en tant que caserne, la propriété de la ville de Blois. Celle-ci propose en 1824 de l’offrir à l’Etat pour qu’il en fasse une préfecture après avoir détruit les ailes François Ier et Louis XII ! Heureusement, le projet n’aboutit pas…
La restauration est conduite par celui qui peut être considéré comme le véritable sauveur de Blois, Félix Duban, entre 1845 et 1870. C’est à lui que l’on doit la décoration des salles, inspirée des décors de la Renaissance, tels qu’on en avait idée au XIXe siècle en tout cas. Les militaires sont chassés petit à petit. A partir de 1869, l’aile Louis XII accueille le musée des Beaux Arts. Depuis, le château de Blois est devenu un lieu de visite dont le succès ne se dément pas, en particulier depuis le classement à l’UNESCO du Val de Loire en 2000.
Remerciements à Pierre-Gilles Girault, conversateur-adjoint, pour sa visite.
Bibliographie
- P-G. Girault, Le château de Blois en dates et en chiffres, éditions J-P Gisserot, 2008.
- Le Château de Blois. Editions du patrimoine, 2016.
Pour aller plus loin
- Le site officiel du château de Blois